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Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 octobre 1989), que M. X..., délégué syndical central du Syndicat national de la banque et du crédit (SNB) au Crédit lyonnais, a signé, avec le président de cette banque, le 3 février 1987, malgré l'interdiction de son syndicat, un accord d'entreprise portant sur l'aménagement du temps de travail, qui devait être complété par des accords locaux ; que, le même jour, un télégramme, reçu à 15 heures 30, était adressé par le SNB au président du Crédit lyonnais, l'informant de l'interdiction faite à tout membre de la section syndicale de l'entreprise de signer cet accord ;
Attendu que le SNB fait grief à la cour d'appel de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir juger que ledit accord lui était inopposable, alors, selon le moyen, en premier lieu, qu'il résulte de l'article L. 132-3 du Code du travail que les représentants des organisations syndicales signataires d'une convention ou d'un accord collectif de travail peuvent contracter au nom de l'organisation qu'ils représentent à condition d'être habilités, soit en vertu d'une stipulation statutaire, soit en vertu d'une délibération spéciale de cette organisation ; qu'en considérant que M. X... détenait de plein droit, de par sa désignation en qualité de délégué syndical du SNB, pouvoir de signer avec le Crédit lyonnais l'accord du 3 février 1987 au nom de son organisation, l'arrêt a violé par refus d'application l'article L. 132-3 du Code du travail ; alors, en second lieu, qu'en matière de conclusion d'accord collectif de travail, une organisation syndicale ne peut être valablement engagée par un représentant qu'elle a privé auparavant du pouvoir de contracter un tel accord ; qu'en l'espèce, l'arrêt a considéré que l'accord signé par le délégué syndical SNB était valable dès lors qu'il n'était pas établi que la suspension partielle des pouvoirs du mandataire avait été portée à la connaissance de la banque avant la signature ; qu'en faisant dépendre la validité de l'accord de la connaissance par le cosignataire du défaut de pouvoir du mandataire, quand le seul désaveu de son représentant par l'organisation syndicale suffisait à priver de toute valeur l'accord signé, quand bien même la banque n'aurait eu que postérieurement connaissance du défaut d'habilitation, l'arrêt a violé les articles L. 132-3, L. 412-11 du Code du travail et 1984 et suivants du Code civil ; alors, en outre, qu'en tout état de cause, la croyance du tiers dans les pouvoirs d'un mandataire n'est légitime que si les circonstances l'autorisent à ne pas vérifier l'existence ou l'étendue de ces pouvoirs ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a considéré que le délégué syndical était, du seul fait de sa désignation, présumé avoir valablement représenté son syndicat lors de la signature de l'accord du 3 février 1987 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, eu égard à la particulière importance de l'accord sur l'aménagement du temps de travail, d'une part, et à la position d'attente arrêtée par le SNB jusqu'au 12 février 1987, date de la réunion de son comité directeur, d'autre part, le chef d'entreprise ne devait pas en l'espèce s'assurer du pouvoir du délégué syndical de contracter dès le 3 février 1987 au nom du SNB, l'arrêt n'a pas justifié légalement
sa décision au regard des articles L. 132-3 et L. 412-11 du Code du travail ; alors, encore, que la lettre adressée le 4 février 1987 par M. X..., délégué syndical du SNB, au président de la CGS, ne remettait nullement en cause le fait qu'un télégramme, envoyé à 13 heures lors d'une réunion du bureau national du SNB et remis à 14 heures 45, mentionnait l'interdiction faite à quiconque, membre de la section syndicale du SNB du Crédit lyonnais, de signer le protocole d'accord ; que la lettre de M. X... se bornait à indiquer qu'un télex du bureau national, décidant de " différer ", avait été reçu à 15 heures 30 par le président du Crédit lyonnais, au moment de la signature de l'accord, cette seule mention étant insusceptible de démontrer que le désaveu du syndicat était parvenu, postérieurement à la signature, à la connaissance de ses destinataires ; qu'en considérant néanmoins que la version des événements présentée par M. X... était contraire à celle du bureau national, d'où il a conclu que la preuve d'une suspension partielle des pouvoirs de M. X... avant la signature du protocole d'accord n'était pas établie, l'arrêt a dénaturé la lettre précitée et violé l'article 1134 du Code civil ; alors, enfin, que chaque partie a la charge de prouver les faits qu'elle allègue ; qu'en l'espèce, le SNB avait établi, ce qui est constaté par la cour d'appel, que la banque avait reçu à 14 heures 45 le télégramme l'informant de la suspension partielle des pouvoirs du délégué syndical ; qu'il incombait dès lors à la banque de prouver que l'accord litigieux avait été signé avec le délégué syndical avant 14 heures 45 pour que le défaut de pouvoir lui soit inopposable ; que la banque s'est toujours refusée à préciser l'heure à laquelle l'accord avait été conclu ; qu'en faisant grief au syndicat de n'avoir pas établi que la banque n'avait pas été informée en temps utile de la suspension du pouvoir du délégué syndical, la cour d'appel a violé les articles 6 du nouveau Code de procédure civile et 1315 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que M. X..., désigné en vertu de l'article L. 412-11 du Code du travail pour représenter son organisation syndicale auprès du chef d'entreprise, était, par cette désignation, investi de plein droit du pouvoir de négocier et de conclure un accord d'entreprise, conformément aux dispositions de l'article L. 132-20 du même Code, et ce quelle que soit l'importance de cet accord ; que le moyen, en ses première et troisième branches, n'est donc pas fondé ;
Attendu, d'autre part, qu'il appartenait à l'organisation syndicale qui entendait suspendre le mandat donné à son délégué, d'en informer en temps utile les autres parties à la négociation collective ; que la cour d'appel, qui a relevé que l'organisation syndicale avait désavoué son délégué par un télégramme reçu le jour de la signature de l'accord, a pu décider, sans inverser la charge de la preuve ni dénaturer la lettre adressée par M. X... au président de la CGC, que, faute par le SNB d'établir que l'interdiction faite au délégué de conclure l'accord était parvenue à la connaissance du président du Crédit lyonnais avant cette signature, l'accord, régulièrement conclu, était opposable au syndicat ; qu'en ses autres branches, le moyen ne saurait donc davantage être accueilli ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 412-11 du Code du travail ;
Attendu que pour décider que les accords locaux, conclus en application de l'accord d'entreprise avec les délégués syndicaux d'établissement, étaient également opposables au SNB, la cour d'appel a retenu que ce syndicat ne justifiait pas avoir régulièrement dénoncé l'accord d'entreprise, conformément aux dispositions des articles L. 132-8 et L. 132-10 du Code du travail, et que, dès lors, il ne pouvait paralyser l'exécution de l'accord qu'il avait signé en contestant la validité des accords locaux signés les 2 et 16 mars 1987, au prétexte que le mandat de ses délégués locaux avait été ultérieurement suspendu ;
Attendu, cependant, que le syndicat ne pouvait se voir engagé par des accords conclus en son nom par des délégués dépourvus de pouvoir pour le représenter ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir relevé que le SNB avait informé le président de la banque, par courrier du 13 février 1987, de la suspension du mandat de ses délégués en ce qui concernait la signature de tels accords, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré les accords locaux opposables au SNB, l'arrêt rendu le 3 octobre 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles