REJET du pourvoi formé par :
- X... Anne-Marie, épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 17 janvier 1990, qui l'a condamnée pour fraude fiscale à 18 mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné des mesures d'affichage et de publication et a fait droit aux conclusions de l'administration des Impôts, partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité soulevée par la demanderesse et tirée du fait qu'elle n'avait pas été régulièrement avisée par l'administration fiscale de la faculté de se faire assister par un conseil de son choix dans le cadre de la vérification fiscale d'ensemble dont elle avait été l'objet ;
" aux motifs qu'à la date d'envoi de l'avis adressé par les services fiscaux aux époux Y... le 25 octobre 1984 à la maison d'arrêt de la Talaudière et à celle de sa réception (30 octobre 1984) Anne-Marie Y... était détenue à ladite maison d'arrêt d'où elle a été libérée le 14 décembre 1984, alors que son mari, en fuite depuis juin 1984, n'y a pas été détenu ; qu'il résulte d'un procès-verbal établi par le juge d'instruction que les plis recommandés adressés à des détenus sont reçus par le vaguemestre de la maison d'arrêt qui a qualité pour signer les avis de réception et qui se charge de remettre les plis à leurs destinataires ; que la production par l'administration fiscale de l'avis de réception signé correspondant à l'avis de vérification adressé le 25 octobre 1984 aux époux Jean-Baptiste Y... à la maison d'arrêt de la Talaudière suffit à établir le respect de la formalité exigée par l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ; qu'en effet, l'Administration a envoyé cet avis à la seule adresse connue d'elle ; que cette adresse était exacte en ce qui concerne la prévenue appelante ; que le pli recommandé n'a pu être délivré qu'au vaguemestre, qui était habilité à le recevoir et qui l'a nécessairement remis à Anne-Marie X..., épouse Y... ; que l'obligation qui pèse sur l'Administration n'est pas une obligation de résultat-en l'espèce impossible à accomplir puisque ni le vérificateur ni le préposé des Postes n'avaient accès à l'intérieur de la maison d'arrêt pour remettre le pli à la prévenue en main propre-mais une obligation de moyens consistant à faire tout ce qui était en son pouvoir pour faire parvenir l'avis de vérification à la personne intéressée ;
" alors, d'une part, que s'il est en principe admis par la chambre criminelle de la Cour de Cassation que la remise effective de l'avis de vérification, visé à l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, à son destinataire ne dépend pas de l'expéditeur, il n'en reste pas moins que l'administration fiscale doit faire en sorte qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur l'identité du destinataire ; que cette obligation doit être remplie avec d'autant plus de rigueur que le destinataire est incarcéré et que les dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales sont essentielles aux droits de la défense, qu'il résulte des motifs de l'arrêt que l'administration fiscale sachant pertinemment que seule Anne-Marie X..., épouse Y... (et non son époux Jean-Baptiste Y...) se trouvait incarcérée à la maison d'arrêt de la Talaudière, a cependant adressé l'avis de vérification à cette adresse aux époux Y... et qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, affirmer, en se fondant sur une motivation purement abstraite, que cet avis avait été nécessairement remis par le vaguemestre à Anne-Marie X..., épouse Y..., celle-ci n'en étant pas le destinataire exclusif ;
" alors, d'autre part, qu'il appartient à l'administration des Impôts de faire la preuve, à peine de nullité de la procédure, que le contribuable a été averti, par un avis à lui envoyé ou remis de la faculté de se faire assister d'un conseil au cours des vérifications de comptabilité ; que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer par l'examen de l'avis de réception qui est annexé à la cote D. 17 de la procédure que celui-ci a été adressé à M. ou Mme Jean-Baptiste Y... sans indication ni du nom de jeune fille ni du prénom de Anne-Marie X..., épouse Y... ; que, dès lors, l'administration fiscale non seulement n'a pas rapporté la preuve qui lui incombait que l'avis de vérification ait été régulièrement adressé par elle à la demanderesse faute de comporter son identité complète, mais encore il est établi par les mentions de l'accusé de réception qu'elle a irrégulièrement procédé à cet envoi et qu'en cet état, faute par la cour d'appel d'avoir constaté cette violation évidente des dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, la cassation est encourue " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que préalablement à l'examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale de Anne-Marie X..., épouse Y..., l'administration des Impôts a envoyé à cette dernière un avis conforme en sa teneur aux prescriptions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ; que cet avis, adressé à la maison d'arrêt de la Talaudière, seule résidence connue et alors effective de la destinataire a été remis au vaguemestre de l'établissement pénitentiaire, lequel, seul habilité à le faire selon le règlement, a signé l'accusé de réception ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que la remise effective de l'avis de vérification à la personne même de son destinataire ne dépend pas de l'administration expéditrice, c'est à bon droit que les juges du fond, régulièrement saisis de l'exception, ont décidé qu'il avait été satisfait aux prescriptions du texte susvisé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de la demanderesse soulevant l'irrégularité de la vérification de comptabilité opérée en dehors de sa présence, sans débat oral et contradictoire ;
