CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Yves,
- Y... Martin,
- Z... Joël,
contre l'arrêt de la 9e chambre de la cour d'appel de Paris, en date du 20 décembre 1989, qui les a condamnés, le premier pour importation sans déclaration de marchandises prohibées, les deux autres pour intéressement à la fraude douanière, chacun à 3 mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à des pénalités douanières.
LA COUR,
Vu la connexité, joignant les pourvois ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé en faveur de Martin Y... et pris de la violation des articles 14-7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 399, 414, 423 et 435 du Code des douanes, 6, 591 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable d'avoir participé en tant qu'intéressé à la fraude, au délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées, commis par X... ;
" aux motifs que c'est à la demande de son client, M. X..., qu'il n'a pas déclaré la marchandise à la douane néerlandaise lors de l'exportation en direction de la France et qu'il l'a dissimulée parmi des marchandises régulièrement déclarées ;
" alors que nul ne peut être puni en France en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été définitivement jugé à l'étranger ; qu'en l'espèce, il est constant que les faits reprochés à Y... ont déjà donné lieu à une transaction entre l'intéressé et l'administration des Douanes des Pays-Bas ; que cette transaction équivaut à un jugement définitif ; que, dès lors, aucune poursuite ne pouvait plus être engagée en France à l'encontre du prévenu ; qu'en le déclarant néanmoins coupable de l'infraction reprochée, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué, du jugement auquel il se réfère expressément et des procès-verbaux des Douanes, base de la poursuite, qu'à la suite d'importations sur le territoire douanier français d'une quantité de viande ovine, originaire des pays tiers à la Communauté économique européenne et soumise alors en France à des mesures de contingentement, marchandise qui avait été dissimulée à l'intérieur de véhicules chargés de viande bovine régulièrement déclarée, Martin Y..., ressortissant hollandais, a été renvoyé devant la juridiction correctionnelle pour avoir participé, comme intéressé à la fraude, au délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées ;
Attendu que, pour écarter les conclusions du prévenu invoquant l'exception non bis in idem à raison du bénéfice d'une transaction définitive conclue entre lui et les autorités douanières des Pays-Bas et le déclarer coupable du chef visé à la prévention, la cour d'appel constate que s'il est exact que Martin Y...a effectivement transigé avec les Douanes de son pays pour une omission de déclarations d'exportation afférentes à la marchandise en cause, ces faits sont différents de ceux qui lui sont reprochés ; que, selon les juges, il ressort des éléments de l'espèce et des aveux mêmes du prévenu que celui-ci a participé à la conception et à l'organisation d'un mécanisme de fraude ayant pour résultat l'introduction clandestine sur le territoire douanier français d'une marchandise soumise à contingentement en raison de son origine et que, dès lors, le prévenu était intéressé à la fraude au sens de l'article 399. 2 b du Code des douanes ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, déduites d'une appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus, la cour d'appel, loin de méconnaître les textes visés au moyen, en a fait l'exacte application ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le moyen unique de cassation produit en faveur de Yves X... et pris de la violation des articles 343, 351, 369 et 414 du Code des douanes, 485 et 512 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable du délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées commis dans le courant de l'année 1980, et l'a, en conséquence, condamné solidairement avec trois autres prévenus, à payer à l'administration des Douanes les sommes de 785 892 francs à titre d'amende et de 570 288 francs, représentant la valeur des marchandises échappées à la saisie, pour tenir lieu de confiscation ;
