.
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du second degré, que M. Yvon X... a conclu, le 31 janvier 1983, avec les établissements Hens - dépendant de la compagnie Cargill (la société Hens Cargill) un contrat dit " de reprise de dindes à prix déterminé " par lequel il s'engageait à élever et livrer à cette société une quantité convenue de ces volailles, ainsi qu'à respecter le plan d'élevage et le " suivi technique " conseillés par son cocontractant ; qu'après avoir reçu la visite, le 1er février 1983, d'un agent technico-commercial de la société, qui lui a procuré un produit dénommé " Formaldegen " pour désinfecter ses bâtiments d'élevage, il a, le 6 février 1983, en effectuant cette opération à l'aide de panneaux radiants dont la température de fonctionnement est de l'ordre de 800 degrés centigrades, provoqué un incendie dans son poulailler ; que l'expert désigné par le juge des référés a conclu que le sinistre avait pour cause l'utilisation de ce produit par un procédé non prévu par le distributeur, mais que la notice technique de ce produit, si elle attire l'attention sur le danger qu'il présente, ne met pas en garde contre le risque d'incendie et, en particulier, ne souligne pas suffisamment la nécessité de se servir d'un appareil muni d'un limitateur thermique tel que le " Chauformol " ou le " Mini-Chauformol ", indiqué aussi sur les étiquettes, pour réaliser la transformation en gaz des granulés de " Formaldegen " sous l'effet de la chaleur, un tel appareil interdisant de dépasser la température de 280 degrés centigrades ; que M. X... ayant été dédommagé à concurrence de 388 945 francs par son assureur, la caisse mutuelle de réassurance agricole (CMRA) du Finistère et des Côtes-du-Nord, celle-ci a assigné la compagnie Hens-Cargill en paiement de cette somme, tandis que lui-même lui réclamait la somme de 84 189,43 francs correspondant au solde de son préjudice non pris en charge par cette assurance ;
Attendu que la société Hens-Cargill reproche à l'arrêt infirmatif attaqué (Rennes, 27 octobre 1987) de l'avoir condamnée à payer ces sommes à la CMRA et à M. X..., au motif qu'elle a manqué à son obligation de conseil résultant du contrat du 31 janvier 1983, alors, selon le moyen, d'une part, que l'obligation de conseil a un caractère relatif et dépend de ce que le débiteur sait ou doit savoir, qu'en l'espèce, le fait que le fabricant du produit à l'origine de l'incendie n'ait pas mentionné, sur ses étiquettes, les caractéristiques exactes de ce produit et notamment son extrême inflammabilité, et que le distributeur du produit ne connaissait pas lui-même ces caractéristiques, ne lui permettait pas, alors qu'elle est uniquement spécialisée dans les problèmes d'élevage et non dans la revente de produits dangereux, de savoir que le " Formaldegen " qu'elle aurait préconisé à l'éleveur présentait un risque pour ce dernier ; que, dès lors, ne connaissant pas les dangers que pouvait présenter ce produit, elle n'a commis aucune faute en n'attirant pas l'attention de M. X... sur le risque d'incendie que comportait le chauffage des granulés et qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en ayant volontairement utilisé le désinfectant sans prendre
les précautions préconisées pour son emploi par le fabricant, M. X... a commis une imprudence fautive de nature à exonérer son cocontractant de toute responsabilité dans la réalisation du sinistre et qu'en décidant néanmoins que M. X... n'avait commis aucune négligence ou imprudence, la cour d'appel a violé de nouveau les dispositions de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que, les juges du second degré ont relevé que le produit litigieux avait été préconisé à M. X... par un préposé de la compagnie Hens-Cargill dans le cadre du plan d'élevage et du " suivi technique " prévus par le contrat du 31 janvier 1983 ; qu'ils ont pu en déduire qu'il incombait à la compagnie Hens-Cargill, spécialiste des problèmes d'élevage, de s'assurer que les produits qu'elle conseillait à l'éleveur ne présentaient pas de risque pour ce dernier, et que le fait que le fabricant n'ait pas, sur ses étiquettes, mentionné l'extrême inflammabilité du gaz, n'était donc pas de nature à dégager sa responsabilité contractuelle ; qu'elle a pu également estimer qu'aucune négligence ou imprudence dans les conditions d'utilisation du produit litigieux n'était établie à l'encontre de M. X... qui ignorait les risques inhérents à son emploi ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi