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25/02/1992 | FRANCE | N°90-12528

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 février 1992, 90-12528


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Sur la recevabilité du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'ordonnance rendue par le premier président de la cour d'appel de Dijon en date du 20 septembre 1989 : (sans intérêt) ;

Sur le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 25 janvier 1990 par la cour d'appel de Dijon :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Dijon, 25 janvier 1990), que la société Laboratoire service télécouleur (société LST), dirigée par M. X..., projetant d'importer des Etats-Unis des émetteurs-récepteurs radio dits citizen-band (CB), d'une puissance de 4 et 8 watts, a

fait interroger l'administration des Douanes sur cette possibilité, compte tenu des ...

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Sur la recevabilité du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'ordonnance rendue par le premier président de la cour d'appel de Dijon en date du 20 septembre 1989 : (sans intérêt) ;

Sur le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 25 janvier 1990 par la cour d'appel de Dijon :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Dijon, 25 janvier 1990), que la société Laboratoire service télécouleur (société LST), dirigée par M. X..., projetant d'importer des Etats-Unis des émetteurs-récepteurs radio dits citizen-band (CB), d'une puissance de 4 et 8 watts, a fait interroger l'administration des Douanes sur cette possibilité, compte tenu des dispositions restrictives du Code des postes et télécommunications ; que l'administration des Douanes a autorisé verbalement l'importation à la condition que la puissance des appareils soit ramenée à 2 watts ; que la société LST a réduit en conséquence sa commande aux postes de 4 watts, dont elle a accepté le reconditionnement à mi-puissance ; que la marchandise est arrivée à la douane de Mâcon le 11 ou 12 décembre 1980 et a été dédouanée contre remise des factures faisant état de ce reconditionnement, lequel a été confirmé par un télex de l'exportateur daté du 15 décembre et par une attestation délivrée le lendemain par la société LST ; que le 20 décembre suivant paraissait au journal officiel un avis daté du 15 décembre pris en application d'un arrêté du même jour, portant homologation d'une norme française et autorisant provisoirement l'importateur à faire la preuve de la conformité à cette norme par la production d'un avis de réception d'une demande d'agrément faite à l'autorité compétente pour y donner suite ; que le 28 janvier 1981, l'administration des Douanes saisissait dans les locaux de la société LST et chez des tiers grossistes la totalité des appareils, comme importés à la suite d'une fausse déclaration éludant une prohibition, infraction prévue par l'article 426-2° du Code des douanes ; que, sur assignation du 9 décembre 1987 de la société LST tendant à la condamnation de l'administration des Douanes à l'indemniser du préjudice résultant des agissements de cette administration constitutifs, selon la société, de voies de fait commises lors du dédouanement puis lors de la saisie, le Tribunal a, par jugement rendu le 19 avril 1989, accueilli en son principe la demande en ce qui concerne la saisie et alloué une somme, payable partiellement par provision ; que cette décision a été assortie le 11 juillet 1989 d'une mesure d'astreinte ; que l'administration des Douanes a formé appel de ces jugements ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que le directeur général des Douanes reproche à l'arrêt d'avoir écarté comme tardive la fin de non-recevoir tirée de son défaut de qualité à défendre à l'action alors, selon le pourvoi, d'une part, que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause ; que constitue une fin de non-recevoir le moyen tiré de ce que l'action tendant à faire déclarer l'Etat créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l'impôt ou au domaine doit être intentée par ou contre l'agent judiciaire du Trésor ; qu'en qualifiant cette fin de non-recevoir d'exception de procédure devant être relevée in limine litis, la cour d'appel a violé les articles 73, 122, 123 et 125 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public ; que toute action portée devant les tribunaux de l'ordre judiciaire tendant à faire déclarer l'Etat créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l'impôt ou au domaine doit être intentée par ou contre l'agent judiciaire du Trésor ; qu'en refusant au besoin d'office d'appliquer cette règle d'ordre public, la cour d'appel a violé les articles 122 et 125 du nouveau Code de procédure civile et 38 de la loi du 3 avril 1955 ;

