CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X...,
- la société anonyme X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 23 janvier 1990, qui, dans la procédure suivie contre eux pour infraction aux articles L. 244-1 et R. 244-4 du Code de la sécurité sociale, après avoir constaté l'extinction de l'action publique par amnistie, a déclaré la société X... civilement responsable du prévenu X... et les a tous deux condamnés au paiement, envers l'URSSAF, des cotisations et majorations de retard.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 244-1 à L. 244-14 et R. 244-1 à R. 244-6 du Code de la sécurité sociale, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... à payer à l'URSSAF du Vaucluse la somme de 327 628 francs, montant des cotisations impayées et des majorations de retard par la société X... ;
" aux motifs adoptés que X... a omis de verser à la Caisse des cotisations afférentes aux salariés de son entreprise ;
" alors que le dirigeant d'une société qui a omis de verser des cotisations patronales et ouvrières, s'il peut être, éventuellement, condamné au paiement de dommages-intérêts, ne peut être condamné au paiement des cotisations et majorations de retard dues par la société elle-même " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que si, pour l'application des articles L. 244-1 et R. 244-4 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur est une personne morale, l'action publique doit être exercée contre la personne physique qui la dirige, en droit ou en fait, cette dernière ne saurait être condamnée à payer les cotisations et majorations de retard qui, étant dues par la personne morale, ne peuvent être mises, par les juridictions répressives, à la charge de son dirigeant ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, la société anonyme X... n'ayant pas versé les cotisations patronales afférentes à la période du 1er au 31 mai 1987, l'URSSAF a, le 11 janvier 1988, cité directement devant la juridiction répressive son dirigeant, X..., pour infraction à l'article R. 244-4 du Code de la sécurité sociale, et la société elle-même, comme civilement responsable ;
Attendu que la cour d'appel, statuant uniquement sur l'action civile par suite de l'amnistie des faits, a condamné X... à verser à l'URSSAF le montant des cotisations impayées et des majorations de retard, pour la période du 1er au 15 mai 1987 ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
Qu'ainsi la cassation est encourue de ce chef ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 40 et 47 de la loi du 25 janvier 1985, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société X... à payer à l'URSSAF du Vaucluse la somme de 327 628 francs, montant des cotisations impayées ;
" aux motifs que la société anonyme X... a été placée en redressement judiciaire par décision du 15 mai 1987 ; qu'il y a lieu d'allouer à l'URSSAF du Vaucluse la somme de 327 628 francs, montant des cotisations impayées et des majorations de retard pour la période du 1er au 15 mai 1987 ;
" alors qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la créance de l'URSSAF a son origine antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective et que la Cour ne pouvait donc prononcer de condamnation de paiement à l'encontre de la société X... " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, le jugement d'ouverture de redressement judiciaire interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement, et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; qu'il s'ensuit qu'à compter du jugement d'ouverture, aucune demande de paiement ne peut être introduite devant les juridictions répressives ;
Attendu qu'après avoir énoncé que la société X... avait été mise en redressement judiciaire " par décision du 15 mai 1987 ", la cour d'appel a, par l'arrêt attaqué, condamné ladite société à payer à l'URSSAF, partie civile, le montant des cotisations afférentes à la période antérieure au jugement ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la citation délivrée par l'URSSAF étant postérieure au jugement d'ouverture, la demande en paiement aurait dû être déclarée irrecevable, la cour d'appel a méconnu les textes et les principes ci-dessus énoncés ;
D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ;
Et attendu qu'ainsi il ne reste rien à juger ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 23 janvier 1990 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.