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16/04/1991 | FRANCE | N°91-80093

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 avril 1991, 91-80093


CASSATION et DESIGNATION DE JURIDICTION sur les pourvois formés par :
- H... René, X... Michel, I... Richard, Maire Charles, F... François, Y... Gérard, B... Bernard, G... Alain, Z... Vincent, A... Pierre,
contre l'arrêt n° 362/90 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar, en date du 8 novembre 1990, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre : le premier, des chefs de faux et usage de faux en écritures de commerce, le deuxième, des chefs d'abus de biens sociaux, complicité de faux en écritures de commerce, faux et usage de faux en écritu

res de commerce, trafic d'influence, corruption active de citoyens...

CASSATION et DESIGNATION DE JURIDICTION sur les pourvois formés par :
- H... René, X... Michel, I... Richard, Maire Charles, F... François, Y... Gérard, B... Bernard, G... Alain, Z... Vincent, A... Pierre,
contre l'arrêt n° 362/90 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar, en date du 8 novembre 1990, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre : le premier, des chefs de faux et usage de faux en écritures de commerce, le deuxième, des chefs d'abus de biens sociaux, complicité de faux en écritures de commerce, faux et usage de faux en écritures de commerce, trafic d'influence, corruption active de citoyens chargés d'un ministère de service public, le troisième, des chefs de faux et usage de faux en écritures de commerce, complicité de faux en écritures de commerce, complicité d'abus de biens sociaux, le quatrième, du chef d'abus de biens sociaux, le cinquième, des chefs de complicité d'abus de biens sociaux, usage de faux en écritures de commerce, trafic d'influence, le sixième, des chefs de destruction, soustraction, recel, dissimulation de documents de nature à faciliter la recherche des délits, la découverte des preuves ou le châtiment de leurs auteurs, recel d'abus de biens sociaux, corruption passive ou active de citoyens chargés d'un ministère de service public, le septième, des chefs de recel, d'abus de biens sociaux, corruption passive ou active de citoyens chargés d'un ministère de service public, le huitième, des chefs d'abus de biens sociaux, faux et usage de faux en écritures de commerce, trafic d'influence, le neuvième, des chefs d'abus de biens sociaux et de corruption active de citoyens chargés d'un ministère de service public, le dixième, des chefs d'abus de biens sociaux, usage de faux en écritures de commerce, trafic d'influence, a annulé des actes de l'information.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle en date du 4 mars 1991 prescrivant l'examen immédiat des pourvois ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour X..., H... et I... et pris de la violation des articles 659, 679, 681, 688, 206, 218, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a annulé les actes d'information accomplis par le juge d'instruction du 9 mars 1988 à midi au 13 décembre 1989 et les actes qui en dérivent au seul profit de C..., Y..., et E..., et les a déclarés réguliers au regard des autres inculpés, et en particulier de X..., H... et I... ;
" aux motifs que lorsqu'à la suite d'un pourvoi en cassation de quelques inculpés, l'arrêt de la chambre d'accusation n'est cassé qu'en ce qui les concerne, les annulations qui sont prononcées par la Cour de renvoi n'ont d'effet qu'à leur égard ; que les actes annulés demeurent réputés réguliers pour les inculpés qui ne se sont pas pourvus et doivent demeurer dans la procédure ;
" alors que lorsqu'une chambre d'accusation est, après cassation, substituée à une autre - laquelle se trouve dessaisie - pour poursuivre une information à l'encontre de personnes relevant des dispositions des articles 681 et 687 du Code de procédure pénale, il lui appartient en vertu des articles 206, 218 du Code de procédure pénale d'examiner à son tour la régularité de la procédure à l'encontre de tous les inculpés et de prononcer, même d'office s'il y échet, la nullité des actes entachés d'une cause de nullité ; qu'ainsi c'est à tort que la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar, désignée comme juridiction de renvoi et pour connaître de l'ensemble de l'information par l'arrêt de la chambre criminelle du 19 juin 1990, a limité les nullités prononcées au seul bénéfice des inculpés qui s'étaient pourvus contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy du 20 février 1990 ayant déclaré la procédure régulière sans examiner la régularité de la procédure au regard des autres inculpés " ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour les mêmes, et pris de la violation des articles 171, 173, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que, après avoir prononcé la nullité des actes de l'information accomplis par le juge d'instruction depuis le 9 mars à midi jusqu'à la présentation de la première requête du procureur de la République le 13 décembre 1989, l'arrêt attaqué a maintenu au dossier certains des actes annulés ;
" aux motifs que les actes annulés demeurent réputés réguliers pour les inculpés qui ne se sont pas pourvus sauf s'ils sont postérieurs à l'arrêt du 20 février 1990 cassé ;
" alors, d'une part, que le retrait du dossier de l'information des pièces annulées ne peut être ordonné que d'une manière indivisible à l'égard de toutes les parties ; qu'ainsi, nonobstant l'absence de pourvois des inculpés X..., H... et I..., contre l'arrêt du 20 février 1990, l'arrêt attaqué devait ordonner le retrait pur et simple du dossier des pièces dont il a constaté la nullité ;