" aux motifs que : il n'est pas contesté et il résulte de l'ensemble des éléments de l'espèce que la marchandise qualifiée de fraude par la poursuite a été importée en France par la société Transachats sans déclaration en douane alors qu'elle parvenait de pays tiers à la Communauté économique européenne (Australie et Nouvelle-Zélande) et qu'elle était soumise à une déclaration d'importation ; que X... a confirmé devant la Cour qu'il savait que la marchandise était d'origine australienne ou néo-zélandaise et que l'introduction sur le territoire douanier français avait été réalisée en fraude en celant les cartons contenant la viande de mouton parmi ceux contenant des produits d'origine bovine régulièrement importés ; que la cour d'appel a déjà relevé que, par l'effet dévolutif de son appel, le ministère public qui avait exercé tant l'action pour l'application des peines que l'action pour l'application des sanctions fiscales l'avait également saisie de l'action fiscale ; que le prévenu n'a pas contesté le quantum des pénalités requises par le ministère public et reposant sur la valeur réelle de la marchandise de fraude " ;
" alors qu'il résultait des propres énonciations de l'arrêt que l'action fiscale avait été exercée le 15 juin 1982 par l'administration des Douanes qui avait en effet fait parvenir au Parquet un document dénommé " acte introductif d'instance fiscale " à la suite duquel l'ouverture d'une information avait été requise, au cours de laquelle ladite Administration ne s'était pas jointe aux poursuites et qui avait été clôturée par une ordonnance de renvoi intervenue le 29 octobre 1986 ; qu'il s'en déduisait que l'action fiscale était prescrite depuis le 15 juin 1985, et ne pouvait, dès lors, être exercée devant le tribunal correctionnel accessoirement à l'action publique par le ministère public qui ne pouvait, en effet, disposer de plus de droits que l'administration des Douanes ; qu'en condamnant néanmoins le demandeur à payer à l'administration des Douanes diverses sommes à titre de sanctions fiscales, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Sur le moyen unique de cassation présenté au nom de Joël Z... et pris de la violation des articles 343, 351, 369, 399, 414 et 426 du Code des douanes, 485 et 512 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Z... coupable à raison de faits perpétrés dans le courant de l'année 1990, d'intérêt à la fraude commise par X..., lui-même déclaré coupable du délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées, et l'a, en conséquence, condamné solidairement avec ce dernier et deux autres prévenus, à payer à l'administration des Douanes les sommes de 273 950 francs à titre d'amende et de 570 288 francs représentant la valeur des marchandises échappées à la saisie, pour tenir lieu de confiscation ;
" aux motifs que : il n'est pas contesté et il résulte de l'ensemble des éléments de l'espèce que la marchandise qualifiée de fraude par la poursuite a été importée en France par la société Transachats sans déclaration en douane alors qu'elle provenait de pays tiers à la Communauté économique européenne (Australie et Nouvelle-Zélande) et qu'elle était soumise à une déclaration d'importation ; que Z... a acheté la marchandise à un prix inférieur au cours normal, et que celle-ci était contenue dans des cartons contenant l'indication du pays d'origine ; qu'il appartenait à l'intéressé, en tant que professionnel, de procéder à toute vérification utile sur la régularité, au point de vue de la réglementation douanière française, du produit qu'il achetait ; que, dès lors, les seules affirmations de Z... sont insuffisantes pour prouver sa bonne foi, l'ensemble des circonstances démontrant qu'il a sciemment acheté ou détenu des marchandises provenant du délit d'importation commis par X... ; que la cour d'appel a déjà relevé que, par l'effet dévolutif de son appel, le ministère public qui avait exercé tant l'action pour l'application des peines que l'action pour l'application des sanctions fiscales, l'avait également saisie de l'action fiscale ; que le prévenu n'a pas contesté le quantum des pénalités requises par le ministère public et reposant sur la valeur réelle de la marchandise de fraude ;
" alors qu'il résultait des propres énonciations de l'arrêt, que l'action fiscale avait été exercée le 15 juin 1982 par l'administration des Douanes qui avait en effet fait parvenir au Parquet un document dénommé " acte introductif d'instance fiscale " à la suite duquel l'ouverture d'une information avait été requise, au cours de laquelle ladite Administration ne s'était pas jointe aux poursuites, et qui avait été clôturée par une ordonnance de renvoi intervenue le 29 octobre 1986 ; qu'il s'en déduisait que l'action fiscale était prescrite depuis le 15 juin 1985, et ne pouvait, dès lors, être exercée devant le tribunal correctionnel accessoirement à l'action publique par le ministère public qui ne pouvait, en effet, disposer de plus de droits que l'administration des Douanes ; qu'en condamnant néanmoins le demandeur à payer à l'administration des Douanes diverses sommes à titre de sanctions fiscales, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour condamner Yves X... et Joël Z..., reconnus coupables le premier d'importation sans déclaration de marchandises prohibées, le second d'intérêt à la fraude douanière, à payer à l'administration des Douanes diverses sommes à titre de sanctions douanières, la cour d'appel relève qu'à la suite d'un acte introductif d'instance fiscale déposé par l'administration des Douanes, le ministère public a requis l'ouverture d'une information judiciaire portant sur les faits dénoncés, procédure qui a été clôturée par une ordonnance de renvoi des susnommés pour les infractions douanières précitées ; que s'il est vrai que ladite Administration ne s'est pas jointe aux poursuites, devant la juridiction de jugement, il est établi que le ministère public a exercé en première instance tant l'action pour l'application des peines que l'action pour l'application des sanctions fiscales sur le fondement de l'article 343 du Code des douanes et que par l'effet dévolutif de l'appel interjeté par ledit ministère public, la cour d'appel est saisie de ces deux actions ;
Attendu qu'en prononçant comme elle l'a fait sur l'action à fins fiscales exercée ainsi accessoirement à l'action pour l'application des peines, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 343 du Code des douanes ;
Qu'en effet, le ministère public, qui a ouvert une information pour infraction douanière et qui n'a pas relevé appel de l'ordonnance de renvoi, a nécessairement exercé en première instance l'action fiscale accessoirement à l'action publique, par application de l'article 343. 1 du Code précité ; que les actes d'instruction qui ont été diligentés, ont nécessairement interrompu le cours de la prescription à l'égard de ces deux actions conjointement mises en oeuvre au cours de l'information ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Mais sur le second moyen de cassation développé en faveur de Martin Y... et pris de la violation des articles 343, 399, 406, 407, 414, 423, 435 du Code des douanes, et 591 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré Y... coupable d'intérêt à la fraude, l'a condamné à une amende fiscale de 785 892 francs et l'a en outre déclaré solidairement tenu des amendes fiscales infligées aux autres prévenus ;
" alors qu'en matière douanière chaque infraction ne peut donner lieu qu'au prononcé d'une amende fiscale unique, appliquée solidairement à tous les prévenus ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait prononcer une amende fiscale à l'encontre de chacun des prévenus et les déclarer en outre solidaires de l'ensemble des amendes prononcées, mais aurait dû prononcer une amende unique pour tous les prévenus ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Et sur le même moyen de cassation relevé d'office en faveur de Yves X... et Joël Z... ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles cités ;
Attendu qu'en matière douanière, chaque infraction ne peut donner lieu qu'à l'application solidaire notamment d'une amende fiscale unique, quel que soit le nombre des participants, comme auteurs, complices ou intéressés ;
Attendu qu'en statuant sur l'action pour l'application des sanctions fiscales, la cour d'appel a " condamné solidairement à payer à l'administration des Douanes :
- X... : 785 892 francs à titre d'amende ;
- Y... : 785 892 francs à titre d'amende ;
- Z... : 273 950 francs à titre d'amende " ;
Mais attendu qu'en prononçant à l'encontre de chacun des prévenus susnommés, condamnés pour un même fait de fraude, une amende douanière spécifique et en les déclarant en outre solidairement tenus au paiement desdites amendes infligées à chacun d'eux, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe susvisés ;
Que la cassation est, dès lors, encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 20 décembre 1989, mais en ses seules dispositions concernant l'amende douanière et la solidarité encourues par les prévenus demandeurs aux présents pourvois, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi dans les limites de la cassation prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.