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Joint, en raison de leur connexité, les pourvois n°s 88-19.730 et 89-11.597 ;
Attendu que, le 28 mai 1986, M. X... a saisi le bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Rouen d'une contestation des honoraires réclamés par M. Y..., avocat ; que, par décision du 22 décembre 1986, rendue plus de 3 mois après la réclamation, soit hors le délai fixé à l'article 28 du décret n° 72-468 du 9 juin 1972, le bâtonnier a fixé ces honoraires à la somme de 200 000 francs ; que M. X... a formé un recours contre cette décision le 23 novembre 1987 ; que, par ordonnance du 16 juin 1988, le président du tribunal de grande instance de Rouen a déclaré ce recours irrecevable pour avoir été formé plus d'un mois après la notification de la décision du bâtonnier ; que, sur recours de M. X..., la cour d'appel de Rouen a, par arrêt du 15 novembre 1988, déclaré recevable la contestation de M. X... et fixé le montant des honoraires dus par lui à 80 000 francs ; que, par un second arrêt du 24 janvier 1989, la cour d'appel, statuant sur le fondement de l'article 463 du nouveau Code de procédure civile, a complété sa décision antérieure et condamné M. Y... à restituer à M. X... la somme de 132 500 francs ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, du pourvoi n° 88.19.730 formé contre l'arrêt du 15 novembre 1988 :
Attendu que M. Y... reproche à la cour d'appel d'avoir fixé à la somme de 80 000 francs les honoraires dus par son client, alors, selon le moyen, d'une part, que la décision du bâtonnier ne peut faire l'objet que d'un recours devant le président du tribunal de grande instance, dans le délai d'un mois à compter de sa notification ; qu'en énonçant que malgré la décision du bâtonnier, le président du tribunal de grande instance pouvait être saisi d'une demande de contestation d'honoraires plus de 11 mois après la décision du bâtonnier, au motif inopérant que celui-ci n'avait pas rendu sa décision dans le délai de 3 mois de sa saisine, la cour d'appel a violé l'article 99 du décret du 9 juin 1972 ; alors, d'autre part, que M. X... avait saisi le président du tribunal de grande instance non pas d'une demande de contestation d'honoraires mais d'un recours contre la décision de taxe d'honoraires rendue par le bâtonnier ; qu'en énonçant que M. X... aurait pu saisir, sans condition de délai, le président du tribunal de grande instance de la contestation d'honoraires la cour d'appel a dénaturé les termes du litige ; et alors, enfin, que, même si la décision du bâtonnier était entachée de nullité comme rendue hors délai, la nullité de cette décision ne pouvait être demandée que devant le président du tribunal de grande instance dans le délai d'un mois de la notification de la décision du bâtonnier de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé l'article 460 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, selon l'article 99 du décret n° 72-468 du 9 juin 1972, la partie peut saisir de la contestation le président du tribunal de grande instance dans le mois de la notification de la décision du bâtonnier ou si celui-ci n'a pas pris de décision dans le délai prévu au 3e alinéa de l'article 98, " sans condition de délai " ; que ce texte consacre le droit pour la partie de saisir, sans qu'elle ait à respecter un quelconque délai, le président du tribunal de grande instance lorsque le bâtonnier n'a pas respecté le délai à lui imparti ; que, dès lors, c'est par une exacte application de ce texte que la cour d'appel a jugé recevable le recours de M. X... ; d'où il suit qu'en aucune de ses trois branches le moyen n'est fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches du même pourvoi : (sans intérêt) ;
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 98 du décret n° 72-468 du 9 juin 1972 ;
Attendu que pour fixer le montant des honoraires dus à M. Y... la cour d'appel énonce " qu'il n'appartient pas au juge de se prononcer sur la valeur du travail d'un avocat dont une part importante relève de son talent, de sa conscience et des rapports confidentiels qu'il a avec son client, mais que le juge, garant des libertés individuelles, doit sauvegarder les intérêts des parties dont le droit de recourir à justice serait atteint si leur défense exigeait une dépense trop disproportionnée à leurs moyens et à l'intérêt du litige ", et, qu'en l'espèce, en dépit d'un résultat qui consacre le talent et l'efficacité de l'avocat qui a permis de l'obtenir, il convient de fixer à 80 000 francs les honoraires de M. Y... ;
Attendu qu'en se prononçant par cette énonciation fondée sur des motifs d'ordre général, sans rechercher si les diligences effectivement accomplies par M. Y... en faveur de son client, les difficultés des affaires qui lui avaient été confiées, ainsi que les résultats obtenus par cet avocat, justifiaient les honoraires alloués, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
Et sur le premier moyen du pourvoi n° 89-11.597 formé contre l'arrêt du 24 janvier 1989 :
Attendu que la cassation de l'arrêt du 15 novembre 1988, entraîne, par voie de conséquence, en application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile, celle de l'arrêt du 24 janvier 1989 ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi n° 89-11.597 :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, les arrêts rendus les 15 novembre 1988 et 24 janvier 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen