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28/01/1992 | FRANCE | N°90-87020

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 janvier 1992, 90-87020


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Haute-Normandie, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rouen, en date du 30 octobre 1990, qui a déclaré irrecevable sa plainte avec constitution de partie civile déposée contre Jean-François X... des chefs de tentatives d'usage de chèques falsifiés et complicité ainsi que d'escroqueries et complicité.
LA COUR,
Vu l'article 575, alinéa 2. 2°, du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles R. 524-6 du nouv...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Haute-Normandie, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rouen, en date du 30 octobre 1990, qui a déclaré irrecevable sa plainte avec constitution de partie civile déposée contre Jean-François X... des chefs de tentatives d'usage de chèques falsifiés et complicité ainsi que d'escroqueries et complicité.
LA COUR,
Vu l'article 575, alinéa 2. 2°, du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles R. 524-6 du nouveau Code rural, 2, 85, 591 et 593 du Code de procédure pénale, dénaturation, contradiction et défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable en la forme la plainte avec constitution de partie civile déposée par André Y..., le 16 septembre 1988, en tant que président du conseil d'administration de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Haute-Normandie ;
" aux motifs que les pouvoirs du conseil d'administration et de son président sont définis par le statuts de la caisse et notamment dans son article 23 qui dispose : Le conseil d'administration a tous pouvoirs pour agir au nom de la caisse régionale et faire ou autoriser de faire tous actes et opérations relatifs à son objet en exécution des articles 4 et 15 ci-dessus-Tout ce qui n'est pas réservé aux assemblées générales par la loi ou les statuts est de sa compétence-Il a notamment les pouvoirs suivants lesquels sont énonciatifs et non limitatifs-Il représente la caisse régionale devant tous tiers et administrations publiques-Il peut faire procéder s'il y a lieu au recouvrement amiable ou judiciaire desdites sommes, valeurs ou créances et possède à cet effet les pouvoirs les plus étendus y compris celui de transiger-Le président du conseil d'administration représente la société en justice tant en demandant qu'en défendant ; en conséquence c'est à sa requête ou contre lui que doivent être intentées toutes actions judiciaires. Pour l'exercice des pouvoirs énumérés aux alinéas ci-dessus le conseil pourra donner toutes délégations générales ou spéciales avec faculté pour le délégué de consentir toutes substitutions... " ; que, toutefois de la rédaction de l'article 23 ci-dessus rapporté, il résulte que le pouvoir d'ester en justice appartient au conseil d'administration qui peut déléguer à cet effet son président ;
" que, par ailleurs, la partie civile en réponse aux conclusions de Jean-François X... fait état d'une délibération du conseil d'administration, en date du 11 septembre 1981, portant délégation de pouvoirs à André Y..., président dudit conseil d'administration, et ainsi conçue : Recouvrement des créances-Pouvoirs simples-Recouvrement des créances en retard-Entreprendre toute procédure pour arriver à la sauvegarde des intérêts de la caisse régionale-Pouvoirs étendus-Outre les précédents sont conférés les pouvoirs de poursuivre par la voie judiciaire le recouvrement des créances avec faculté de transiger. A cet effet il aura tous les pouvoirs nécessaires pour représenter la caisse régionale en justice et signer tous procès-verbaux nécessaires ; que, cependant, ces pouvoirs ainsi délégués ne concernent pas les actions pouvant être engagées devant les juridictions civiles (sic) puisqu'ils permettent la faculté de transiger qui n'existe pas en matière pénale et ne font aucune référence à la possibilité d'intenter une action pénale qui reste, en vertu de l'article 23 précité de la compétence du conseil d'administation ;
" que, dès lors, André Y..., président du conseil d'administration, n'ayant pas, en vertu des statuts de la caisse, des pouvoirs propres pour ester en matière pénale ni en vertu d'une délégation de pouvoirs résultant d'une délibération spéciale du conseil d'administration qui, par ailleurs, ne lui a pas donné de pouvoirs généraux en cette matière, la plainte avec constitution de partie civile, déposée le 16 septembre 1988 par André Y..., doit être déclarée irrecevable faute de qualité ;
" alors, en premier lieu, que l'article 23 des statuts reproduisant les dispositions de l'article R. 524-6 du Code rural, énonce : Le président du conseil d'administration représente la société en justice, tant en demandant qu'en défendant. C'est à sa requête ou contre lui que doivent être intentées toutes les actions judiciaires ; que, ce texte clair et précis vise toutes les actions judiciaires sans distinction ;
" que, dès lors, en affirmant qu'il résulte de l'article 23 des statuts que le pouvoir d'ester en justice appartient au conseil d'administration qui peut déléguer à cet effet son président, la chambre d'accusation a dénaturé ce texte, entachant sa décision d'une contradiction de motifs, et d'un manque de base légale ;
" et que, du même coup, elle a violé l'article R. 524-6 du Code rural dont l'article 23 des statuts reproduit les dispositions ;
" alors en second lieu que, à supposer que le pouvoir d'ester en justice appartienne au conseil d'administration avec possibilité de déléguer à cet effet son président, la délibération du 11 septembre 1981 donne en toute hypothèse au président une telle délégation ;
