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13/11/1991 | FRANCE | N°91-84816

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 novembre 1991, 91-84816


REJET du pourvoi formé par :
1° / X... Philippe,
2° / X... Guy,
3° / Y... Gustave,
contre l'arrêt du Tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon, constitué en chambre d'accusation, en date du 9 juillet 1991 qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de faux en écritures privées ou de commerce, abus de biens sociaux, obstacle à la mission de commissaire aux comptes, et présentation de bilan non fidèle, a dit n'y avoir lieu à annulation du réquisitoire introductif ni des actes subséquents, et a ordonné la poursuite de l'instruction.
LA COUR

,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de Cassati...

REJET du pourvoi formé par :
1° / X... Philippe,
2° / X... Guy,
3° / Y... Gustave,
contre l'arrêt du Tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon, constitué en chambre d'accusation, en date du 9 juillet 1991 qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de faux en écritures privées ou de commerce, abus de biens sociaux, obstacle à la mission de commissaire aux comptes, et présentation de bilan non fidèle, a dit n'y avoir lieu à annulation du réquisitoire introductif ni des actes subséquents, et a ordonné la poursuite de l'instruction.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de Cassation en date du 18 septembre 1991 prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit, commun aux trois demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 593 du Code de procédure pénale, violation de la loi :
" en ce qu'en application des dispositions des articles L. 924-1 et suivants du Code de l'organisation judiciaire, le Tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon se trouvait composé d'un président magistrat, au demeurant président du Tribunal supérieur d'appel, statuant comme juridiction du second degré, ainsi que la cour d'assises et de deux assesseurs, MM. Rapottin et Robert, désignés par ce même magistrat ;
" alors que le principe consacré par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme quant au droit pour toute personne à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, et qui concerne tout autant les juridictions d'instruction, lesquelles doivent bien évidemment présenter les mêmes garanties d'impartialité que les juridictions du fond, d'autant qu'elles peuvent être amenées à se prononcer de manière définitive sur la régularité des poursuites et le respect des droits de la défense, n'est manifestement pas garanti par les dispositions des articles L. 924-1 et suivants du Code de l'organisation judiciaire applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon et aux termes desquels le président du Tribunal supérieur d'appel désigne lui-même ses propres assesseurs parmi les personnes de nationalité française de plus de 25 ans, présentant des garanties de compétence et d'impartialité ainsi que, le cas échéant, le suppléant du procureur de la République, et ce, avec cette circonstance de pur fait que ce même magistrat cumule les fonctions de président du Tribunal supérieur d'appel statuant tant comme chambre d'accusation que comme juridiction d'appel du second degré, en violation du principe fondamental de la séparation des fonctions d'instruction et de jugement ;
" qu'en conséquence, l'examen des différentes irrégularités commises au détriment des droits de la défense et qui, après avoir été dénoncées par les inculpés, ont été déférées au Tribunal supérieur d'appel par le juge d'instruction, en application des dispositions de l'article 171 du Code de procédure pénale, n'a pas été effectué par une juridiction satisfaisant aux exigences d'impartialité commandés tant par les principes généraux du droit que par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles L. 924-1 et suivants du Code de l'organisation judiciaire étant de toute façon illégaux " ;
Attendu qu'il est vainement fait grief à la juridiction d'instruction du second degré, composée, conformément aux dispositions spéciales des articles L. 924-1 et suivants du Code de l'organisation judiciaire applicables à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, du président du Tribunal supérieur d'appel assisté de deux assesseurs désignés par lui, de ne pas satisfaire aux conditions d'impartialité et d'indépendance exigées tant par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que par les principes généraux du droit, spécialement celui de la séparation des fonctions d'instruction et de jugement ;
Qu'en effet, d'une part, les incompatibilités résultant de ladite Convention, comme des articles 49 et 253 du Code de procédure pénale, sont de droit étroit et interdisent seulement que siège à la juridiction de jugement, dans la même cause, un magistrat ayant participé à l'instruction de l'affaire ; que tel n'était pas le cas en l'espèce ;
Que, d'autre part, les principes généraux du droit interne ou conventionnel ne s'opposent nullement à ce que-en application des articles L. 924-2 et L. 924-3 du Code de l'organisation judiciaire résultant de l'ordonnance n° 77-1100 du 26 septembre 1977, modifiée par les articles 49 et 50 de la loi du 11 juin 1985, et ayant dès lors valeur législative-les assesseurs d'une juridiction, qui, avant d'entrer en fonctions, prêtent devant celle-ci le serment des magistrats, soient désignés par une autorité judiciaire indépendante et régulièrement établie ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 924-2 et L. 924-3 du Code de l'organisation judiciaire, 592 du Code de procédure pénale, violation de la loi et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué ne mentionne pas que les deux assesseurs qui, aux termes des dispositions de l'article L. 924-1 du Code de l'organisation judiciaire, ont dû être choisis parmi les personnes de nationalité française âgées de plus de 25 ans, présentant des garanties de compétence et d'impartialité, aient été régulièrement désignés par ordonnance du président du Tribunal supérieur d'appel, après avis du procureur de la République, et aient prêté le serment requis par l'article L. 924-3 du même Code ;