" alors, d'autre part, que les pièces annulées ne peuvent être maintenues au dossier pour certains inculpés et retirées pour d'autres que dans le cadre d'arrêts de règlement de la procédure devenus définitifs à l'égard des uns et annulés à l'égard des autres à la suite de leur pourvoi ; que l'arrêt du 20 février 1990 ne réglant pas la procédure, le défaut de pourvoi des inculpés contre cet arrêt ne pouvait justifier le maintien au dossier des actes de l'information entachés d'une cause de nullité qui, de surcroît, touchait à l'ordre public " ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour F..., pris de la violation des articles 171, 173, 593 et 681 du Code de procédure pénale et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme :
" en ce que l'arrêt attaqué a décidé que les actes d'instruction dont il a prononcé l'annulation demeuraient réputés réguliers pour l'ensemble des inculpés, parties dans la procédure au 20 février 1990, et qui ne s'étaient pas pourvus contre l'arrêt cassé, dans toute la mesure où ils contenaient des éléments à charge ou à décharge à leur égard, ces actes devant par conséquent être maintenus au dossier sans pour autant pouvoir être opposés à C..., Y... et E... ayant obtenu la cassation ;
" 1° alors que le retrait du dossier de l'information des actes annulés prescrit par l'article 173 du Code de procédure pénale a un effet indivisible à l'égard de toutes les parties, sans qu'il soit permis à la juridiction prononçant la nullité d'en réserver l'usage contre certaines parties ; que la cassation de l'arrêt de la chambre d'accusation ayant statué, à la requête du Parquet, sur la régularité de certains actes d'instruction sur le seul pourvoi d'un inculpé ne peut, dès lors, faire obstacle au retrait du dossier de l'information des actes annulés ; qu'en refusant, au contraire, d'ordonner le retrait des actes d'instruction qu'elle a annulés, et en décidant que ces actes resteraient réputés réguliers à l'égard des inculpés ne s'étant pas pourvus, la chambre d'accusation qui, statuant comme juridiction de renvoi, se trouvait désignée par l'arrêt de la Cour de Cassation pour connaître de l'ensemble de l'information a violé les textes visés au moyen ;
" 2° alors qu'en statuant comme elle l'a fait, la chambre d'accusation a opéré une discrimination, fût-elle procédurale, entre les divers inculpés, au regard des mêmes actes d'instruction, contraire au principe de procès équitable posé à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, qu'elle a violé " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Y... et pris de la violation des articles 170, 172, 173, 206, 802 du Code de procédure pénale, 593 du même Code, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir annulé les actes de l'information accomplis par le magistrat instructeur à compter du 9 mars 1988 à midi et jusqu'à la présentation, le 13 décembre 1989, de la première requête du procureur de la République, avait déclaré nuls et de nul effet les actes de l'information subséquents qui dérivent des actes mis à néant à titre principal ou qui, en ce qui concerne Y..., ont suivi le procès-verbal de sa première audition par la police en date du 17 décembre 1989, lui-même nul, a décidé toutefois que les actes annulés demeurent réputés réguliers pour l'ensemble des inculpés, parties dans la procédure du 20 février 1990, et qui ne se sont pas pourvus contre l'arrêt cassé, dans toute la mesure où ils contiennent des éléments à charge ou à décharge à leur égard, et qu'ainsi lesdits actes doivent être maintenus au dossier sans pour cela pouvoir être opposés à Y... qui a obtenu la cassation ;
" aux motifs que, la cassation ne pouvant ni nuire ni profiter à ceux qui ne l'ont pas obtenue, il convient de laisser au dossier de la procédure même les procès-verbaux de première comparution et d'interrogatoire subséquents de ceux des inculpés qui ont obtenu gain de cause à l'instance de cassation, encore qu'ils ne leur soient pas opposables comme restant nuls à leur égard ; qu'ainsi la distinction entre les pièces qui sont à retirer et celles qui ne le sont point est uniquement fonction des éléments ; que doivent, en revanche, être maintenus, outre les écritures des conseils, l'ensemble des autres pièces y compris les scellés ouverts qui les accompagnent dès lors que, directement ou indirectement, elles ont pour objet ou pour effet la constatation d'un élément à charge ou à décharge contre ou en faveur des inculpés non bénéficiaires de la cassation ; que la totalité des dispositions qui viennent d'être énoncées en ce qui concerne les actes à extraire de la procédure résultent d'un examen fait pièce par pièce du dossier, mais sans préjudice d'une erreur ou omission matérielle à redresser par voie de rectification ;
" alors que, d'une part, le retrait du dossier de l'information de pièces annulées prescrit par l'article 173 du Code de procédure pénale ne peut être ordonné par la juridiction d'instruction que d'une manière indivisible à l'égard de toutes les parties sans qu'il soit permis à ladite juridiction d'en réserver l'usage au profit de certaines d'entre elles contre d'autres qui n'ont pas exercé les voies de recours qui leur étaient offertes ; qu'en effet le maintien des pièces annulées au dossier conduit nécessairement le magistrat instructeur à en prendre connaissance, ce qui aboutit à priver de tout effet l'annulation prononcée ;
