REJET du pourvoi formé par :
- X... Roger,
- Y... Marie-Annick, épouse X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre correctionnelle, en date du 13 juin 1990, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, les a condamnés chacun à la peine de 1 an d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende, ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, de l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, de la règle de la séparation des autorités administratives et judiciaires, des articles 485 et 496 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt attaqué a, tant par motifs propres que par motifs repris des premiers juges, rejeté l'exception d'illégalité soulevée par le prévenu, in limine litis, reprise en cause d'appel et tirée du défaut de motivation de l'avis de la Commission des infractions fiscales ;
" aux motifs, d'une part, que l'absence de motivation des avis de la Commission des infractions fiscales telle que prévue par l'article R. 228-6 du Livre des procédures fiscales répond à la volonté du législateur de la loi du 29 décembre 1977, telle qu'exprimée dans les travaux préparatoires et débats parlementaires ;
" aux motifs, d'autre part, que la motivation de la Commission des infractions fiscales ne peut avoir trait qu'à l'opportunité des poursuites et qu'il est de principe que les prévenus sont irrecevables à critiquer l'opportunité des poursuites, laquelle entre dans les pouvoirs du ministère public, même dans le cas où est exigée une plainte préalable ;
" aux motifs enfin que les avis qu'est amenée à donner la Commission des infractions fiscales n'entrent pas dans le champ d'application de la loi du 11 juillet 1979, qui énumérant les actes administratifs devant, de par leur objet, donner lieu à motivation, ne mentionnent pas les décisions de cet organisme ;
" alors, de première part, que dans son arrêt du 19 décembre 1988, rendu dans l'affaire Z..., le Tribunal des Conflits a posé en principe qu'il appartient aux tribunaux judiciaires, saisis de la poursuite, de connaître de la légalité de l'avis favorable de la Commission des infractions fiscales préalablement au dépôt d'une plainte par le ministre ; que cette décision exclut dès lors que cet avis ne puisse avoir trait qu'à l'opportunité des poursuites mais implique au contraire que le juge pénal puisse en apprécier la légalité ;
" alors, de seconde part, que l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 vaut abrogation implicite de la disposition du décret du 12 juin 1978, selon laquelle l'avis de la Commission des infractions fiscales n'est pas motivé, et qu'en insérant cette même disposition dans le Livre des procédures fiscales, sous l'article R. 228-6, les auteurs du décret n° 84-585 du 17 juillet 1984 ont méconnu les dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que dès lors, la disposition de l'article R. 228-6 suivant laquelle l'avis de la Commission des infractions fiscales n'est pas motivé doit être considéré comme illégal ;
" alors, de troisième part, que l'alinéa 1er de l'article 1er de la loi précitée du 11 juillet 1979 dispose que les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent ; que ce principe a une valeur générale et s'applique notamment aux avis favorables de la Commission des infractions fiscales qui lient le ministre et l'obligent à engager des poursuites pénales à l'encontre d'un contribuable ;
" alors, de quatrième part, que l'alinéa 1er de l'article 1er de la loi précitée du 11 juillet 1979 définit les décisions qui doivent être motivées, non par référence à l'autorité administrative dont elles émanent, mais par référence à leurs conséquences sur la liberté et les droits des citoyens ;
" que, dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la Cour, les prévenus faisaient valoir que l'avis des commissions des infractions fiscales ne constituait pas seulement un acte nécessaire à la mise en mouvement de l'action publique, mais qu'il constituait en soi une sanction administrative entrant dès lors dans l'énumération de l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi précitée et qu'en n'examinant pas, fût-ce pour le rejeter, ce chef péremptoire des conclusions des prévenus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; dans leurs conclusions régulièrement déposées, les prévenus faisaient encore valoir que l'avis de la Commission des infractions fiscales présentait le caractère d'une décision administrative individuelle ; que cet acte individuel n'était pas assorti lui-même d'une sanction pénale ; que la question de légalité soulevait une difficulté sérieuse et que dès lors il n'appartenait qu'aux juges administratifs de connaître de la question préjudicielle de la légalité de cet avis ; et qu'en ne répondant pas à cet argument péremptoire, la cour d'appel a, derechef, privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que pour rejeter l'exception régulièrement soulevée, tirée de la nullité prétendue de l'avis de la Commission des infractions fiscales, pour défaut de motivation, et refuser de surseoir à statuer eu égard à une éventuelle question préjudicielle, les juges énoncent qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 1977, instituant ladite Commission, que l'avis émis par celle-ci ne doit pas être motivé afin de préserver la liberté d'appréciation des autorités judiciaires ; qu'ils observent que l'absence de motivation, telle que prévue par l'article R. 228-6 du Livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 11 du décret du 12 juin 1978 pris en application de la loi précitée, répond à la volonté du législateur ; qu'ils ajoutent que cet avis n'entre pas dans les prévisions de la loi du 11 juillet 1979 qui énumère les actes administratifs devant, par leur objet, donner lieu à motivation ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre mieux qu'elle l'a fait aux conclusions dont elle était saisie, a donné une base légale à sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'Administration et le public sont sans incidence sur la validité des avis émis, en application des articles L. 228 et R. 228-6 du Livre des procédures fiscales, par la Commission des infractions fiscales, organe consultatif ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le quatrième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le cinquième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.