CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Guy,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, en date du 30 novembre 1990, qui, pour refus de restitution de son permis de conduire, l'a condamné à la peine de 1 mois d'emprisonnement avec sursis, 1 000 francs d'amende, et a ordonné la suspension de son permis de conduire pour une durée de 4 mois.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article L. 19, alinéa 2, du Code de la route, des articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1989, de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1978 et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré X... coupable d'avoir refusé de restituer son permis de conduire malgré un arrêté de suspension du 3 juillet 1989 qui a donné lieu à une convocation motivée de la part des gendarmes reçue par lui le 21 juillet 1989 et l'a condamné à 1 mois d'emprisonnement avec sursis, 1 000 francs d'amende et 4 mois de suspension de son permis de conduire ;
" aux motifs que l'article L. 19 du Code de la route prévoyant le délit de non-restitution de permis de conduire malgré la notification d'une décision de suspension ne précise pas les formes de ladite notification à l'intéressé ; que celui-ci se trouve en infraction dès lors qu'il a eu connaissance de la décision et refuse de remettre son permis de conduire ; qu'en l'espèce, il est établi par le procès-verbal de gendarmerie n° 635-89 de la brigade de Thizy que le prévenu a eu connaissance de l'arrêté du 3 juillet 1989 par une convocation motivée puis par une communication téléphonique avec les gendarmes attestant de la réception de cette convocation par l'intéressé ; que l'infraction est donc constituée, et ce dès le 21 juillet 1989, date de réception de la convocation motivée ;
" alors que l'infraction à l'article L. 19 du Code de la route n'est constituée que si le prévenu a reçu notification de la mesure de suspension ou d'annulation de son permis de conduire, préalablement à l'exigibilité du brevet ainsi que le marque le futur antérieur employé par le texte ; que cette notification préalable implique nécessairement la remise à l'intéressé d'une copie de la décision et ceci notamment pour lui permettre éventuellement d'exercer un recours, cette mesure étant rendue nécessaire par une règle administrative générale imposant pour que soit exécutoire la décision de l'Administration, d'une part une notification préalable par application de la loi du 17 juillet 1978, article 8, d'autre part la motivation des décisions administratives défavorables par application de la loi du 11 juillet 1979, articles 1 et 3 ; qu'en l'absence de notification préalable d'une copie ou d'un écrit reproduisant l'intégralité du contenu de la décision elle-même et permettant au prévenu de contester la matérialité des faits incriminés et de contrôler la régularité formelle de l'acte, la seule convocation motivée ne pouvait être assimilée en l'espèce à la notification préalable requise " ;
Attendu que, pour déclarer X... coupable du refus de restituer son permis de conduire malgré un arrêté préfectoral de suspension du 3 juillet 1989, l'arrêt attaqué relève que l'intéressé a eu connaissance de cet arrêté par une convocation motivée de la Gendarmerie, en date du 20 juillet 1989, lui enjoignant de remettre son permis, puis par une communication téléphonique du lendemain établissant la réception de ladite convocation ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations souveraines, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que l'article L. 19 du Code de la route ne soumet à aucune forme particulière la notification de la décision de suspension du permis de conduire ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré légalement constituée à l'encontre de X... l'infraction prévue et punie par l'article L. 19 du Code de la route ;
" aux motifs que l'arrêté du 3 juillet 1989 est un acte administratif pris après avis d'une commission légalement instituée à la demande de l'intéressé et devant laquelle il a été invité à fournir ses explications ; que cette procédure ne paraît en rien contraire aux principes généraux précisés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
" alors que ne saurait être légalement justifiée une condamnation pour méconnaissance d'une interdiction prononcée suivant une procédure contraire aux principes posés par l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce qui est précisément le cas de mesures de suspension du permis de conduire prononcées dans le cadre de l'article L. 18 du Code de la route, par le commissaire de la République qui, chargé du maintien de l'ordre, ne saurait être considéré comme une juridiction impartiale et de surcroît suivant une procédure non publique, les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales étant en effet applicables à toute procédure susceptible d'imposer à un citoyen, même à titre préventif, une restriction des libertés qu'elle garantit " ;
Attendu qu'il est vainement fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, pour rejeter l'argumentation de la défense, énoncé que la décision préfectorale de suspension du permis de conduire est un acte administratif pris après avis d'une commission légalement instituée, et que " cette procédure ne paraît en rien contraire aux principes généraux édictés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ;
Qu'en effet, l'article 6.1 de la Convention susvisée ne concerne pas les mesures prises par le préfet en application de l'article L. 18 du Code de la route, dès lors que ce fonctionnaire n'est pas appelé à statuer, selon les termes de la Convention, sur " le bien-fondé d'une accusation en matière pénale ", mais qu'il se borne à prendre, dans l'attente de la décision judiciaire, une mesure de sécurité provisoire ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le moyen de cassation relevé d'office pris de la violation des articles L. 14 et L. 19 du Code de la route, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte de l'article L. 14 du Code de la route que la suspension du permis de conduire ne peut être ordonnée, pour les infractions énumérées par ce texte, qu'" en cas de condamnation prononcée à l'occasion de la conduite d'un véhicule " ;
Mais attendu qu'en ordonnant que le permis de conduire de X... lui serait retiré pendant 4 mois, alors que l'infraction de refus de restituer son permis pour laquelle elle a condamné l'intéressé n'avait pas été commise à l'occasion de la conduite d'un véhicule, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen ;
Que la cassation est dès lors encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 30 novembre 1990, dans sa seule disposition ordonnant la suspension du permis de conduire de Guy X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.