Mais attendu que, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 1986, applicable à la cause, l'article 38 de la loi du 3 avril 1955 substitue à l'agent judiciaire du Trésor les comptables dépendant des administrations concernées pour représenter l'Etat dans les actions liées indirectement au recouvrement des créances fiscales et qui, dès lors, n'ont pas une cause étrangère à l'impôt ; que, parmi elles, doivent être rangées non seulement les contestations concernant l'assiette et le recouvrement des droits de douane mais encore les actions en responsabilité qui peuvent être engagées par les redevables contre l'Etat en raison de faits afférents à des opérations d'assiette et de recouvrement de ces droits ou de saisies effectuées dans le cadre d'infractions douanières ; que, par ce motif de pur droit substitué à ceux, erronés, de l'arrêt, ce dernier se trouve justifié en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du défendeur à l'action ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est aussi reproché à l'arrêt d'avoir décidé que les agissements de l'Administration étaient constitutifs d'une voie de fait alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'un acte administratif ne peut être constitutif d'une voie de fait que lorsqu'il est manifestement insusceptible de se rattacher à aucun des pouvoirs attribués par la loi à son auteur ; qu'en l'espèce, si la déclaration C1 portait la mention 40 canaux et 4 watts, l'attestation demandée, ainsi que l'a constaté l'arrêt, à M. X... faisait état d'une réduction de puissance effectivement réalisée à 2 watts ; qu'en estimant que l'Administration aurait commis une voie de fait lors du dédouanement aux motifs qu'elle ne pouvait ignorer que les appareils importés étaient des appareils de 4 watts couvrant 40 canaux " avec possibilité de réduction à 2 watts " et qu'elle aurait dû alors refuser le dédouanement, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et, par là

même, a violé l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 ; alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel, l'administration des Douanes avait fait valoir que " si l'arrêté du 15 décembre 1980 n'est effectivement entré en vigueur que le 21 décembre, les mesures qu'il instituait, plus favorables que celles antérieures (qui étaient une interdiction totale de toute importation des CB) ont été appliquées par les P et T dès qu'il a été décidé qu'elles seraient officiellement instituées ; que c'est pour cette considération d'application de fait immédiate d'une mesure de libéralisation en cours d'établissement que la fiche relative aux CB d'une puissance limitée à 2 watts et pour 22 canaux a été édictée et appliquée " ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen de nature à établir que l'Administration, en faisant rétroagir au 17 décembre 1980 un texte qui n'était applicable que le 21 décembre 1980, n'avait pas commis une voie de fait lors de la saisie, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'il résulte des constatations du jugement confirmé qu'entre la date de la saisie, 28 janvier 1987, et celle de la plainte, 13 avril 1983, l'administration des Douanes avait à quatre reprises proposé à la société LST une mainlevée de la saisie à condition que la puissance des postes soit limitée à 2 watts à titre non réversible et que M. X... avait à chaque fois refusé cette proposition ; qu'en déclarant dès lors que le délai pour diligenter les poursuites constituait une voie de fait à la charge de l'administration des Douanes, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales et a par là même violé l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 ;

Mais attendu que l'arrêt qui, loin de constater que l'attestation demandée à M. X... faisait état d'une réduction de puissance effectivement réalisée à 2 watts, s'est borné à mentionner l'existence d'une simple possibilité de réduction, a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'Administration avait opéré une saisie de marchandises en se référant à un texte non en vigueur à la date de la prétendue infraction douanière et n'avait pas hésité à la maintenir pendant plus de 2 ans, tout en se refusant à faire juger par les tribunaux cette prétendue infraction par laquelle elle tentait de la justifier ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résultait que le comportement d'ensemble de l'Administration était exorbitant de l'exercice de ses pouvoirs et, ainsi, était manifestement insusceptible de se rattacher à cet exercice, la cour d'appel, qui a répondu en les écartant aux conclusions invoquées, a pu décider que ce comportement constituait une voie de fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que l'administration des Douanes reproche enfin à l'arrêt de l'avoir condamnée sous astreinte à payer une indemnité provisionnelle, alors, selon le pourvoi, que l'Administration est autorisée à ne faire aucun paiement en vertu de jugements attaqués par les voies d'opposition, d'appel ou de cassation, à moins qu'au préalable ceux au profit desquels ledit jugement a été rendu n'aient donné bonne et suffisante caution pour sûreté des sommes à eux adjugées ;

que, dans son jugement du 19 avril 1989, le tribunal avait condamné l'Administration à payer à la société LST une somme de trois millions de francs avec exécution provisoire ;

que, faute de caution, elle n'avait pas exécuté le jugement ; qu'en confirmant le jugement du 11 juillet 1989 qui l'a condamnée sous astreinte à des dommages-intérêts pour inexécution du jugement du 19 avril 1989, au motif que l'administration des Douanes, en commettant une voie de fait, ne pouvait plus revendiquer l'application de la règle de droit public et se trouvait automatiquement soumise au droit commun, la cour d'appel a violé l'article 383 du Code des douanes ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que l'article 383 du Code des douanes n'était pas applicable dès lors que l'Administration avait commis une voie de fait ;

que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'ordonnance rendue par le premier président de la cour d'appel de Dijon le 20 septembre 1989 ;

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Dijon le 25 janvier 1990


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 90-12528
Date de la décision : 25/02/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° ETAT - Représentation en justice - Loi du 3 avril 1955 - Action liée au recouvrement d'une créance fiscale - Exercice - Comptable de l'Administration concernée.

1° ETAT - Représentation en justice - Loi du 3 avril 1955 - Action liée au recouvrement d'une créance fiscale - Douanes - Droits - Assiette et recouvrement - Contestation 1° ETAT - Représentation en justice - Loi du 3 avril 1955 - Action liée au recouvrement d'une créance fiscale - Douanes - Droits - Assiette et recouvrement - Faits afférents aux opérations - Responsabilité - Action du redevable 1° ETAT - Représentation en justice - Loi du 3 avril 1955 - Action liée au recouvrement d'une créance fiscale - Douanes - Infraction - Saisie - Faits afférents à cette opération - Responsabilité - Action du redevable.

1° L'article 38 de la loi du 3 avril 1955, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 1986 applicable en la cause, substitue à l'agent judiciaire du Trésor les comptables dépendant des administrations concernées pour représenter l'Etat dans les actions liées indirectement au recouvrement des créances fiscales et qui dès lors n'ont pas une cause étrangère à l'impôt ; parmi elles, doivent être rangées non seulement les contestations concernant l'assiette et le recouvrement des droits de douane mais encore les actions en responsabilité qui peuvent être engagées par les redevables contre l'Etat en raison de faits afférents à des opérations d'assiette et de recouvrement de ces droits ou de saisies effectuées dans le cadre d'infractions douanières.

2° SEPARATION DES POUVOIRS - Voies de fait - Définition - Acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l'Administration - Douanes - Saisie de marchandise - Référence à un texte non en vigueur à la date de la prétendue infraction douanière - Maintien de la saisie - Refus de faire juger la prétendue infraction.

2° Une cour d'appel peut décider que l'administration des Douanes commet une voie de fait lorsqu'elle relève que l'Administration qui a opéré une saisie de marchandises en se référant à un texte non en vigueur à la date de la prétendue infraction douanière et n'a pas hésité à la maintenir pendant plus de 2 ans tout en se refusant à faire juger par les tribunaux cette prétendue infraction par laquelle elle tentait de la justifier, le comportement d'ensemble de l'Administration étant exorbitant de l'exercice de ses pouvoirs et ainsi manifestement insusceptible de se rattacher à cet exercice.

3° DOUANES - Voies d'exécution - Droits particuliers réservés à la Douane - Jugement attaqué par certaines voies de recours - Autorisation de ne faire aucun paiement - Domaine d'application - Voie de fait (non).

3° L'article 383 du Code des douanes n'est pas applicable dès lors que l'Administration commet une voie de fait.


Références :

Loi 55-366 du 03 avril 1955 art. 38
Loi 86-1317 du 30 décembre 1986

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 1989-09-20 et 1990-01-25

DANS LE MEME SENS : (3°). Chambre commerciale, 1992-02-25 , Bulletin 1992, IV, n° 89, p. 63 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 fév. 1992, pourvoi n°90-12528, Bull. civ. 1992 IV N° 91 p. 64
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1992 IV N° 91 p. 64

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Bézard
Avocat général : Avocat général :M. Jéol
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Vigneron
Avocat(s) : Avocats :la SCP Boré et Xavier, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:90.12528
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