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04/02/1992 | FRANCE | N°90-82330

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 février 1992, 90-82330


REJET du pourvoi formé par :
- X... Georges, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 8 mars 1990, qui l'a débouté de ses demandes après avoir relaxé Maurice Y... du chef d'infraction à l'article L. 482-1 du Code du travail.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 497, 529, 515, 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que, sur le seul appel de la partie c

ivile, la Cour a statué sur l'action publique, a confirmé le jugement en ce qu'...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Georges, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 8 mars 1990, qui l'a débouté de ses demandes après avoir relaxé Maurice Y... du chef d'infraction à l'article L. 482-1 du Code du travail.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 497, 529, 515, 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que, sur le seul appel de la partie civile, la Cour a statué sur l'action publique, a confirmé le jugement en ce qu'il a renvoyé Y... des fins de la poursuite du chef de refus de réintégration dans les fonctions de délégué du personnel, en violation des textes susvisés " ;
Attendu que la partie civile est sans intérêt à se prévaloir de ce que, sur son seul appel, la juridiction du second degré, au lieu de se borner à rechercher, au seul point de vue des intérêts civils, si les éléments constitutifs de l'infraction poursuivie étaient réunis, a confirmé sur l'action publique la décision de relaxe prononcée par les premiers juges, dès lors que cette décision était devenue définitive en l'absence d'appel du ministère public ;
Que le moyen est donc irrecevable ;
Sur le second moyen de cassation pris de de la violation des articles 1382 du Code civil, L. 482-1 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté M. X... de sa demande en réparation du préjudice causé par le refus de son employeur de le réintégrer dans ses fonctions de délégué du personnel ;
" aux motifs que le protocole d'accord du 5 novembre 1987 a été conclu et signé par X... et son employeur alors que le salarié avait déjà reçu une convocation en vue de son licenciement ; qu'il a eu pour objet, notamment, de régler les conséquences pécuniaires de cette rupture ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que X..., juriste de profession, n'ait pas donné son plein accord à la rupture amiable de son contrat de travail qui lui était proposée pour le 31 décembre 1987 ; que, suite à la convention, M. X... a eu le comportement d'un salarié dont le contrat de travail venait de prendre fin et qui est soucieux de faire valoir ses droits pour obtenir des indemnités compensatoires de sa perte de salaire ; qu'ainsi le protocole du 5 novembre 1987 suivi de celui du 3 mars 1988 qui n'emportait pas, par avance, renonciation à des dispositions d'ordre public est valable, dispensait l'employeur de poursuivre plus avant la procédure de licenciement et fondait légitimement la rupture du contrat de travail ; que c'est donc avec raison que Y... refuse à X... sa réintégration au sein de l'entreprise ;
" alors que la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun, instituée par le législateur au profit des salariés investis de fonctions représentatives, interdit à l'employeur de poursuivre, par d'autres moyens, la résolution du contrat de travail ; qu'aucun accord conventionnel ou collectif ne saurait par suite valablement déroger à ces dispositions d'ordre public et restreindre les droits que ces salariés tiennent de la loi ; que seule la résiliation unilatérale du contrat à l'initiative du salarié dispense l'employeur du respect des prescriptions légales ; que pour dire que l'employeur était dispensé de suivre la procédure de licenciement, la Cour ne pouvait se borner à qualifier d'amiable la rupture du contrat de M. X..., salarié protégé dont elle relève elle-même qu'elle avait été proposée par l'employeur après l'entretien destiné à ouvrir la procédure de licenciement, lequel avait ainsi pris l'initiative du départ négocié, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations et violer les principes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme partiellement que la société Heulin a licencié en 1980, avec l'autorisation de l'inspecteur du Travail, Georges X..., directeur juridique et délégué du personnel ; qu'après annulation de cette autorisation par la juridiction administrative, le salarié a été réintégré dans ses fonctions le 1er novembre 1986 ; qu'il a été alors licencié pour motif économique le 5 juin 1987 avec l'autorisation de l'inspecteur du Travail mais que cette autorisation ayant été annulée par le ministre, il a été réintégré le 29 octobre 1987 ;
Que, par lettre du 2 novembre 1987, il a été convoqué pour le 6 novembre à un entretien préalable au licenciement ; que le 5 novembre 1987, un protocole d'accord a été signé entre le salarié et un représentant de la société Heulin, aux termes duquel cette société versait au salarié une indemnité de 5 millions de francs destinée à " couvrir l'ensemble des demandes judiciaires ou non judiciaires faites par X... au titre des relations nées du contrat de travail de directeur juridique... du 1er janvier 1973 à son licenciement accepté au 31 décembre 1987, aussi bien qu'au titre des fonctions salariées, représentatives ou autres " exercées dans la société ;
Que le salarié ayant, après avoir quitté l'entreprise, demandé à adhérer à la convention d'allocations spéciales du Fonds national de l'emploi, s'est vu opposer le 28 janvier 1988 un refus par l'inspecteur du Travail au motif que l'employeur n'avait pas demandé l'autorisation de le licencier ; que, pour compenser le préjudice résultant de ce refus, un protocole d'accord conclu le 3 mars 1988 a prévu le versement immédiat par la société Heulin d'une indemnité supplémentaire de 306 000 francs ;
Qu'au cours du mois de mars, Georges X... a écrit à son employeur pour lui demander de procéder à son licenciement dans les formes légales et que, n'ayant pas obtenu satisfaction, il a, par lettre du 15 avril 1988, demandé sa réintégration dans ses fonctions ; que sa demande étant restée sans effet, il a, en se fondant sur l'article L. 482-1 du Code du travail, cité directement devant le tribunal correctionnel Maurice Y..., président du conseil d'administration de la société Heulin, pour refus de réintégration dans ses fonctions de délégué du personnel ; que le prévenu a été relaxé et que la partie civile a été déboutée de ses demandes ;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, la juridiction du second degré, après avoir admis que Georges X... bénéficiait lors de son licenciement de la qualité de salarié protégé, énonce que le protocole d'accord a eu pour objet de régler les conséquences pécuniaires de la rupture ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que, juriste de profession, le salarié n'ait pas donné son plein accord à la rupture amiable de son contrat de travail ; qu'à la suite de l'accord il a fait des démarches pour mettre fin aux procédures qu'il avait engagées et a encaissé le chèque remis par la société ; qu'il s'est fondé sur ce protocole pour obtenir une indemnité compensant son impossibilité d'adhérer à la convention du Fonds national de l'emploi ; que les deux protocoles, qui n'emportaient pas par avance renonciation à des dispositions d'ordre public et étaient donc valables, dispensaient l'employeur de poursuivre plus avant la procédure de licenciement et l'autorisaient à refuser la réintégration sollicitée ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations et abstraction faite de motifs surabondants relatifs au caractère amiable d'une rupture qui était en réalité, selon ses constatations, un licenciement accepté, la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, si les salariés investis de fonctions représentatives ne peuvent renoncer par avance aux dispositions protectrices exorbitantes du droit commun instituées en leur faveur, rien ne les empêche, lorsqu'un licenciement leur a été notifié sans que la procédure légale ait été observée, de conclure avec l'employeur un accord librement consenti, comme tel était le cas en l'espèce selon les constatations des juges, en vue de régler les conséquences pécuniaires de la rupture du contrat de travail ;
Que, par ailleurs, si un tel accord n'est pas une cause justificative de la méconnaissance de dispositions d'ordre public et ne fait pas obstacle à ce que l'employeur puisse être poursuivi pour l'atteinte aux fonctions des délégués du personnel résultant de l'inobservation de la procédure de licenciement, il interdit toutefois au salarié qui a, comme en l'espèce, accepté et obtenu la réparation indemnitaire tant des conséquences du licenciement lui-même que de celles résultant de son irrégularité, de poursuivre le chef d'entreprise pour avoir refusé une demande de réintégration qui, ne pouvant se cumuler avec la réparation déjà allouée, était nécessairement exclue par l'effet de cet accord ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 90-82330
Date de la décision : 04/02/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° TRAVAIL - Salariés spécialement protégés - Délégués du personnel - Licenciement - Procédure spéciale - Inobservation - Acceptation du salarié - Cause justificative (non).