" alors, d'autre part, et en tout état de cause, que la chambre d'accusation ne pouvait, après avoir annulé les actes de l'information qui ont suivi le procès-verbal de première audition par la police en date du 17 décembre 1989 lui-même nul, maintenir les procès-verbaux de première comparution et d'interrogatoire subséquents du demandeur au dossier, ces actes ne pouvant contenir que des éléments concernant l'inculpé qui a fait sanctionner l'irrégularité et ne présentant aucun intérêt pour le jugement des autres ;
" alors, enfin, que la nullité sanctionnant la violation des dispositions de l'article 105 du Code de procédure pénale doit s'étendre tant à l'acte lui-même qu'à la procédure subséquente ; qu'une telle disposition qui vise à assurer les droits de la défense serait dépouillée de toute portée si les procès-verbaux d'audition établis en violation de cette disposition pouvaient néanmoins être maintenus au dossier " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Bernard B... et pris de la violation des articles 171, 173, 206, 659 et 681 du Code de procédure pénale, ensemble 593 du même Code, défaut de motif, manque de base légale :
" en ce que la chambre d'accusation, après avoir déclaré nuls les actes de l'information accomplis par le juge d'instruction à compter du 9 mars 1988 à midi et jusqu'au 13 décembre 1989, date de la présentation de la requête, ainsi que les actes de l'information subséquents, a déclaré que ces actes devaient être maintenus au dossier et étaient valables à l'égard de tous les inculpés sans pouvoir être opposés à Jacques C..., Gérard Y... et Gérard E... ;
" aux motifs que, lorsqu'à la suite du pourvoi de quelques inculpés l'arrêt d'une chambre d'accusation n'est cassé qu'en ce qui les concerne, les annulations d'actes qui sont prononcées par la Cour de renvoi n'ont d'effet qu'à leur égard ; qu'en conséquence les actes annulés demeurent réputés réguliers pour les inculpés qui ne se sont pas pourvus et doivent, malgré les prescriptions de l'article 173 du Code de procédure pénale, être maintenus dans la procédure mais ne peuvent être opposés à ceux qui en ont obtenu l'annulation ; qu'en application de ce principe découlant de l'effet relatif de la cassation quant aux parties, est à maintenir dans le dossier de l'information l'ensemble des pièces relatives aux vingt-trois inculpés qui, en plus de Jacques C..., Gérard Y... et Gérard E..., ont été parties aux débats ayant abouti à l'arrêt cassé mais n'ont pas formé de pourvoi ; que, la cassation ne pouvant ni nuire ni profiter à ceux qui ne l'ont pas obtenue, il convient de laisser audossier de la procédure même les procès-verbaux de première comparution et d'interrogatoires subséquents de ceux des inculpés qui ont obtenu gain de cause à l'instance de cassation encore qu'ils ne leur soient pas opposables comme restant nuls à leur égard ;
" alors que les prescriptions de l'article 681 du Code de procédure pénale sont d'ordre public et qu'il est du devoir des juridictions d'instruction et de jugement d'en faire, d'office, assurer le respect ; qu'ayant constaté que le maire de Toul avait été mis en cause dès le 9 mars 1988, la chambre d'accusation, désignée pour connaître de l'ensemble de l'information, ne pouvait se borner à limiter les effets de l'annulation qu'elle prononçait aux seules parties ayant formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy qui avait déclaré la procédure valable ; qu'en statuant ainsi elle a violé les textes susvisés " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Alain G... et Vincent Z... et pris de la violation des articles 171, 173, 206, 591, 593, 594, 681 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a jugé que les actes qu'il annulait demeuraient réputés réguliers pour l'ensemble des inculpés, parties dans la procédure au 20 février 1990 et ne s'étant pas pourvus contre l'arrêt cassé rendu par la cour d'appel de Colmar ;
" aux motifs que " lorsqu'à la suite du pourvoi de quelques inculpés seulement l'arrêt d'une chambre d'accusation n'est cassé qu'en ce qui les concerne, comme c'est le cas en l'espèce, les annulations d'actes qui sont prononcées par la Cour de renvoi n'ont d'effet qu'à leur égard ; qu'en conséquence, les actes annulés demeurant réputés réguliers pour les inculpés qui ne se sont pas pourvus, doivent, malgré les prescriptions de l'article 173 du Code de procédure pénale, être maintenus dans la procédure, mais ne peuvent être opposés à ceux qui en ont obtenu l'annulation (Crim., 11 décembre 1984, B. 396) ; qu'en application de ce principe découlant de l'effet relatif de la cassation quant aux parties, sont à maintenir dans le dossier de l'information l'ensemble des pièces relatives aux vingt-trois inculpés qui, en plus de C..., Gérard Y... et E..., ont été parties aux débats ayant abouti à l'arrêt cassé mais n'ont pas formé pourvoi ; (.. ) que doivent être maintenus, outre les écritures des conseils, l'ensemble des autres pièces y compris les scellés ouverts qui les accompagnent, dès lors que, directement ou indirectement, elles ont pour objet ou pour effet la constatation d'un élément à charge ou à décharge contre ou en faveur des inculpés, non bénéficiaires de la cassation " ;
" alors, d'une part, que les actes annulés doivent être retirés du dossier et qu'il est interdit d'y puiser aucun renseignement contre les parties au débat, à peine de forfaiture ; que, dès lors, la chambre d'accusation ne pouvait déclarer opposables à G..., partie aux débats, les actes qu'elle annulait par ailleurs ;