" aux motifs que l'absence de débat oral et contradictoire-à supposer qu'elle soit démontrée-est susceptible d'entraîner la nullité de la procédure administrative d'établissement de l'impôt, mais non de vicier la procédure judiciaire, puisque le juge judiciaire doit constater lui-même l'existence des éléments constitutifs du délit de fraude fiscale, sans pouvoir s'en remettre à la décision de redressement prise par l'Administration, et que la personne poursuivie bénéficie de toutes les facilités prévues par le Code de procédure pénale pour en débattre contradictoirement avec les parties poursuivantes ;
" alors que le juge répressif a le devoir de vérifier lorsqu'il en est requis que le principe selon lequel la vérification de comptabilité doit avoir un caractère oral et contradictoire, principe qui constitue une garantie essentielle des droits de la défense, a été respecté en sorte qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs " ;
Attendu qu'en rejetant par les motifs reproduits au moyen l'exception de nullité de la procédure régulièrement présentée par la prévenue et prise d'une prétendue absence de débat oral et contradictoire au cours de l'examen de l'ensemble de sa situation fiscale, la cour d'appel, loin d'avoir méconnu le sens et la portée de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, a fait au contraire l'exacte application de ce texte ; qu'en effet la nullité de la procédure qu'il édicte ne peut être prononcée par le juge répressif qu'au regard des poursuites judiciaires exercées contre le contribuable sur les résultats d'une vérification fiscale et pour des causes limitativement prévues par ce texte, toutes autres irrégularités affectant les opérations administratives échappant au contrôle de l'autorité judiciaire ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1741 du Code général des impôts, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable de fraude fiscale dans les termes de la prévention ;
" alors, d'une part, que la plainte de l'administration fiscale constitue une formalité substantielle dont l'observation est d'ordre public ; que les premiers juges, tout en déclarant dans le dispositif de leur décision Mme Y... coupable des faits de la prévention, avaient constaté dans leurs motifs que la plainte déposée par le directeur des services fiscaux de la Loire visait expressément les agissements de Y... en 1983 et de M. et Mme Y... en 1984 caractérisant une dissimulation des revenus au titre des années 1982 et 1983, que de cette formule ambiguë il résultait que la plainte ne visait pas Anne-Marie X..., épouse Y..., pour les faits de 1983 relatifs à la dissimulation des revenus de 1982, qu'en dépit des termes plus larges de l'ordonnance de renvoi, la saisine du tribunal était nécessairement limitée aux faits visés dans la plainte de l'Administration ; que dans le dispositif de ses conclusions régulièrement déposées en cause d'appel, Mme Y... demandait à la cour d'appel de constater qu'elle n'était poursuivie sous l'inculpation de fraude fiscale en application de l'article 1741 du Code général des impôts qu'à raison des revenus de l'année 1983, pour omission volontaire dans la déclaration afférente à ses revenus de sommes perçues du fait de l'activité de l'entreprise FDIP et que la cour d'appel, qui n'a pas répondu à cette demande et qui, tout en adoptant les motifs des premiers juges qu'elle n'a aucunement infirmé relativement à l'absence de conformité de l'ordonnance de renvoi à la plainte de l'administration fiscale, a déclaré Mme Y... coupable de l'ensemble des faits visés dans la prévention, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors, d'autre part, que la cour d'appel qui constatait expressément que l'omission par Mme Y... de la signature des revenus de 1983 était due à une méconnaissance-c'est-à -dire à une ignorance-de ses obligations fiscales, n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit de fraude fiscale à son encontre " ;
Attendu, d'une part, qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Anne-Marie X... ainsi que son époux Jean-Baptiste Y... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour s'être frauduleusement soustraits à l'établissement ou au paiement partiel ou total de l'impôt en dissimulant volontairement des revenus au titre des années 1982 et 1983 ; que la prévenue a soutenu dans ses conclusions que la plainte de l'Administration ne la visait pas personnellement pour les faits relatifs à la dissimulation des revenus de 1982 ;
Attendu qu'il est vainement fait grief à la cour d'appel d'avoir rejeté ces conclusions et retenu Anne-Marie X... dans les liens de l'ensemble de la prévention ;
Qu'en effet, la plainte de l'Administration prévue à l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales saisit nécessairement le Parquet de tous les faits qu'elle dénonce et qu'il appartient au ministère public d'apprécier la suite à leur donner et, notamment au résultat d'une information, de requérir le renvoi devant le tribunal correctionnel des personnes contre lesquelles il estime qu'il existe des charges suffisantes d'avoir commis les délits dénoncés ;
Attendu, d'autre part, que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs non contraires, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, contrairement à ce qui est allégué, les juges du fond ont caractérisé sans insuffisance, l'élément intentionnel, seul remis en cause par la demanderesse au pourvoi, du délit de fraude fiscale retenu à la charge de cette dernière ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.