" de sorte que la chambre criminelle n'est pas en mesure de contrôler la régularité de leur désignation et de vérifier leur prestation de serment sans que l'on puisse invoquer une quelconque présomption de régularité, s'agissant de simples citoyens investis à titre exceptionnel du mandat de juge " ;
Attendu que les assesseurs de la chambre d'accusation ayant été désignés par le président du Tribunal supérieur d'appel en application des articles L. 924-1 et suivants du Code de l'organisation judiciaire, les demandeurs ne sauraient remettre en question la régularité de cette désignation, non plus que l'accomplissement de la formalité du serment, dès lors qu'à l'audience aucune contestation n'a été soulevée à cet égard par leur conseil, et qu'en conséquence la composition de la juridiction doit être présumée régulière ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 6. 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, 105, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de réponse aux articulations essentielles du mémoire, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité des poursuites tirée de la violation des dispositions de l'article 105 du Code de procédure pénale prohibant les inculpations tardives ;
" aux motifs qu'il est de principe qu'avant d'inculper une personne, il est du devoir du juge d'instruction de recueillir tous les renseignements nécessaires et de ne prendre parti qu'après s'être fait une opinion sur le caractère délictueux des faits reprochés et sur la participation de la personne à ces faits ;
" qu'en l'espèce, le juge a recueilli comme il lui incombait, au moyen de commissions rogatoires, des éléments lui permettant de vérifier la pertinence de la dénonciation d'un faux en écriture ;
" qu'en ce qui concerne la révélation d'abus de biens sociaux, d'obstacle à la mission du commissaire aux comptes et de présentation de faux bilan, la délivrance de commissions rogatoires a permis au juge de s'informer légitimement de façon plus complète des éléments de la cause avant de décider des inculpations ;
" que ces investigations préalables étaient d'autant plus nécessaires qu'ainsi que l'ont noté les enquêteurs dans leur rapport de synthèse du 16 janvier 1991 (D. 68), il existe d'évidentes mauvaises relations entre Z... et l'Armement qui ne doivent pas estomper celles tout aussi exécrables et peu usitées que Z...peut avoir avec son confrère, Hervé A... ; que dans ces conditions, quelle que soit l'attitude de Z... vis-à-vis de la société Armement X... - Y..., il ne saurait être déduit aucune tardivité des inculpations du seul fait, lié à l'administration de la Justice, qu'il a été procédé à celles-ci plus de 1 an après le réquisitoire introductif ;
" alors que les infractions dénoncées par le commissaire aux comptes de la société Armement X... ne pouvant, de par leur nature, qu'être imputées aux dirigeants sociaux de cette entreprise, si elles ne pouvaient constituer un obstacle au droit du juge d'instruction d'opérer différentes investigations pour s'assurer à tout le moins du sérieux de cette dénonciation, interdisaient en revanche, qu'en l'état des vérifications ayant conduit à la découverte d'éléments en apparence suffisamment significatifs pour justifier le placement en garde à vue des dirigeants sociaux d'Armement X..., d'entendre ceux-ci comme témoins en violation de l'article 105 du Code de procédure pénale ;
" que dès lors, le Tribunal supérieur d'appel constitué en chambre d'accusation, qui a ainsi rejeté l'exception de nullité des poursuites résultant de la violation de l'article 105 au motif tout aussi abstrait qu'inopérant tiré du droit et du devoir, pour le juge d'instruction, de vérifier la pertinence d'une dénonciation avant que de procéder à une inculpation en s'abstenant totalement de rechercher de manière concrète si aux dates où les trois intéressés avaient été entendus, il existait ou non à leur encontre des indices de culpabilité suffisants prohibant leur audition en qualité de témoins, ce qui était pourtant le cas en l'espèce comme le faisaient valoir les intéressés dans leur mémoire, a entaché sa décision d'insuffisance de motifs et, par voie de conséquence, violé l'article 105 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que, saisie sur le fondement de l'article 171 du Code de procédure pénale, par ordonnance du magistrat instructeur, la chambre d'accusation n'avait pas à prononcer sur la demande d'annulation tirée, par le mémoire des inculpés, d'une prétendue violation de l'article 105 du Code de procédure pénale, laquelle n'était pas visée dans l'ordonnance qui la saisissait ;
Qu'en effet, si les parties ont la possibilité de soutenir ou de contester la demande d'annulation d'actes de la procédure soumise à la chambre d'accusation en application de l'article 171 du Code de procédure pénale par le procureur de la République ou le juge d'instruction, elles ne sont pas recevables à proposer, même indirectement, des nullités non comprises dans cette demande ;
Qu'il en résulte que, si la chambre d'accusation a cru, à tort, devoir répondre aux conclusions des inculpés pour les rejeter, au lieu de leur opposer l'irrecevabilité à laquelle elles se heurtaient en vertu de l'article 171 susvisé, le moyen qui reprend le même grief est irrecevable ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme :
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-84816
Date de la décision : 13/11/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement - publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial - Départements et territoires d'Outre-mer - Collectivités territoriales - Saint-Pierre-et-Miquelon - Tribunal supérieur d'appel - Chambre d'accusation - Composition.

1° DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER (y compris les collectivités territoriales) - Collectivités territoriales - Saint-Pierre-et-Miquelon - Tribunal supérieur d'appel - Chambre d'accusation - Composition - Convention européenne des droits de l'homme - Article 6 - Droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement - publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial.

1° Les incompatibilités résultant de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 49 et 253 du Code de procédure pénale, sont de droit étroit et interdisent seulement que siège à la juridiction de jugement, dans la même cause, un magistrat ayant participé à l'instruction de l'affaire, mais ne font pas obstacle à ce qu'un même magistrat soit statutairement chargé des deux fonctions, comme l'est le Président du Tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon (1).

2° DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER (y compris les collectivités territoriales) - Collectivités territoriales - Saint-Pierre-et-Miquelon - Tribunal supérieur d'appel - Assesseurs - Désignation - Serment.

2° Les principes généraux du droit interne ou conventionnel ne s'opposent nullement à ce que, en application des articles L. 924-2 et L. 924-3 du Code de l'organisation judiciaire résultant de l'ordonnance n° 77-1100 du 26 septembre 1977 modifiée par les articles 49 et 50 de la loi n° 85-595 du 11 juin 1985, et ayant dès lors valeur législative, les assesseurs d'une juridiction, qui, avant d'entrer en fonctions, prêtent devant celle-ci le serment des magistrats, soient désignés par une autorité judiciaire indépendante et régulièrement établie

3° INSTRUCTION - Nullités - Chambre d'accusation - Saisine - Demande de l'inculpé tendant à faire prononcer la nullité d'actes de l'instruction préparatoire - Irrecevabilité.

3° CHAMBRE D'ACCUSATION - Saisine - Nullité d'actes d'instruction - Demande de l'inculpé tendant à la faire prononcer - Irrecevabilité.

3° Si les parties ont la possibilité de soutenir ou de contester la demande d'annulation d'actes de la procédure soumise à la chambre d'accusation en application de l'article 171 du Code de procédure pénale par le procureur de la République ou le juge d'instruction, elles ne sont pas recevables à proposer, même indirectement, des nullités non comprises dans cette demande (2).


Références :

Code de l'organisation judiciaire L924-2, L924-3
Code de procédure pénale 171
Code de procédure pénale 49, 253
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 06 novembre 1950 art. 6

Décision attaquée : Tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon (chambre d'accusation), 09 juillet 1991

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1974-12-12 , Bulletin criminel 1974, n° 368, p. 936 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1980-10-02 , Bulletin criminel 1980, n° 245, p. 636 (irrecevabilité) ;

Chambre criminelle, 1983-01-19 , Bulletin criminel 1983, n° 23, p. 48 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1985-01-24 , Bulletin criminel 1985, n° 41, p. 108 (cassation partielle). CONFER : (3°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1978-10-24 , Bulletin criminel 1978, n° 286, p. 742 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1987-09-15 , Bulletin criminel 1987, n° 311, p. 832 (cassation et rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 nov. 1991, pourvoi n°91-84816, Bull. crim. criminel 1991 N° 402 p. 1016
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 402 p. 1016

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Culié
Avocat(s) : Avocat :la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:91.84816
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