1° L'acceptation donnée par un délégué du personnel à son licenciement, prononcé sans l'observation de la procédure protectrice prévue par l'article L. 425-1 du Code du travail, n'est pas une cause justificative de la méconnaissance de dispositions d'ordre public et ne fait pas obstacle à ce que les poursuites soient exercées, du chef d'atteinte à l'exercice des fonctions des délégués du personnel, pour inobservation de cette procédure (1).

2° TRAVAIL - Salariés spécialement protégés - Délégués du personnel - Licenciement - Procédure spéciale - Inobservation - Acceptation du salarié - Accord sur les conséquences pécuniaires de la rupture du contrat de travail - Demande postérieure du salarié en réintégration - Recevabilité (non).

2° Si les salariés investis de fonctions représentatives ne peuvent renoncer par avance aux dispositions protectrices exorbitantes du droit commun instituées en leur faveur, il ne leur est pas interdit, lorsqu'un licenciement prononcé sans le respect de la procédure légale leur a été notifié, de conclure avec l'employeur un accord réglant les conséquences pécuniaires de la rupture du contrat de travail. Un tel accord, lorsqu'il a été librement consenti, exclut la possibilité d'une demande postérieure du salarié en réintégration, et il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir porté atteinte à l'exercice régulier des fonctions des délégués du personnel en rejetant une telle demande (2).


Références :

Code du travail L425-1, L482-1

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers (chambre correctionnelle), 08 mars 1990

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1985-11-26 , Bulletin criminel 1985, n° 379, p. 970 (cassation partielle). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1985-11-26 , Bulletin criminel 1985, n° 379, p. 970 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 fév. 1992, pourvoi n°90-82330, Bull. crim. criminel 1992 N° 50 p. 120
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1992 N° 50 p. 120

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Perfetti
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Dumont
Avocat(s) : Avocats :la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:90.82330
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