REJET des pourvois formés par :
- le procureur général près la cour d'appel de Paris,
- X... Yves,
- Y... Philippe,
- Z... Marie-Danielle,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 24 juin 1991, qui a renvoyé devant la cour d'assises de Paris, X... sous l'accusation de soustraction et tentative de soustraction de deniers publics, faux en écritures publiques et des chefs d'abus de confiance, falsification de chèques et usage ; René A... sous l'accusation de complicité de soustraction et de tentative de soustraction de deniers publics ; Philippe Y... sous l'accusation de complicité de soustraction de deniers publics et recel de soustraction de deniers publics ; Marie-Danielle Z... des chefs d'abus de confiance et complicité d'abus de confiance, délits connexes ; et qui a déclaré qu'il n'y avait lieu à suivre contre Victor B... des chefs de faux en écritures publiques et de commerce, complicité, recel d'abus de confiance, et usage de faux, Michel C..., André D..., Christian E... des chefs de faux en écritures de commerce et usage, abus de confiance, recel, complicité.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I-Sur le pourvoi du procureur général près la cour d'appel de Paris : (sans intérêt) ;
II-Sur le pourvoi d'Yves X... : (sans intérêt) ;
III-Sur le pourvoi de Philippe Y... :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des droits de la défense : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 169 du Code pénal :
" en ce que la décision attaquée a renvoyé Philippe Y... devant la cour d'assises pour y répondre de la prévention de complicité par aide et assistance de soustraction de deniers publics par dépositaire public de fait et de recel de deniers publics soustraits par un dépositaire public de fait ;
" alors que l'article 169 du Code pénal, retenu comme fondement légal de l'accusation, punit la soustraction commise par tout percepteur, tout commis à une perception, dépositaire ou comptable public ; que la soustraction par dépositaire public de fait n'existe pas et ne constitue donc pas un crime puni et réprimé par le Code pénal ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a méconnu le principe de la légalité des peines " ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l'article 169 du Code pénal, violation des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision attaquée a renvoyé le demandeur devant la cour d'assises pour y répondre de l'accusation de complicité du crime prévu et réprimé par l'article 169 du Code pénal et de recel de deniers provenant de ce crime, qui aurait été commis par Yves X... ;
" aux motifs, pour justifier la qualification en ce qui concerne X..., que l'association Carrefour du développement (ACAD) aurait fait l'objet d'un contrôle en 1986 par la Cour des Comptes ; que, par arrêt en date du 16 octobre 1986, la Cour des Comptes a constaté que l'ACAD avait agi comme mandataire du ministère de la Coopération, qu'elle n'avait pas la qualité d'un comptable public et n'agissait pas pour le compte et sous le contrôle d'un comptable public ; que, dès lors, les sommes reçues par l'association ont été irrégulièrement extraites des caisses publiques, qu'elles ont conservé le caractère de deniers publics et que leur emploi a été soustrait aux règles de la comptabilité publique ; que l'ACAD était déclarée en conséquence comptable de fait, et que ses représentants, signataires des décisions ministérielles, conventions, lettres de commande, ordonnances qui ont permis d'alimenter la caisse de l'association, étaient déclarés comptables de fait des deniers de l'Etat, conjointement et solidairement avec l'ACAD ; que cette déclaration de gestion de fait était étendue à l'ensemble des opérations effectuées par l'ACAD du 30 juin 1983 au 6 mai 1986 en ce qui concerne notamment X... (arrêt p. 13) ; que la Cour des Comptes a déclaré X... comptable de fait de l'Etat, considérant qu'il était, par les fonctions qu'il exerçait, tant au ministère de la Coopération qu'à l'ACAD, le seul à avoir une connaissance complète des opérations irrégulières dont l'association, sans même qu'elles soient retracées dans sa comptabilité, était le support, et qu'il en était le maître d'oeuvre (arrêt p. 58) ; que la chambre d'accusation a déduit que les conditions pour que le crime prévu et réprimé par l'article 169 puisse être constitué, se trouvaient réunies ;
" alors que l'article 169 suppose la soustraction de fonds publics par une des personnes limitativement énumérées, percepteur, commis à une perception, dépositaire ou comptable public ; que le comptable de fait ne peut être considéré comme un dépositaire ou comptable public ; qu'est en effet comptable de fait la personne qui, sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir pour le compte d'un comptable public, s'ingère dans le recouvrement de recettes affectées ou destinées à un organisme public doté d'un poste comptable ou dépendant d'un tel poste, ou celle qui reçoit ou manie directement ou indirectement des fonds ou valeurs extraits irrégulièrement d'une caisse d'un organe public ou, sans avoir la qualité de comptable public, procède à des opérations portant sur des fonds ou valeurs n'appartenant pas aux organismes publics mais que les comptables publics sont exclusivement chargés d'exécuter en vertu de la réglementation en vigueur ; que si la déclaration de gestion de fait a pour effet d'entraîner rétroactivement pour les comptables de fait les mêmes obligations et responsabilités que celles des comptables publics pour leur gestion patente, ils ne sauraient, cependant, être poursuivis sur le fondement de l'article 169 du Code pénal, ce texte ayant pour objet de sanctionner le détournement ou la soustraction par un dépositaire ou comptable public des fonds qui lui ont été remis en vertu de ses fonctions " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte des faits exposés par la chambre d'accusation que X..., fonctionnaire détaché comme chef de cabinet du ministre de la Coopération, a, dans l'exercice de ses fonctions, attribué des crédits publics à l'association Carrefour du développement (ACAD), chargée d'organiser en 1984 le sommet franco-africain à Bujumbura ; que ces fonds auraient notamment contribué au règlement des fausses factures présentées au nom de diverses sociétés par Y... ; que ce dernier aurait conservé personnellement une partie des fonds reçus ;
Attendu que, pour déclarer qu'il existait des charges suffisantes pour renvoyer devant la cour d'assises, du chef de détournement de deniers publics, X... en qualité de dépositaire public au sens de l'article 169 du Code pénal et Y... en qualité de complice de X... et de receleur d'une partie des détournements incriminés, la chambre d'accusation relève que les fonds attribués à l'ACAD, dont X... était le trésorier, sur des crédits inscrits au budget du ministère de la Coopération, ont été alloués par le Fonds d'aide et de coopération (FAC), organisme sans personnalité juridique qui n'était qu'une " chambre d'enregistrement " ; que X... a été déclaré comptable de fait de l'Etat par un arrêt de la Cour des Comptes, de même que le ministre F..., l'ACAD-considérée comme mandataire du ministère de la Coopération-, A...- ordonnateur des dépenses du même ministère-et Michèle G...-présidente de l'ACAD ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation, qui a constaté que X... était un fonctionnaire dépositaire ou comptable de fait des deniers publics dont le détournement lui est imputé, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Que, dès lors, les moyens ne peuvent être accueillis ;
IV-Sur le pourvoi de Marie-Danielle Z... : (sans intérêt) ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente ; qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle les demandeurs ont été renvoyés ; que la procédure est régulière et que les faits, objet des accusations principales, sont qualifiés crimes par la loi ;
REJETTE les pourvois.