" alors, d'autre part, que la règle précédente ne connaît d'exception que lorsque l'arrêt de renvoi aux Assises a été cassé sur le pourvoi de certains des coaccusés, de sorte que, en raison de l'effet relatif de la cassation et de l'article 594 du Code de procédure pénale, la procédure est devenue irrévocablement régulière à l'égard des accusés ne s'étant pas pourvus (Crim., 11 décembre 1984, B. 396, cité par l'arrêt attaqué) ; qu'en revanche, le pourvoi introduit par certains inculpés contre un arrêt interlocutoire de chambre d'accusation, rendu dans le cadre de l'article 171 du Code de procédure pénale, ne prive pas la chambre d'accusation de renvoi du devoir de faire retirer les actes qu'elle annule du dossier avec interdiction d'y puiser aucun renseignement concernant quelque partie au débat que ce soit ;
" alors, de toute façon, que la chambre d'accusation, saisie par le Parquet en appréciation de la validité de certains actes, doit examiner la régularité de la procédure qui lui est soumise ; que, par ailleurs, l'incompétence d'une juridiction d'instruction qui découle de l'article 681 du Code de procédure pénale s'étend aux personnes même non visées par le texte, mais qui ont pris part aux faits incriminés, dès lors que ces faits constituent un ensemble qu'il n'y a pas lieu de dissocier ; qu'en s'abstenant de rechercher si les faits reprochés à G... n'étaient pas indissociables de ceux poursuivis contre C..., maire de Toul, et si par conséquent l'incompétence de la juridiction d'instruction, reconnue à compter du 19 mars 1988 à 12 heures, ne s'étendait pas à G..., et si par suite tous les actes postérieurs à cette date n'étaient pas irréguliers à son égard, et ne devaient pas être annulés en ce qui le concerne, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, enfin, que toute décision d'instruction est dépourvue de l'autorité de la chose jugée et qu'en toute hypothèse celle-ci ne s'attache qu'au dispositif de la décision rendue tel qu'éclairé par ces motifs ; que l'arrêt (cassé) rendu par la cour d'appel de Nancy ne déclarait statuer que sur la validité des actes à l'égard de C... ; d'où il suit que cette décision n'avait aucune autorité de chose jugée à l'égard de G..., et que l'absence de pourvoi formé contre elle par G... ne pouvait faire obstacle à ce que la chambre d'accusation de Colmar procédât en ce qui le concerne à l'examen de la validité des actes et les annulât " ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Pierre A... et pris de la violation des articles 171 et 173 du Code de procédure pénale, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué qui prononce la nullité, pour méconnaissance de l'article 681 du Code de procédure pénale, des actes d'information accomplis entre le 9 mars 1988 et le 13 décembre 1989 ainsi que des actes d'information subséquents qui en dérivent, décide néanmoins que les actes ainsi annulés demeurent réputés réguliers pour l'ensemble des inculpés, parties dans la procédure au 20 février 1990, qui ne s'étaient pas pourvus contre l'arrêt antérieur de la chambre d'accusation de la Cour de Nancy qui les avait déclarés valables et qui avait été cassé sur le pourvoi de certains prévenus ;
" aux motifs que, selon l'article 173 du Code de procédure pénale, les actes annulés sont retirés du dossier d'information et classés au greffe de la cour d'appel ; mais que, lorsqu'à la suite du pourvoi de quelques inculpés seulement, l'arrêt d'une chambre d'accusation n'est cassé qu'en ce qui les concerne, comme c'est le cas en l'espèce, ces annulations d'actes qui sont prononcées par la Cour de renvoi n'ont d'effet qu'à leur égard ; qu'en conséquence, les actes annulés, demeurant réputés réguliers, doivent, malgré les prescriptions de l'article 173 du Code de procédure pénale, être maintenus dans la procédure, mais ne peuvent être opposés à ceux qui en ont obtenu l'annulation (Crim., 11 décembre 1984, B. 396) ; qu'en application de ce principe découlant de l'effet relatif de la cassation quant aux parties, sont à maintenir dans le dossier de l'information l'ensemble des pièces relatives aux vingt-trois inculpés qui, en plus de C..., Gérard Y... et E..., ont été parties aux débats ayant abouti à l'arrêt cassé, mais n'ont pas formé pourvoi ;
" alors que l'article 173 du Code de procédure pénale prescrivant que les actes annulés sont retirés du dossier d'information et qu'il est interdit d'y puiser aucun renseignement contre les parties aux débats, ce qui implique nécessairement un retrait indivisible des pièces annulées, à l'égard de toutes les parties, l'arrêt attaqué, qui a néanmoins décidé de maintenir les pièces annulées à l'égard de ceux qui ne s'étaient pas pourvus, a violé le texte susvisé " ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour Pierre A... et pris de la violation des articles 206, 681, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré inopposables à Jacques C... les actes annulés, tout en les maintenant pour l'ensemble des inculpés qui ne s'étaient pas pourvus contre l'arrêt cassé ;
" alors que les règles de procédure et de compétence fixées par l'article 681 du Code de procédure pénale étant d'ordre public et devant être étendues à toutes personnes ayant pris part aux faits incriminés dès lors qu'ils constituent un ensemble qu'il n'y a pas lieu à dissocier, l'arrêt attaqué, qui s'est abstenu de rechercher si les faits reprochés à Pierre A... étaient ou non dissociables de ceux imputés à Jacques C..., a ainsi violé le texte susvisé, et privé sa décision de base légale " ;
