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16/12/1991 | FRANCE | N°91-85906;91-86552

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 décembre 1991, 91-85906 et suivant


CASSATION sur les pourvois formés par :
- le procureur général près la cour d'appel d'Amiens,
- l'administration des Douanes, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, en date du 10 octobre 1991, qui, dans les poursuites exercées par le ministère public contre Jean-Marc X... et Cherif Y... du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a annulé des pièces de la procédure, a étendu cette nullité aux poursuites exercées par l'administration des Douanes et à la condamnation définitive prononcée contre eux du chef d'importation de m

archandises prohibées, et a ordonné leur mise en liberté.
LA COUR,
Vu l'o...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- le procureur général près la cour d'appel d'Amiens,
- l'administration des Douanes, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, en date du 10 octobre 1991, qui, dans les poursuites exercées par le ministère public contre Jean-Marc X... et Cherif Y... du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a annulé des pièces de la procédure, a étendu cette nullité aux poursuites exercées par l'administration des Douanes et à la condamnation définitive prononcée contre eux du chef d'importation de marchandises prohibées, et a ordonné leur mise en liberté.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle du 29 octobre 1991 ; joignant les pourvois en raison de la connexité et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu les mémoires produits (en demande et en défense) ;
I-Sur le pourvoi du procureur général :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 81, 151, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, manque de base légale :
Vu les textes précités ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs ou leur contradiction équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour prononcer, à la demande de X... et Y..., l'annulation de trois commissions rogatoires délivrées par le magistrat instructeur les 2 avril, 25 avril et 14 juin 1990, prescrivant des écoutes téléphoniques, et en déduire la nullité de la procédure subséquente, y compris les décisions de maintien en détention du 13 juin 1991, l'arrêt attaqué énonce que les écoutes dont s'agit ne comportent aucune limite dans le temps ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des pièces auxquelles l'arrêt se réfère que, pour l'exécution des commissions rogatoires litigieuses, le juge d'instruction avait imparti à l'officier de police judiciaire délégué un délai prédéterminé, et qu'il a été mis fin par anticipation aux écoutes dès qu'elles ont cessé d'être utiles à la manifestation de la vérité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
II-Sur le pourvoi de l'administration des Douanes :
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 215, 343, 399, 419, 414, 417, 382, 388, 392, 406, 407, 363, 365 du Code des douanes, 388, 509 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a constaté que Y... et X... étaient déliés de la prévention douanière ;
" aux motifs qu'en déclarant Cherif Y... coupable et en le condamnant pour des faits de séquestration arbitraire et de détention d'héroïne, le Tribunal n'a pu procéder à une requalification dès lors qu'il a retenu des faits étrangers aux actes de la procédure et non compris dans la prévention ; que la commission rogatoire du 25 avril 1990, entachée de la même irrégularité, tenant à l'absence de limite fixée dans le temps, a permis d'identifier Jean-Marc X... et Cherif Y..., comme susceptibles d'être mêlés à un trafic de résine de cannabis, et a conduit à leur inculpation ; que, dans ces conditions, cet acte doit être considéré comme le support de la procédure subséquente et son annulation prononcée, en vertu de l'article 174 du Code de procédure pénale, doit entraîner, de facto, l'annulation de tous les actes de procédure, intervenus postérieurement ;
" 1°) alors que la cour d'appel a constaté que Y... avait interjeté appel des seules dispositions pénales du jugement, qu'il est constant que le juge d'instruction ne l'avait renvoyé devant le tribunal correctionnel que du chef des délits visés et réprimés par le Code de la santé publique et que c'est la demanderesse qui l'a cité du chef des délits douaniers ; que la cour d'appel a annulé le jugement aux motifs que le Tribunal avait excédé les limites de sa saisine fixées par l'ordonnance de renvoi et en a déduit que le prévenu était délié de la prévention douanière ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 2°) alors que la cour d'appel a constaté que X... avait limité son appel au rejet par le Tribunal de l'exception de nullité des écoutes téléphoniques et que Y... s'était joint à cette exception ; qu'il est constant que le prévenu X... n'a pas été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef des délits douaniers par le juge d'instruction mais par l'administration des Douanes sur citation ; qu'en étendant la nullité des commissions rogatoires ordonnant les écoutes téléphoniques aux dispositions douanières du jugement non frappé d'appel, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Vu l'article 343 du Code des douanes ;
Attendu, selon ce texte, que l'action publique et l'action dont dispose l'administration des Douanes pour l'application des sanctions fiscales sont essentiellement distinctes et peuvent être exercées ensemble ou séparément ; que, lors même qu'elles sont portées simultanément devant la juridiction répressive, elles n'en sont pas moins indépendantes, de sorte que la décision sur l'une peut être devenue définitive et la décision sur l'autre remise en question par l'exercice des voies de recours ;
Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que, renvoyés devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'infraction à la législation sur les stupéfiants, X... et Y... ont en même temps fait l'objet d'une citation directe de l'administration des Douanes exerçant l'action fiscale du chef de délits douaniers ; que par jugement du 13 juin 1991, le tribunal de Senlis les a condamnés respectivement à 4 ans et 6 ans d'emprisonnement pour les délits de droit commun, ainsi qu'à des pénalités douanières, assorties du maintien en détention jusqu'à complet paiement ; que Y... a interjeté appel des seules dispositions pénales du jugement tandis que X... limitait le sien au rejet de l'exception de nullité ;
Attendu que la cour d'appel, après avoir annulé plusieurs commissions rogatoires du juge d'instruction prescrivant des écoutes téléphoniques, ainsi que l'intégralité de la procédure subséquente, a " constaté " que X... et Y... étaient, par voie de conséquence, " déliés des liens de la prévention pénale et douanière " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'elle n'était pas saisie des dispositions douanières du jugement, non frappées d'appel et passées en force de chose jugée, la juridiction de second degré a excédé ses pouvoirs ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen du procureur général :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 10 octobre 1991, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai.


Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° INSTRUCTION - Pouvoirs du juge - Ecoutes téléphoniques - Durée limitée - Fixation par le juge.

1° DROITS DE LA DEFENSE - Ecoutes téléphoniques - Instruction - Durée limitée - Fixation par le juge 1° DROITS DE LA DEFENSE - Instruction - Ecoutes téléphoniques - Durée limitée - Fixation par le juge.

1° Encourt la cassation l'arrêt qui annule les commissions rogatoires du juge d'instruction prescrivant des écoutes téléphoniques au motif que celles-ci ne comportaient aucune limite dans le temps, alors que, pour l'exécution desdites commissions rogatoires, le juge avait imparti à l'officier de police judiciaire délégué un délai prédéterminé, et qu'il a été mis fin par anticipation aux écoutes dès qu'elles ont cessé d'être utiles à la manifestation de la vérité (1).

2° DOUANES - Procédure - Appel correctionnel - Appel du prévenu - Appel limité à la condamnation pénale - Exercice de l'action fiscale par l'administration des Douanes - Administration des Douanes non appelante - Effet dévolutif - Limites.

2° Il résulte de l'article 343 du Code des douanes que l'action publique et l'action dont dispose l'administration des Douanes pour l'application des sanctions fiscales sont distinctes, et que l'une peut être définitivement jugée, tandis que l'autre est remise en cause par l'exercice des voies de recours. Méconnaît ce principe la cour d'appel qui, saisie des seules dispositions pénales d'un jugement pour infractions à la législation sur les stupéfiants, étend l'annulation de la procédure aux poursuites exercées simultanément par l'administration des Douanes pour infraction douanière et qui ont fait l'objet d'une décision passée en force de chose jugée


Références :

Code de procédure pénale 509
Code de procédure pénale 81, 151
Code des douanes 343

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 10 octobre 1991

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1990-11-26 , Bulletin criminel 1990, n° 401, p. 1008 (rejet).


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 16 déc. 1991, pourvoi n°91-85906;91-86552, Bull. crim. criminel 1991 N° 478 p. 1224
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 478 p. 1224
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Composition du Tribunal
Président : Président :M. Tacchella, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Amiel
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Culié
Avocat(s) : Avocats :la SCP Boré et Xavier, la SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 16/12/1991
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 91-85906;91-86552
Numéro NOR : JURITEXT000007067277 ?
Numéro d'affaires : 91-85906, 91-86552
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;1991-12-16;91.85906 ?
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