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25/09/1991 | FRANCE | N°90-83140

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 septembre 1991, 90-83140


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Alain, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Poitiers, en date du 15 mai 1990, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction du 21 mars 1990 déclarant irrecevable sa constitution de partie civile et l'ordonnance de non-lieu du 23 mars 1990.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Vu l'article 575, alinéa 2. 1° et 2°, du Code de procédure pénale et l'article 58 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation par fausse application des articles 47 e

t suivants de la loi du 29 juillet 1881, violation de l'article 593 du Code...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Alain, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Poitiers, en date du 15 mai 1990, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction du 21 mars 1990 déclarant irrecevable sa constitution de partie civile et l'ordonnance de non-lieu du 23 mars 1990.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Vu l'article 575, alinéa 2. 1° et 2°, du Code de procédure pénale et l'article 58 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation par fausse application des articles 47 et suivants de la loi du 29 juillet 1881, violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du 21 mars 1989 par laquelle le magistrat instructeur avait déclaré irrecevable la partie d'une plainte avec constitution de partie civile fondée sur la diffusion d'un tract en infraction aux prescriptions du Code électoral ;
" au motif propre que faire droit aux moyens soulevés par l'appelant, reviendrait à ajouter aux textes et aux principes sur lesquels s'est fondé le magistrat instructeur ;
" et aux motifs du magistrat instructeur ainsi adoptés, qu'en matière d'infraction à la loi sur la presse, la plainte avec constitution de partie civile, fixe irrévocablement la nature et l'étendue de la poursuite ; qu'en conséquence, l'information en cours ouverte du chef de diffamation ne peut être élargie pour rechercher si des infractions électorales ont été commises ; qu'en effet, c'est seulement par un mémoire du 15 décembre 1989, déposé en cours d'information, que X... déclare porter plainte outre du chef de diffamation tel que spécifié dans sa plainte initiale et dans le réquisitoire introductif qui y fait suite, pour des infractions aux articles L. 49 et L. 89 du Code électoral ;
" alors qu'aucune prescription légale ou réglementaire n'interdit à un plaignant de comprendre matériellement dans une même plainte avec constitution de partie civile des faits qu'il dénonce conformément aux prescriptions des articles 47 et suivants de la loi du 29 juillet 1881 comme constitutifs du délit de diffamation par voie de presse défini par cette loi, et des faits de distribution de ces écrits en infraction aux dispositions du Code électoral ; que dès lors, les règles de procédures restrictives et dérogatoires de celles du droit commun instituées par la loi spéciale sur la presse, ne pouvaient fonder une ordonnance d'irrecevabilité concernant des faits de distribution des écrits diffamatoires en infraction au Code électoral dénoncés dans la plainte initiale et simplement précisée au cours de l'information ouverte du chef du délit de diffamation et au vu des résultats mêmes de cette information " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 86 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'article 86 du Code de procédure pénale que le juge d'instruction régulièrement saisi d'une plainte avec constitution de partie civile a, quelles que soient les réquisitions du ministère public, le devoir d'instruire ; que cette obligation ne cesse selon l'alinéa 3 dudit article que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite, ou si, à supposer ces faits démontrés, ils ne peuvent admettre une qualification pénale ;
Attendu, en outre, qu'aux termes de l'article 593 du Code de procédure pénale, les arrêts des chambres d'accusation sont déclarés nuls lorsqu'il a été omis de prononcer sur une ou plusieurs demandes des parties ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure qu'Alain X..., candidat aux élections municipales, a porté plainte et s'est constitué partie civile le 22 mars 1989 devant le juge d'instruction en exposant que, le jour des élections, avait été distribué aux électeurs, en violation des règles du Code électoral, un tract anonyme contenant des imputations portant atteinte à son honneur et à sa réputation et que la diffusion de ce tract était constitutive du délit de diffamation prévu par les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ; que le procureur de la République a requis le juge d'instruction d'informer contre personne non dénommée du chef de diffamation ;
Attendu qu'au cours de l'information la partie civile a, le 15 décembre 1989, écrit au juge d'instruction pour l'informer qu'elle " élargissait sa plainte ", la distribution du tract le jour du scrutin étant interdite par l'article L. 49 du Code électoral et réprimée par l'article L. 89 dudit Code, et constituant en outre une manoeuvre frauduleuse en vue de porter atteinte à la sincérité et au résultat d'un scrutin, prévue et réprimée par l'article L. 116 du même Code ;
Que, sur les réquisitions conformes du ministère public, le juge d'instruction, par ordonnance du 21 mars 1990, a déclaré irrecevable la constitution de partie civile relative aux infractions au Code électoral, en considérant qu'en matière d'infraction à la loi sur la presse, la plainte initiale en diffamation fixait irrévocablement la nature et l'étendue de la poursuite et qu'en conséquence l'information ouverte du chef de diffamation ne pouvait être élargie pour rechercher si des infractions au Code électoral avaient été commises ;
Qu'il a en outre, par ordonnance du 23 mars 1990, dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef de diffamation, après avoir estimé que le texte incriminé ne contenait pas d'imputation de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la partie civile ;
Attendu que, saisie des appels formés contre ces ordonnances, la juridiction du second degré a prononcé leur confirmation ; qu'en ce qui concerne l'ordonnance du 21 mars 1990 elle a observé que faire droit à l'appel " reviendrait à ajouter aux textes et aux principes sur lesquels s'est fondé le magistrat instructeur " ;
Mais attendu que la plainte initiale avec constitution de partie civile ne fixe irrévocablement la nature et l'étendue de la poursuite qu'en ce qui concerne les seules infractions à la loi sur la presse, et que cette règle ne fait pas obstacle à ce qu'une telle infraction puisse être requalifiée en infraction de droit commun ;
Que, dès lors, en déclarant irrecevable la plainte additionnelle de la partie civile, la chambre d'accusation a, en réalité, refusé d'informer sur cette plainte sans avoir justifié de l'existence d'une des causes prévues par l'alinéa 3 de l'article 86 du Code de procédure pénale ; qu'il lui appartenait de procéder dans les conditions prévues par les articles 201 et 202 du Code de procédure pénale et de rechercher si les faits dénoncés constituaient une infraction aux dispositions du Code électoral ; qu'elle ne pouvait en outre confirmer l'ordonnance de non-lieu du chef de diffamation, avant d'avoir vérifié si les faits dénoncés ne pouvaient pas recevoir une qualification de droit commun ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, elle a méconnu les textes susvisés et que la censure est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Poitiers en date du 15 mai 1990, en toutes ses dispositions ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Bordeaux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 90-83140
Date de la décision : 25/09/1991
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CASSATION - Pourvoi - Pourvoi de la partie civile - Arrêt de la chambre d'accusation - Arrêt statuant sur une infraction de presse et une infraction de droit commun - Recevabilité - Conditions.