Et sur lesdits moyens relevés d'office en ce qui concerne Jean-Marie D... ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, lorsqu'un juge d'instruction est devenu incompétent par suite de la mise en cause, au cours d'une information déjà ouverte, d'une personne visée aux articles 681 et 687 du Code de procédure pénale, cette incompétence s'étend à tous les inculpés lorsque les faits incriminés forment un ensemble qu'il n'y a pas lieu de dissocier ; que, dès lors, sont entachés d'une nullité substantielle et générale tous les actes accomplis par ce magistrat entre cette mise en cause et l'engagement de la procédure définie auxdits articles dont les prescriptions sont d'ordre public ; qu'il est du devoir de la chambre d'accusation désignée d'en faire, d'office, assurer le respect ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans une information ouverte en novembre 1987 à Nancy contre plusieurs personnes inculpées notamment de faux en écritures de commerce et usage de faux, d'abus de biens sociaux et recel d'abus de biens sociaux, de corruption active et passive de citoyens chargés d'un ministère de service public, Jacques C..., maire de Toul, a été mis en cause ; que le procureur de la République a adressé à la chambre criminelle, le 13 décembre 1989, une requête en désignation de juridiction pour les faits que C... aurait commis hors l'exercice de ses fonctions de maire et, le 16 décembre, une seconde requête pour les faits commis dans cet exercice ; que, par arrêt du 20 décembre 1989, la chambre criminelle a désigné la chambre d'accusation de Nancy pour informer sur l'ensemble des faits poursuivis ;
Attendu que le procureur général a requis, le 31 janvier 1990, la chambre d'accusation de se prononcer sur la validité de la procédure dont la régularité était contestée par certains inculpés qui soutenaient notamment que les requêtes en désignation de juridiction avaient été adressées tardivement à la chambre criminelle et qu'une partie de l'information avait été faite par un juge devenu incompétent ; que, par arrêt du 20 février 1990, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy a rejeté les demandes d'annulation des pièces de la procédure ;
Que, sur les pourvois des inculpés C..., Y... et E..., la chambre criminelle, constatant que Jacques C... avait été mis en cause dès le 9 mars 1988, a le 19 juin 1990, cassé ledit arrêt en ses dispositions relatives aux demandeurs et a renvoyé la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar ; qu'en outre elle a, d'office, désigné cette juridiction pour connaître de l'ensemble de l'information ;
Attendu que, la cause ayant été appelée devant la chambre d'accusation de renvoi, certains des inculpés qui ne s'étaient pas pourvus contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy ont soutenu que l'incompétence du juge d'instruction s'étendait à l'ensemble des inculpés et que la procédure devait être annulée à l'égard de tous ; que, par l'arrêt attaqué, la chambre d'accusation a annulé les actes de l'information accomplis par le juge d'instruction à compter du 9 mars 1988 à midi jusqu'à la présentation de la première requête du 13 décembre 1989 par le procureur de la République ; qu'elle a déclaré nuls les actes dérivant des actes ainsi annulés ; qu'elle a dit en outre, en se fondant sur " l'effet relatif de la cassation quant aux parties ", que les actes annulés étaient cependant réputés réguliers à l'égard des inculpés, parties dans la procédure du 20 février 1990, qui ne s'étaient pas pourvus contre l'arrêt cassé, dans toute la mesure où ces actes contiennent des éléments à charge ou à décharge à leur égard et qu'ils devaient en conséquence être maintenus au dossier sans pour autant pouvoir être opposés à Jacques C..., Gérard Y... et Gérard E... qui avaient obtenu leur annulation ; qu'elle a, en conséquence des principes qu'elle a ainsi posés, retiré de la procédure les seuls actes annulés qui ne contiennent pas d'éléments à charge ou à décharge à l'égard des inculpés ne s'étant pas pourvus contre l'arrêt cassé ;
Mais attendu que la chambre d'accusation de Colmar n'était pas seulement saisie, comme cour de renvoi, de la cause antérieurement soumise à la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy ; qu'elle avait aussi été désignée par la chambre criminelle en application des articles 659 et 681 du Code de procédure pénale pour connaître de l'ensemble de l'information ; qu'à ce titre elle avait le devoir de rechercher, d'office, si les prescriptions des articles 681 et 687 dudit Code avaient été respectées, sans pouvoir distinguer entre les inculpés selon qu'ils se fussent ou non pourvus contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait la chambre d'accusation a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés et que la censure est dès lors encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar en date du 8 novembre 1990 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Metz ;
Et vu les articles 659 et 681 du Code de procédure pénale :
DESIGNE ladite chambre d'accusation pour connaître de l'ensemble de l'information.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-80093
Date de la décision : 16/04/1991
Sens de l'arrêt : Cassation et désignation de juridiction
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CRIMES ET DELITS COMMIS PAR DES MAGISTRATS ET CERTAINS FONCTIONNAIRES - Magistrats - préfets ou maires - Désignation de la juridiction - Caractère d'ordre public.