" que, d'une part, en effet, après avoir, énumérant les missions du président du conseil d'administration, précisé qu'il est élu par le conseil d'administration pour agir en son nom, cette délibération délègue à André Y... des pouvoirs généraux en vertu desquels il accomplit seul tous les actes entrant dans le cadre des missions définies précédemment ; qu'il en résulte qu'organe exécutif du conseil d'administration, investi de pouvoirs généraux pour accomplir seul tous les actes lui permettant d'agir au nom du conseil, André Y..., président du conseil d'administration, était habilité à déposer plainte avec constitution de partie civile pour la caisse ; qu'il s'ensuit qu'en affirmant que la délibération du 11 septembre 1981 exclut la possibilité pour le président d'intenter une action pénale, la chambre d'accusation a également dénaturé ce document, entachant une nouvelle fois sa décision de contradiction de motifs et de manque de base légale ;
" que, d'autre part, au surplus, indépendamment de sa mission d'organe exécutif du conseil d'administration pour laquelle il a expressément reçu des pouvoirs généraux, la délibération du 11 septembre 1981 a donné à André Y... délégation particulière pour poursuivre par la voie judiciaire le recouvrement des créances ; que, dès lors que l'article 23 des statuts, sur le fondement duquel cette délégation est donnée, vise toutes les actions judiciaires, il en va nécessairement de même de la délégation qui ne comporte elle-même aucune discrimination ; qu'il s'ensuit qu'en affirmant que la délibération du 11 septembre 1981 exclut la possibilité pour le président de déposer une plainte avec constitution de partie civile, laquelle tend nécessairement au recouvrement d'une créance, la chambre d'accusation a derechef dénaturé ce document, entachant une fois encore sa décision de contradiction de motif et de manque de base légale ;
" qu'enfin, à supposer même, par hypothèse, que l'on puisse admettre la thèse de l'arrêt excluant de la délégation l'action pénale, la cour d'appel a violé les articles 2 et 85 du Code de procédure pénale dont il résulte que le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile n'est qu'une modalité de l'introduction d'une action civile " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article R. 524-6 du nouveau Code rural, le président du conseil d'administration d'une société coopérative agricole représente la société en justice, tant en demandant qu'en défendant et c'est à sa requête ou contre lui que doivent être intentées toutes les actions judiciaires ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'André Y..., président du conseil d'administration de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Haute-Normandie, a, au nom de ladite caisse, porté plainte avec constitution de partie civile contre Jean-François X..., des chefs de tentative d'usage de chèques falsifiés et complicité ainsi que d'escroqueries et complicité ; que l'inculpé a contesté la recevabilité de cette constitution en soutenant qu'André Y... n'avait pas qualité pour déposer plainte au nom de la caisse ; que, sans avoir répondu à cette exception, le juge d'instruction a, au terme de son information, rendu une ordonnance renvoyant X... devant la juridiction de jugement pour certains chefs d'inculpation et prononçant non-lieu pour les autres ; que l'inculpé a alors relevé appel de cette ordonnance pour faire statuer sur ses conclusions d'irrecevabilité ;
Attendu qu'en réponse à ces dernières, la chambre d'accusation, tout en reconnaissant que les pouvoirs du président du conseil d'administration sont définis par l'article 23 des statuts et qu'aux termes de l'avant-dernier alinéa de cet article " le président du conseil d'administration représente la société en justice, tant en demandant qu'en défendant ", retient que, selon le dernier alinéa du même article, " pour l'exercice des pouvoirs énumérés aux alinéas ci-dessus, le conseil pourra donner toutes délégations " et en déduit que " M. Y..., président du conseil d'administration, n'ayant pas, en vertu des statuts de la caisse, de pouvoirs propres pour ester en matière pénale et n'ayant pas, non plus, de délégation de pouvoirs du conseil d'administration ", sa plainte avec constitution de partie civile doit être déclarée irrecevable, pour défaut de qualité ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 23 des statuts, qui reproduit les termes de l'article R. 524-6 du Code rural, attribue au président du conseil d'administration, le pouvoir de représenter la société en justice, la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation en encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rouen, du 30 octobre 1990 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Amiens.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 90-87020
Date de la décision : 28/01/1992
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

SOCIETE - Société par actions - Société coopérative - Coopérative agricole - Représentation en justice

Le président du conseil d'administration d'une société coopérative agricole tient des dispositions de l'article R. 524-6, alinéa 3, du nouveau Code rural, le pouvoir de représenter la société en justice.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen (chambre d'accusation), 30 octobre 1990


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 jan. 1992, pourvoi n°90-87020, Bull. crim. criminel 1992 N° 35 p. 84
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1992 N° 35 p. 84

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Milleville
Avocat(s) : Avocats :M. Cossa, la SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:90.87020
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