1° PRESSE - Procédure - Cassation - Pourvoi - Recevabilité - Conditions - Pourvoi de la partie civile - Arrêt de la chambre d'accusation - Arrêt statuant sur une infraction de presse et une infraction de droit commun.

1° Lorsqu'un arrêt de la chambre d'accusation statue sur une poursuite visant à la fois une infraction à la loi sur la presse et une infraction prévue par un autre texte, la partie civile est admise à se pourvoir en cassation contre la décision, dans les conditions prévues par l'article 58 de la loi du 29 juillet 1881, en ce qui concerne les dispositions de l'arrêt relatives à l'infraction à ladite loi, et dans les conditions prévues par l'article 575 du Code de procédure pénale, en ce qui concerne les autres dispositions de l'arrêt (1).

2° PRESSE - Procédure - Disqualification - Substitution d'une incrimination de droit commun - Conditions.

2° CHAMBRE D'ACCUSATION - Pouvoirs - Examen de tous les faits de la procédure - Chef d'inculpation - Faits dénoncés dans une plainte avec constitution de partie civile - Omission de statuer 2° INSTRUCTION - Partie civile - Plainte avec constitution - Obligation pour le juge d'informer - Refus d'informer - Conditions.

2° La plainte initiale avec constitution de partie civile ne fixe irrévocablement la nature et l'étendue des poursuites qu'en ce qui concerne les seules infractions à la loi sur la presse. Il en résulte que les juridictions d'instruction ou de jugement saisies d'une infraction à la loi sur la presse peuvent la requalifier en infraction de droit commun, à la condition de n'introduire dans la poursuite aucun fait nouveau (2). Encourt dès lors la censure l'arrêt d'une chambre d'accusation qui, sur une plainte avec constitution de partie civile du chef d'une diffamation dont l'élément de publicité résultait de la diffusion d'un tract électoral, confirme, d'une part, une ordonnance de non-lieu du chef de diffamation en omettant de statuer sur les infractions au Code électoral résultant de cette diffusion et dénoncées par la partie civile dans une plainte additionnelle et, d'autre part, une ordonnance déclarant cette plainte irrecevable aux motifs que la plainte initiale fixe irrévocablement la nature et l'étendue de la poursuite et refusant ainsi d'informer hors des cas prévus par l'article 86, alinéa 3, du Code de procédure pénale (3)


Références :

Code de procédure pénale 575
Code de procédure pénale 86 al. 3, 201, 202, 593
Loi du 21 juillet 1881 art. 58

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers (chambre d'accusation), 15 mai 1990

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1980-02-04 , Bulletin criminel 1980, n° 44, p. 100 (rejet). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1975-11-18 , Bulletin criminel 1975, n° 250, p. 662 (rejet). CONFER : (2°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1972-11-21 , Bulletin criminel 1972, n° 348, p. 888 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1980-10-28 , Bulletin criminel 1980, n° 277, p. 706 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 sep. 1991, pourvoi n°90-83140, Bull. crim. criminel 1991 N° 319 p. 795
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 319 p. 795

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Perfetti
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Dumont
Avocat(s) : Avocat :M. Garaud

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:90.83140
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