1° MAIRE - Crime ou délit commis dans l'exercice des fonctions - Article 681 du Code de procédure pénale - Dispositions d'ordre public - Inobservation au cours de l'instruction - Effet 1° MAIRE - Crime ou délit commis hors de l'exercice des fonctions - Article 687 du Code de procédure pénale - Dispositions d'ordre public - Inobservation au cours de l'instruction - Effet.

1° Lorsque la mise en cause d'un maire pour des faits commis tant dans l'exercice de ses fonctions que hors de celles-ci intervient au cours d'une information déjà ouverte, le juge d'instruction, devenu, de ce fait, incompétent pour continuer l'information, doit communiquer la procédure au procureur de la République en vue de la désignation d'une juridiction. Tous les actes accomplis par le juge d'instruction entre cette mise en cause et la présentation de la requête en désignation sont frappés d'une nullité substantielle et générale tenant à l'incompétence de ce magistrat, sans qu'il puisse être fait de distinction entre les uns et les autres (1).

2° CASSATION - Juridiction de renvoi - Pouvoirs - Etendue - Chambre d'accusation également désignée en application des articles 659 et 691 du Code de procédure pénale - Devoir de vérifier la régularité de l'information à l'égard de tous les inculpés.

2° CRIMES ET DELITS COMMIS PAR DES MAGISTRATS ET CERTAINS FONCTIONNAIRES - Magistrats - préfets ou maires - Chambre d'accusation désignée par la chambre criminelle - Pouvoirs - Etendue - Chambre d'accusation également désignée comme juridiction de renvoi après cassation - Devoir de vérifier la régularité de l'information à l'égard de tous les inculpés.

2° Lorsque, sur le pourvoi de certains inculpés, est cassé l'arrêt d'une chambre d'accusation qui a refusé d'annuler les actes d'un juge d'instruction, devenu incompétent à la suite de la mise en cause d'un maire pour des faits commis dans l'exercice de ses fonctions et hors cet exercice dans sa circonscription territoriale, et que la chambre d'accusation devant laquelle la cause est renvoyée, est en outre désignée, en application des articles 659 et 691 du Code de procédure pénale, pour suivre l'ensemble de l'information, cette juridiction doit prononcer l'annulation de tous les actes du juge d'instruction accomplis entre ladite mise en cause et l'engagement de la procédure définie aux articles 681 et 687 dudit Code, sans pouvoir limiter l'effet de cette annulation aux seuls inculpés qui se sont pourvus contre l'arrêt cassé (2).


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre d'accusation), 08 novembre 1990

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1979-03-07 , Bulletin criminel 1979, n° 98, p. 277 (annulation et désignation de juges) ;

Assemblée plénière, 1990-05-31 , Bulletin criminel 1990, n° 221, p. 559 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1991-02-12 , Bulletin criminel 1991, n° 68, p. 170 (cassation et règlement de juges). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1979-03-07 , Bulletin criminel 1979, n° 98, p. 277 (annulation et désignation de juges) ;

Assemblée plénière, 1990-05-31 , Bulletin criminel 1990, n° 221, p. 559 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1991-02-12 , Bulletin criminel 1991, n° 68, p. 170 (cassation et règlement de juges).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 avr. 1991, pourvoi n°91-80093, Bull. crim. criminel 1991 N° 181 p. 462
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 181 p. 462

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Dumont
Avocat(s) : Avocats :Mme Luc-Thaler, MM. Parmentier, Choucroy, la SCP Piwnica et Molinié, la SCP Coutard et Mayer, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:91.80093
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