Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que quatre-vingt-trois personnes, pour la plupart employées du Centre hospitalier et universitaire (CHU) de Montpellier, ayant été, le 13 octobre 1982, victimes d'une intoxication alimentaire après avoir pris un repas à la cantine de cet hôpital, leur indemnisation a été prise en charge par la Caisse primaire au titre de l'assurance maladie ; que le centre hospitalier étant garanti, pour sa responsabilité civile à l'égard des tiers, par le Groupe d'assurances mutuelles de France (GAMF), la Caisse a intenté, devant le tribunal de grande instance, une action en remboursement des prestations servies par elle aux agents du CHU et dirigée, à titre principal, contre le centre hospitalier et son assureur in solidum, et, à titre subsidiaire, contre le seul centre hospitalier, pour le cas où serait reconnu à l'intoxication le caractère d'un accident du travail, la garantie du GAMF étant alors exclue ;
Attendu que la Caisse fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Montpellier, 9 janvier 1989) d'avoir dit que la solution du litige était subordonnée à la question de savoir si l'intoxication s'analysait ou non, pour les personnes concernées, en un accident du travail et qu'il appartenait à la juridiction administrative de décider d'abord de cette qualification, et d'avoir jugé que la demande de la Caisse n'était pas recevable en l'état, alors, selon le moyen, d'une part, que la décision d'une Caisse de sécurité sociale de prendre en charge l'indemnisation d'une maladie survenue à des agents de l'Etat au titre du régime général d'assurance maladie est opposable à tout intéressé à l'expiration des délais légaux prévus pour la contester ; qu'en l'espèce, la Caisse primaire faisait valoir dans ses conclusions que sa décision de prendre en charge l'indemnisation de l'intoxication au titre de l'assurance maladie était devenue définitive à son égard, aucune déclaration d'accident du travail n'ayant été établie par le CHU ou par les victimes dans le délai de 2 années suivant l'accident, et aucune contestation sur le caractère non professionnel de cet accident n'ayant été formée dans les délais légaux, de sorte que la qualification ultérieure d'accident du travail par les juridictions administratives, fût-elle bien fondée, lui était désormais inopposable ; qu'en refusant de s'expliquer sur ce chef de conclusions, de nature à démontrer que la qualification de l'accident par les juridictions administratives ne constituait plus un préalable nécessaire à la solution du litige dont elle était saisie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.441-2 et R.142-1 du Code de la sécurité sociale et des dispositions de la loi des 16 et 24 août 1790 ; alors, d'autre part, que, à titre subsidiaire, la Caisse faisait valoir que, même dans l'hypothèse où la qualification d'accident du travail eût été susceptible d'être retenue, elle n'en était pas moins fondée à réclamer au CHU le remboursement des sommes versées aux agents titulaires victimes de l'intoxication, dont l'indemnisation lui incombait en vertu de la législation de droit public imposant à l'Etat la prise en charge des accidents de service de ses fonctionnaires ; que cette action, dirigée contre le CHU, était de la compétence des juridictions judiciaires et qu'en déclarant cette
demande irrecevable en l'état, la cour d'appel a violé par fausse application les dispositions de la loi précitée ;
Mais attendu d'une part, qu'à supposer qu'elle ait fait l'objet d'une décision, la qualification de maladie donnée à l'intoxication par la Caisse ne pouvait être devenue définitive à l'égard de l'assureur, auquel cette décision n'a pas été notifiée et qui ne peut pas se voir opposer les dispositions légales régissant les rapports de la Caisse avec l'employeur ou la victime ; que les juges du fond énoncent exactement que, quelque position qu'ait pu prendre le centre hospitalier, son assureur n'était pas lié par celle-ci, même si, par ailleurs, le délai du recours contentieux et celui imparti pour effectuer une déclaration d'accident du travail étaient expirés ; que, répondant ainsi aux conclusions de la Caisse, ils ont à bon droit décidé que la contestation du GAMF devait être prise en considération et que la qualification choisie par la Caisse pouvait être remise en cause devant la juridiction administrative ; d'où il suit que, sur ce point, le moyen n'est pas fondé ;
Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte pas des conclusions d'appel de la Caisse que celle-ci ait soutenu la demande subsidiaire dont elle fait état ; que, ne pouvant invoquer pour la première fois devant la Cour de Cassation un moyen, mélangé de fait et de droit, fondé sur cette demande, un tel moyen n'est pas recevable ;
Mais sur la troisième branche du moyen :
Vu les articles 96, 97 et 377 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, lorsqu'il constate l'existence d'une question préjudicielle, le juge doit surseoir à statuer jusqu'à la décision de la juridiction compétente ;
Attendu qu'après avoir énoncé qu'il appartenait au seul tribunal administratif de dire, préalablement à toute décision, si l'intoxication alimentaire dont avaient été victimes les agents de l'hôpital était ou non constitutive d'un accident du travail, ce qui caractérisait une question préjudicielle, l'arrêt attaqué a déclaré la demande de la Caisse irrecevable en l'état ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Attendu toutefois que, nonobstant la cassation qui s'ensuit, les faits, tels qu'ils ont été constatés et appréciés par les juges du fond, permettent à la Cour de Cassation de faire application de l'article 627 du nouveau Code de procédure civile en décidant que la cour d'appel de Montpellier devra surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée, de sorte qu'il n'y a pas lieu à renvoi devant une autre cour d'appel ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 janvier 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT qu'il sera sursis à statuer par la cour d'appel de Montpellier jusqu'à décision de la juridiction administrative