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03/10/1991 | FRANCE | N°90-81165

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 octobre 1991, 90-81165


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Gabriel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, du 15 décembre 1989 qui, pour abus de confiance, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à 6 000 francs d'amende et a prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 408 du Code pénal, des articles 1964, 1779 et 1134 du Code civil, de l'article 17 modifié de la loi du 6 juillet 1964 tendant

à définir les principes et les modalités du régime contractuel en agricultu...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Gabriel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, du 15 décembre 1989 qui, pour abus de confiance, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à 6 000 francs d'amende et a prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 408 du Code pénal, des articles 1964, 1779 et 1134 du Code civil, de l'article 17 modifié de la loi du 6 juillet 1964 tendant à définir les principes et les modalités du régime contractuel en agriculture, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable d'abus de confiance, en répression l'a condamné à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis et l'a condamné à payer 438 719, 49 francs à la société Cargill ;
" aux motifs que le contrat-type liant les parties définit expressément les obligations de l'éleveur, à savoir conduite de l'élevage des porcs qui, aux termes de l'article 1er dudit contrat, demeurent la propriété de la société Cargill, assurance des animaux pour le compte et au profit de cette société ; qu'à la fin de la bande c'est la société Cargill qui établit le résultat d'exploitation, lequel est reversé à l'éleveur s'il est positif ; que par contre s'il est négatif, Gabriel X... reste débiteur envers son cocontractant ; que dans ces conditions, le contrat dont s'agit est un contrat de travail non salarié aux termes duquel sont remis par la société propriétaire des porcelets et de l'aliment à l'éleveur qui effectue le travail convenu sur les animaux confiés, en l'espèce, les conduire à une certaine croissance avant de les restituer à la société Cargill qui les négocie ;
" alors, d'une part, que le contrat d'intégration conclu entre un producteur agricole et une entreprise industrielle visé par l'article 17 de la loi modifiée du 6 juillet 1964, quelle que soit sa validité, est un contrat sui generis, lequel comporte un ensemble d'obligations réciproques de fournitures, de produits et de services qui ne peut être identifié ni au contrat de travail non salarié, ni à aucun des contrats visés à l'article 408 du Code pénal et que la cour d'appel qui constatait l'existence d'obligations réciproques caractérisant un tel contrat ne pouvait, sans violer l'article 408 du Code pénal, entrer en voie de condamnation à l'encontre du prévenu du chef d'abus de confiance ;
" alors, d'autre part, qu'en l'espèce, la Cour qui a expressément constaté qu'à la fin de la période d'élevage de la bande de porcs, la firme intégratrice Cargill établissait le résultat d'exploitation et que, si ce résultat était négatif, l'éleveur restait débiteur envers elle, a par là même constaté le caractère aléatoire du contrat pour le seul éleveur en ce qui concerne l'existence même de la rémunération et a dès lors dénaturé ledit contrat en le qualifiant de contrat de travail non salarié " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 408 du Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'abus de confiance ;
" alors que dans ses conclusions régulièrement déposées devant la Cour, X... faisait valoir :
"- que les 105 porcs de la première bande avaient été vendus avec l'accord du représentant local de la société Cargill c'est-à-dire du propriétaire, ce qui excluait tout détournement ;
"- qu'il avait vendu les porcs de la seconde bande dans la croyance qu'il en était propriétaire ;
"- et que le contrat passé entre lui et la société Cargill prévoyait un compte établi en fin de contrat entre les éléments actifs et passifs des deux signataires (société d'aliments et éleveur) ce qui exclut la notion même de détournement ;
" et qu'en ne répondant pas à ces chefs péremptoires des conclusions du prévenu, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu, d'une part, que le délit d'abus de confiance n'est légalement constitué que s'il est constaté que les objets ou deniers ont été remis au prévenu en exécution de l'un des contrats énumérés à l'article 408 du Code pénal ;
Attendu, d'autre part, que la détermination de la nature du contrat, base des poursuites pour abus de confiance, lorsqu'elle résulte de la dénaturation des clauses d'une convention, est soumise au contrôle de la Cour de Cassation ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'aux termes de deux contrats dénommés " contrat de production ", Gabriel X..., éleveur, a reçu de la société Cargill, fabricant d'aliments, deux bandes de porcelets qu'il s'engageait à engraisser et à restituer, en fin de contrat, à la société précitée qui en demeurait propriétaire ; que cependant X... a négocié pour son propre compte un certain nombre de porcs et a conservé pour lui le prix de vente de ceux-ci ;
Attendu que pour déclarer X... coupable d'abus de confiance, la cour d'appel énonce que " le contrat-type liant les parties définit expressément les obligations de l'éleveur, à savoir conduite de l'élevage des porcs qui... demeurent la propriété de la société Cargill, assurance des animaux pour le compte et au profit " de cette société, qui établit en fin de contrat le résultat d'exploitation, lequel est reversé à l'éleveur s'il est positif, X... étant au contraire constitué débiteur de son cocontractant s'il est négatif et devant immédiatement solder son compte ; que les juges du fond en concluent que " le contrat dont s'agit est un contrat de travail non salarié, aux termes duquel sont remis par la société propriétaire des porcelets et de l'aliment à l'éleveur qui effectue le travail convenu sur les animaux confiés, en l'espèce les conduire à une certaine croissance avant de les restituer à la société Cargill qui les négocie " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, le contrat du 15 juin 1984 est un contrat d'intégration, tel que prévu par l'article 17 modifié de la loi du 6 juillet 1964, comportant des obligations réciproques de fournitures et de services et rendant chacune des parties débitrices envers l'autre au point de nécessiter l'établissement d'un résultat d'exploitation et alors, d'autre part, qu'un tel contrat n'est pas compris dans l'énumération de l'article 408 du Code pénal, la cour d'appel a violé les textes et principes susénoncés ;
Que la cassation est dès lors encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen proposé :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt précité de la cour d'appel de Rennes du 15 décembre 1989 et, pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 90-81165
Date de la décision : 03/10/1991
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ABUS DE CONFIANCE - Contrat - Qualification - Contrôle de la Cour de Cassation.

1° La détermination de la nature du contrat servant de base aux poursuites pour abus de confiance est soumise au contrôle de la Cour de Cassation lorsqu'elle résulte de la dénaturation des clauses d'une convention, ce délit étant légalement constitué seulement s'il est constaté que les objets ou deniers ont été remis au prévenu en exécution de l'un des contrats énumérés à l'article 408 du Code pénal

2° ABUS DE CONFIANCE - Contrat - Contrats spécifiés - Contrat d'intégration (non).

2° N'est pas compris dans l'énumération de l'article 408 du Code pénal le contrat d'intégration, tel que prévu par l'article 17 modifié de la loi du 6 juillet 1964 tendant à définir les principes et les modalités du régime contractuel en agriculture, lequel comporte des obligations réciproques de fournitures et de services, rendant chacune des parties débitrice envers l'autre au point de nécessiter l'établissement d'un compte d'exploitation (1).


Références :

Code pénal 408
Loi 64-678 du 06 juillet 1964 art. 17

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes (chambre correctionnelle), 15 décembre 1989

CONFER : (2°). (1) Cf. A rapprocher : Chambre criminelle, 1973-11-20 , Bulletin criminel 1973, n° 423, p. 1048 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1974-03-12 , Bulletin criminel 1974, n° 101, p. 259 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1979-11-12 , Bulletin criminel 1979, n° 312, p. 849 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 oct. 1991, pourvoi n°90-81165, Bull. crim. criminel 1991 N° 326 p. 813
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 326 p. 813

Composition du Tribunal
Président : Président :M. de Bouillane de Lacoste, conseiller le plus ancien faisant fonction. -
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Carlioz
Avocat(s) : Avocats :la SCP Delaporte et Briard, la SCP de Chaisemartin

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:90.81165
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