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Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 86 du Traité instituant la Communauté économique européenne ;
Attendu que, dans son arrêt du 4 mai 1988, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit : " l'article 86 du Traité s'applique dans l'hypothèse d'un ensemble de monopoles communaux concédés à un même groupe d'entreprises dont la ligne d'action sur le marché est déterminée par la maison mère, dans une situation où ces monopoles couvrent une certaine partie du territoire national et ont pour objet le service extérieur des pompes funèbres : - lorsque les activités du groupe et la situation de monopole dont les entreprises en question disposent sur une partie du territoire d'un Etat membre ont des effets sur l'importation de marchandises en provenance d'autres Etats membres ou sur la possibilité, pour les entreprises concurrentes établies dans ces Etats membres, d'assurer des prestations de service dans le premier Etat membre, - lorsque le groupe d'entreprises occupe une position dominante, caractérisée par une situation de puissance économique, lui fournissant le pouvoir de faire obstacle à une concurrence effective sur le marché des pompes funèbres, et lorsque ce groupe d'entreprises pratique des prix non équitables, alors même que le niveau de ces prix est fixé par un cahier des charges faisant partie des conditions du contrat de concession " ; " les trois conditions ci-dessus énoncées sont cumulatives ; il suffit que l'une d'elles fasse défaut pour que l'article 86 soit inapplicable " ; qu'après avoir retenu qu'il appartenait aux juridictions nationales d'apprécier si ces conditions étaient remplies, la Cour de justice a précisé que, parmi les critères à prendre en considération, devaient figurer l'existence d'un effet de cloisonnement du Marché commun, les livraisons de biens et les prestations de service non couvertes par les concessions exclusives ainsi que les ressources financières du groupe ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, la société Au Funérarium pompes funèbres (société Funérarium) a entrepris à Valence des activités comprises dans le service extérieur des pompes funèbres dont la société Roblot était le concessionnaire exclusif en application des articles L. 362-l et suivants du Code des communes reprenant l'article 2 de la loi du 28 décembre 1904 ; que la cour d'appel l'a condamnée au paiement de dommages-intérêts et lui a interdit sous astreinte toute activité relevant du service extérieur des pompes funèbres ;
Attendu que pour statuer ainsi la cour d'appel, après avoir relevé que la société Roblot appartenait au groupe des sociétés Pompes funèbres générales, a retenu que les pratiques visées par les articles 86 et 90 du Traité ne sont prohibées que dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté ; qu'en l'espèce les activités de la société Roblot, en tant que concessionnaire de la ville de Valence pour le service extérieur des pompes funèbres, ne peuvent affecter le commerce dans le Marché commun et que d'autre part il ne peut être relevé aucun abus de l'ordre de ceux énumérés à l'article 86 dans la mesure où les prestations de la société Roblot sont strictement tarifées et soumises au contrôle de l'autorité municipale et que le monopole dont bénéficie la société concessionnaire a pour contrepartie un certain nombre d'obligations comme la prise en charge partielle du service des indigents ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, sans se référer aux conditions et critères retenus par la Cour de justice pour l'application de l'article 86 du Traité et, par conséquent, sans rechercher par une appréciation concrète des éléments de fait qui lui étaient soumis si la société Roblot, à qui incombait la charge de la preuve, établissait qu'elle exerçait son monopole conformément au droit communautaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 avril 1986, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris