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Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la Caisse de retraite des industries de la construction électrique et de l'électronique (CAPRICEL) a demandé le 23 octobre 1984 à M. X... et Mme Y..., avocats associés, d'assigner en paiement de cotisations dues la société Ropel ; que ceux-ci ont attendu le 20 août 1985 pour assigner cette société qui a été déclarée en règlement judicaire le 19 septembre suivant ; que la CAPRICEL a fait assigner les deux avocats en paiement de la somme de 76 519,60 francs correspondant, selon elle, au montant des cotisations qui, en application d'une circulaire de l'association générale des institutions de retraite des cadres CAPRICEL en date du 31 mars 1958 ne seraient pas restées à sa charge si les poursuites en recouvrement avaient été engagées dans les 9 mois de leur échéance ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 27 mars 1990) a retenu l'existence d'une faute de la part des avocats mais constaté l'absence de tout préjudice et a, en conséquence, débouté la CAPRICEL de sa demande ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la CAPRICEL reproche à la cour d'appel d'avoir ainsi statué alors que, selon le moyen, d'une part, elle fondait sa demande en réparation sur ce que le retard fautif des avocats avait entraîné, dans ses rapports avec l'AGIRC, à l'issue des 9 mois d'inaction, le report de la créance irrécouvrée à la charge de son fonds de gestion propre, tandis que de simples diligences dans le délai auraient entraîné à son profit l'imputation de cette créance irrecouvrée, sinon même irrécouvrable, sur les fonds du régime commun géré par l'AGIRC ; qu'en déniant le caractère actuel et certain du préjudice sur l'affirmation, erronée, que la CAPRICEL demandait seulement à ses mandataires le remboursement de sa créance de cotisations sur la société Ropel en liquidation des biens, et dont la réalisation des actifs n'était pas encore achevée, la cour d'appel a modifié les termes du litige et privé la CAPRICEL de la réparation d'un préjudice déjà subi ; et alors, d'autre part, que le préjudice de la CAPRICEL constitué par la prise en charge, découlant de la circulaire de l'Agirc s'imposant à elle et opposable à ses mandataires sur le plan de l'action en responsabilité comme l'a admis l'arrêt attaqué, de la créance irrécouvrée sur son fonds de gestion propre, était réalisé dès avant l'assignation et ne dépendait pas du sort de la procédure collective ouverte contre la société Ropel, débitrice des cotisations ; qu'en la privant de la réparation à elle due bien que le préjudice ait été réalisé dès l'expiration du délai de 9 mois sans diligences des avocats, l'arrêt attaqué a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel retient, d'une part, que les avocats ne doivent, le cas échéant, supporter les conséquences de leur faute que lorsque leur mandant sera en mesure de justifier d'un préjudice certain, et, d'autre part, que cette condition n'était pas remplie en l'état puisqu'il était établi que la CAPRICEL avait produit au passif de la société Ropel, pour une créance privilégiée comprenant le remboursement réclamé et que la réalisation des actifs n'était pas terminée ; que, loin de modifier les termes du litige, la cour d'appel, a, dans l'exercice de son pouvoir souverain, recherché si la CAPRICEL apportait la preuve d'un préjudice actuel et certain et estimé que tel n'était pas le cas au moment où elle statuait ; d'où il suit qu'en aucune de ses deux branches le moyen n'est fondé ;
REJETTE le premier moyen ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que tout jugement doit être motivé, à peine de nullité ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ;
Attendu qu'après avoir énoncé dans ses motifs que les premiers juges avaient exactement relevé que la condition relative à la justification d'un préjudice certain n'était pas remplie " en l'état ", puisqu'il ressortait des pièces versées aux débats que la CAPRICEL avait produit au passif de la société Ropel pour une créance privilégiée comprenant le remboursement réclamé et que la réalisation des actifs n'était toujours pas terminée, la cour d'appel a purement et simplement confirmé le jugement attaqué qui avait débouté la CAPRICEL de sa demande ;
Attendu qu'en mettant fin à l'instance alors qu'elle constatait seulement qu'elle ne pouvait pas statuer en l'état, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans les limites du second moyen, l'arrêt rendu le 27 mars 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée