REJET ET CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Jacques, prévenu,
- la SARL Vinyrama, solidairement responsable,
- l'administration des Impôts, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 29 mai 1990, qui, pour infractions aux lois sur les contributions indirectes, a condamné Jacques X... et la SARL Vinyrama à des amendes et pénalités fiscales, et a relaxé Giuseppe Y... et Jeanne Z..., épouse Y..., des fins de la poursuite des mêmes chefs, fondée sur un procès-verbal dont elle a constaté la nullité.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I. Sur les pourvois formés par Jacques X... et la SARL Vinyrama :
Sur le moyen unique de cassation commun aux demandeurs et pris de la violation des articles 443, 444, 490, 1791, 1794, 1799, 1799 A, 1804 B, 1805, 1810 du Code général des impôts, 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6. 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jacques X... et la société Vinyrama à six amendes de 1 500 francs chacune, à une pénalité proportionnelle de 4 274 francs, au paiement d'une somme de 60 000 francs au titre de la confiscation des vins saisis et au paiement d'une somme de 4 274 francs au titre des droits fraudés ou éludés, pour avoir réceptionné et détenu 18 106 bouteilles de vin rouge Château Cigale sans titre de mouvement ;
" aux motifs que l'infraction pour expédition, transport et réception de ces bouteilles est.. établie, (les) vins ayant circulé sous couvert de titres de mouvement inapplicables, donc en fraude ; (que) les quatre prévenus seront donc déclarés coupables, en raison de leur participation individuelle à un même fait de fraude ; (qu') il s'agit donc bien d'une infraction matérielle ; (que) la falsification plus ou moins apparente du titre n'a pas pour effet de régulariser le transport de ce vin ; (que) la qualité de négociant de X... l'oblige à répondre objectivement de la régularité administrative des marchandises détenues et des droits de circulation même éludés de manière frauduleuse par son cocontractant (cf. arrêt attaqué, p. 9, alinéa 1er) ;
" 1°) alors que le propriétaire, dépositaire ou détenteur des marchandises expédiées, transportées ou réceptionnées sans titre de mouvement, est déchargé de toute responsabilité pénale et fiscale s'il établit qu'il a été victime d'une escroquerie, bien qu'il ait rempli normalement ses devoirs de surveillance, ou encore si l'auteur du délit ou de la contravention est découvert ; qu'en énonçant que Jacques X... et la société Vinyrama sont tenus de répondre objectivement de la régularité administrative des marchandises qu'ils détenaient et des droits de circulation qui leur étaient applicables, même si ces droits ont été éludés frauduleusement par le cocontractant, la cour d'appel a violé l'article 1805 du Code général des impôts ;
" 2°) alors que le propriétaire, dépositaire ou détenteur des marchandises expédiées, transportées ou réceptionnées sans titre de mouvement est déchargé de toute responsabilité pénale et fiscale, si l'auteur du délit ou de la contravention est découvert ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les auteurs du délit ou de la contravention, les époux Giuseppe Y..., ont été découverts ; qu'en prononçant les condamnations susvisées à l'encontre de Jacques X... et de la société Vinyrama, la cour d'appel a violé l'article 1805 du Code général des impôts ;
" 3°) alors que le propriétaire, dépositaire ou détenteur des marchandises expédiées, transportées ou réceptionnées sans titre de mouvement, est déchargé de toute responsabilité pénale et fiscale, s'il établit qu'il a été victime d'une escroquerie, bien qu'il ait rempli normalement ses devoirs de surveillance ; que Jacques X... et la société Vinyrama faisaient valoir dans leurs conclusions, d'une part, que Giuseppe Y... a été condamné pour usage d'une fausse marque apposée au nom du Gouvernement sur les diverses espèces de denrées ou de marchandises, d'autre part, que la décision qui a condamné Giuseppe Y..., leur a alloué, sur leur constitution de partie civile, une indemnité et, enfin, qu'il était impossible, sans procéder à l'enlèvement des capsules posées par Giuseppe Y... sur ses bouteilles, et à un examen minutieux de leur revers, de déceler la fraude ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs " ;
Attendu que, contrairement à ce qui est allégué par les demandeurs, il ne résulte ni des conclusions régulièrement déposées ni des énonciations de l'arrêt attaqué que Jacques X... et la société Vinyrama, poursuivis à la requête de l'administration des Impôts pour réception et détention de vins sans titre de mouvement applicable, aient invoqué l'excuse absolutoire instituée par l'article 1805 du Code général des impôts en faveur du propriétaire ou détenteur de la marchandise de fraude ;
Que dès lors le moyen, qui fait grief aux juges du second degré d'avoir méconnu ce texte dont l'application dépend de la réunion de circonstances non alléguées devant eux, est mélangé de fait et de droit, ne peut être proposé pour la première fois devant la Cour de Cassation et doit être écarté ;
II. Sur le pourvoi de l'administration des Impôts :
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article L. 213 du Livre des procédures fiscales, ensemble violation des articles 429, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a prononcé la nullité d'un procès-verbal, base des poursuites fiscales ;
" aux motifs que trois agents seulement ont signé alors que cet acte a été rédigé par quatorze agents, mention étant faite que les onze autres étaient retenus pour des raisons de service, et que certaines constatations ont été effectuées par des agents non signataires ;
" alors qu'en matière de contributions indirectes, la loi n'exige pas que le procès-verbal soit signé par tous les agents qui ont participé à la constatation des infractions " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article L. 238 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu qu'en matière de contributions indirectes la loi n'exige pas, à peine de nullité, que le procès-verbal soit signé par tous les agents qui ont participé à la constatation des faits ;
Attendu que, pour faire droit à l'exception de nullité du procès-verbal en date du 16 octobre 1987, base des poursuites exercées contre eux, présentée avant toute défense au fond par les époux Y..., prévenus d'infractions aux lois sur les contributions indirectes, et relaxer ces derniers, les juges du second degré relèvent que l'acte a été rédigé par quatorze agents qui y relatent les constatations par eux effectuées successivement à diverses dates mais qu'il a été signé par trois d'entre eux seulement, mention étant faite de l'absence des autres, retenus pour raisons de service ; que les juges ajoutent que " des constatations ont été faites par des agents non signataires comme A... " ;
Mais attendu qu'en l'état de ces motifs et alors qu'il résulte de l'examen du procès-verbal critiqué que cet acte indique la part personnelle et directe prise à la constatation des faits constitutifs de l'infraction, par tous les agents qui ont concouru à sa rédaction, la cour d'appel, qui devait se borner à relever que les constatations faites par les agents non signataires ne valaient qu'à titre de renseignements, a méconnu le sens et la portée des textes visés au moyen et le principe susénoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
I. Sur les pourvois de Jacques X... et de la SARL Vinyrama :
REJETTE les pourvois ;
II. Sur le pourvoi de l'administration des Impôts :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux en date du 29 mai 1990 mais en ses seules dispositions déclarant nul le procès-verbal du 16 octobre 1987 et relaxant Giuseppe Y... et Jeanne Z..., épouse Y..., des fins de la poursuite fondée sur cet acte, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers.