REJET du pourvoi formé par :
- le Groupe des assurances nationales (GAN), partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 26 février 1991 qui, dans la procédure suivie contre X... du chef de blessures involontaires, a déclaré la Croix-Rouge française civilement responsable du prévenu.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1384, alinéa 5, du Code civil, 10 et 75 du décret n° 79-506 du 28 juin 1979 portant Code de déontologie médicale et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la Croix-Rouge française civilement responsable du docteur X... du chef de coups et blessures involontaires commis à l'occasion de son activité d'anesthésiste-réanimateur ;
" aux motifs qu'il était établi que le 1er juin 1983, la Croix-Rouge française avait conclu avec X... un contrat d'engagement en qualité de médecin anesthésiste-réanimateur, pour assurer le remplacement de vacances des titulaires de ces postes à l'hôpital de la Croix-Rouge française du 29 juin 1983 au 6 août 1983 et du 15 août au 15 septembre 1983 ; qu'à la date des faits, X... se trouvait donc le préposé de la Croix-Rouge qui, à ce titre, devait répondre comme civilement responsable, ainsi qu'en ont justement décidé les premiers juges ;
" alors que, d'une part, le lien de subordination d'où procède la responsabilité du commettant suppose que celui-ci ait le droit de donner à ses subordonnés des ordres et instructions sur la manière de remplir leurs fonctions ; que l'indépendance nécessaire du médecin anesthésiste-réanimateur dans l'exercice de son art, consacrée par le Code de déontologie médicale, s'opposait à ce qu'il fût soumis à l'autorité de l'établissement hospitalier au sein duquel il exerçait ses fonctions, pour ce qui avait trait à la pratique des actes médicaux de sa spécialité ;
" alors qu'à tout le moins, la cour d'appel ne pouvait statuer ainsi, sans avoir examiné les rapports qui unissaient effectivement le médecin anesthésiste à l'établissement hospitalier ni vérifié si le praticien remplissait en fait ses fonctions en toute indépendance ou s'il était soumis, dans l'exercice de son art, aux sujétions de son employeur " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Y..., atteint d'une fracture du col de l'humérus, a été opéré à l'hôpital de la Croix-Rouge française par un chirurgien orthopédiste, sous anesthésie pratiquée par X..., médecin anesthésiste-réanimateur ; qu'à la suite d'une erreur de manipulation commise par ce dernier, le patient est demeuré infirme ;
Attendu que, pour déclarer la Croix-Rouge française civilement responsable du prévenu, reconnu coupable de blessures involontaires, les juges retiennent que celui-ci avait été engagé par contrat pour assurer, pendant une période de vacances, le remplacement des médecins titulaires des postes d'anesthésie, et qu'à la date des faits, il était donc le préposé de la Croix-Rouge ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de l'appréciation souveraine des circonstances de la cause, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs allégués ; qu'en effet, l'indépendance professionnelle dont jouit le médecin dans l'exercice même de son art n'est pas incompatible avec l'état de subordination qui résulte d'un contrat de louage de services le liant à un tiers ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.