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Sur les trois moyens réunis :
Attendu, selon le jugement attaqué (Ajaccio, 15 juin 1989), que M. Y... a, dans sa déclaration au titre de l'impôt sur les grandes fortunes, mentionné " pour mémoire " les immeubles qu'il possédait en Corse ; que l'administration des Impôts a opéré un redressement en fixant, conformément à une méthode d'évaluation résultant de la décision du ministre du Budget en date du 14 juin 1951, la valeur de ces immeubles à vingt-quatre fois leur revenu cadastral et a émis un avis de mise en recouvrement des droits et pénalités résultant de ce redressement ; que M. Y... l'a assignée devant le tribunal de grande instance en décharge de l'imposition litigieuse, établie selon lui en violation des règles d'évaluation fixées pour les immeubles situés en Corse par l'arrêté pris le 21 prairial an IX par l'administrateur général X..., toujours en vigueur, disposant en son article 3 que " la valeur des immeubles, dont les héritiers, légataires ou donataires étaient tenus de faire la déclaration pour les successions qui leur étaient échues, sera à l'avenir déterminée par le montant de la contribution foncière et, pour parvenir à cette fixation, la contribution foncière sera considérée comme le centième du capital sur lequel les droits à percevoir, d'après la loi du 22 frimaire an VII, seront liquidés " ; que le Tribunal a accueilli cette demande en relevant que la contribution foncière, qui servait de base à la taxation spécifique des immeubles situés en Corse ayant été abrogée par le décret du 9 décembre 1948, et le législateur n'y ayant pas substitué un nouveau texte il n'était pas possible de substituer à la référence instituée par l'arrêté du 21 prairial an IX la référence résultant de la décision ministérielle du 14 juin 1951 ;
Attendu que le Directeur général des Impôts reproche au jugement d'avoir ainsi statué, alors, d'une part, selon le pourvoi, que le Tribunal ne pouvait à la fois affirmer que la loi devait être appliquée, littéralement de surcroît, et reprocher au législateur de l'avoir rendue inapplicable ; qu'ainsi, le jugement est entaché d'une contradiction de motifs équivalente à un défaut de motifs, et alors, d'autre part, que le juge judiciaire n'est pas juge de la constitutionnalité des textes législatifs ou réglementaires ; qu'ainsi, en refusant d'appliquer la décision ministérielle du 14 juin 1951, le Tribunal a violé la règle de la séparation des pouvoirs, et alors, enfin, que le juge du fond, ayant justement constaté les problèmes que posait la mise en oeuvre de l'arrêté du 21 prairial an IX, du fait de la suppression de la contribution foncière, étaient tenus, en présence d'un texte toujours en vigueur, de préciser la méthode de l'évaluation qu'il y a lieu désormais d'appliquer ; qu'ainsi, en se refusant à procéder à l'interprétation nécessaire de la loi, les juges ont violé les dispositions de l'article 4 du Code civil ;
Mais attendu que le Tribunal énonce à bon droit que la loi générale ne déroge pas à la loi spéciale et qu'aucune disposition législative n'est venue apporter une modification expresse ou une dérogation, fût-elle implicite, au régime spécial institué par l'arrêté du 21 prairial an IX pour déterminer la valeur des immeubles situés en Corse taxables au titre des successions ; qu'en l'état de ce motif de pur droit, le jugement se trouve justifié en ce qu'il a décidé que le redressement opéré n'était pas justifié ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi