CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Hakim,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar, en date du 28 novembre 1991, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de vols avec arme, a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire rendue par le juge d'instruction.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 114, 145, 171, 172, 186, alinéa 1er, 201, alinéa 1er, 206, 207, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt a refusé d'annuler l'ordonnance du juge d'instruction de mise en détention de X... rendue le 31 octobre 1991 se substituant à celle qu'il avait irrégulièrement prise le 26 septembre 1991 ;
" aux motifs que le défaut qui affecte le titre de détention initial est un vice de forme et non de fond, le juge d'instruction ayant donc pu délivrer un deuxième titre de détention dans la même affaire pour les mêmes faits ; qu'en raison de l'absence de signature du juge, un acte doit être considéré comme inexistant dès lors du moins que la signature d'autres personnes lui confère un début de réalité ou que des actes d'exécution doivent être mis à néant ;
" qu'en l'espèce, en raison même de la nature de l'acte entaché du défaut, seul le juge d'instruction avait à munir celui-ci de sa signature ; que pour ne pas avoir satisfait à cette exigence élémentaire, son ordonnance n'est pas à tenir pour légalement inexistante mais l'est radicalement comme n'ayant pas, considérée en elle-même, dépassé le stade d'un simple projet ; que, dans ces conditions toutes particulières, le premier juge, après avoir dûment constaté l'inexistence absolue de sa première ordonnance, pouvait s'estimer autorisé non pas à refaire son acte de procédure mais à faire ce que, par inattention, il n'avait pas encore fait ;
" alors, d'une part, que le juge d'instruction ne saurait, sans excès de pouvoir, substituer une nouvelle ordonnance de mise en détention provisoire à celle précédemment prise qu'il estime entachée de nullité ; qu'en procédant à une telle substitution, il empiète sur les attributions de la chambre d'accusation seule compétente, pendant la durée de l'information, pour en apprécier la régularité sous le contrôle de la Cour de Cassation ;
" alors, d'autre part, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'ordonnance de mise en détention du 26 septembre 1991 a reçu exécution et que pour pouvoir prendre une nouvelle ordonnance de mise en détention provisoire, le juge d'instruction a dû établir un procès-verbal le 31 octobre 1991 constatant l'inexistence de sa précédente ordonnance et prescrire l'élargissement de l'inculpé ; qu'en énonçant que l'ordonnance du 26 septembre 1991 était radicalement inexistante et était restée au stade de simple projet, ce qui aurait permis au juge d'instruction de faire un acte de procédure qu'il n'avait pas encore fait, la chambre d'accusation a entaché sa décision de contradiction de motifs, violant les textes susvisés ;
" alors, enfin, que les mêmes faits ne peuvent faire l'objet de deux inculpations successives se cumulant et justifiant deux titres de détention distincts ; d'où il suit que la réincarcération de l'inculpé dont le titre de détention initial a été annulé ne pouvait pas intervenir à raison des mêmes faits " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que la chambre d'accusation est seule compétente, pendant la durée de l'instruction préparatoire, pour apprécier la régularité des actes de l'information, sous le contrôle de la Cour de Cassation ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, que Hakim X..., inculpé de vols avec arme, a été placé en détention provisoire par ordonnance du juge d'instruction du 26 septembre 1991 et écroué à cette date ; que, par procès-verbal du 31 octobre suivant, le magistrat a constaté que son ordonnance n'était pas revêtue de sa signature, en a déduit qu'elle devait être considérée comme inexistante, et a prescrit l'élargissement de l'inculpé ; qu'il a, le même jour, décerné à son encontre un mandat d'amener, immédiatement exécuté, et après débat contradictoire, a rendu une nouvelle ordonnance de mise en détention provisoire et délivré un nouveau mandat de dépôt ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, la chambre d'accusation, après avoir constaté l'inexistence de l'ordonnance prise le 26 septembre 1991 par le magistrat instructeur, énonce que celui-ci, ayant lui-même procédé à cette constatation, " pouvait s'estimer autorisé, non pas à refaire son acte de procédure, mais à faire ce que par inattention il n'avait pas encore fait " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans relever l'excès de pouvoir commis par le juge d'instruction qui ne pouvait prendre une nouvelle ordonnance de mise en détention provisoire sans qu'ait été constatée l'irrégularité de la première par la juridiction du second degré, la chambre d'accusation a méconnu le principe susénoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar, en date du 28 novembre 1991 ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
DIT que depuis le 26 septembre 1991, Hakim X... est détenu sans titre ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.