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25/03/1991 | FRANCE | N°89-12267

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 mars 1991, 89-12267


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Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Dijon, 25 novembre 1987) que M. X..., commerçant-forain, n'a pas versé de taxe sur la valeur ajoutée sur les ventes par lui effectuées de 1978 à 1982 ; qu'une perquisition à son domicile le 2 novembre 1982 a révélé qu'il ne tenait aucune comptabilité et effectuait des achats sans facture ; que l'administration des Impôts a émis des avis de mise en recouvrement et tenté diverses mesures d'exécution restées sans effet ; que, par acte notarié du 11 janvier 1983, les époux X... ont donné à leur fille la nue-propriété d'un i

mmeuble leur appartenant ; que l'administration des Impôts a assigné les épou...

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Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Dijon, 25 novembre 1987) que M. X..., commerçant-forain, n'a pas versé de taxe sur la valeur ajoutée sur les ventes par lui effectuées de 1978 à 1982 ; qu'une perquisition à son domicile le 2 novembre 1982 a révélé qu'il ne tenait aucune comptabilité et effectuait des achats sans facture ; que l'administration des Impôts a émis des avis de mise en recouvrement et tenté diverses mesures d'exécution restées sans effet ; que, par acte notarié du 11 janvier 1983, les époux X... ont donné à leur fille la nue-propriété d'un immeuble leur appartenant ; que l'administration des Impôts a assigné les époux X... en annulation de l'acte, en vertu de l'article 1167 du Code civil, et que le Tribunal a déclaré inopposable à l'administration des Impôts l'acte de donation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'avoir confirmé cette décision, bien que l'action ait été intentée et suivie en appel par le directeur général des Impôts, représenté par le directeur des services fiscaux de la Côte-d'Or, alors, selon le pourvoi, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 122 et 125 du nouveau Code de procédure civile et des articles L. 252 et L. 267 du Livre des procédures fiscales que le comptable chargé du recouvrement de la TVA, et le seul représentant de l'Etat ayant qualité pour agir à cet effet, est le directeur des services fiscaux, à l'exclusion du directeur général des Impôts, représenté ou non par ce directeur, cependant, que ce défaut de qualité constitue une fin de non-recevoir qui doit être relevée d'office à raison de son caractère d'ordre public ;

Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt et de ses conclusions produites le 21 mai 1987 qu'au moment où les juges du second degré ont statué, le receveur des Impôts de Beaune personnellement exerçait au nom de l'Etat l'action qui lui était confiée comme seul il avait qualité pour le faire, l'indication qu'il était soumis à l'autorité hiérarchique du directeur régional et du directeur général des Impôts étant sans influence sur sa qualité à agir ; que, dès lors, la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir invoquée avait disparu au sens de l'article 126 du nouveau Code de procédure civile et n'avait pas à être soulevée d'office ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré inopposable à l'administration des Impôts la donation consentie à leur fille, au motif qu'il n'était pas nécessaire que l'Administration ait une créance liquide, certaine et exigible, alors, selon le pourvoi, que la direction des services fiscaux, chargée du recouvrement des créances fiscales, a qualité, lorsqu'elle poursuit le recouvrement d'une créance fiscale, pour exercer l'action paulienne ; que l'action paulienne est en ce cas la mise en oeuvre d'un acte d'exécution, ce qui implique que l'administration fiscale ait un titre exécutoire ; que M. X... ayant, dans ses conclusions, fait état de la demande de dégrèvement adressée à la direction des services fiscaux et du caractère litigieux de la créance, la cour d'appel ne pouvait pas, sans répondre à ce moyen, décider que la créance était certaine dans son principe, violant les articles 1167 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il n'est pas nécessaire, pour que l'action paulienne puisse être exercée, que la créance dont se prévaut le demandeur ait été certaine ni exigible au moment de l'acte argué de fraude et qu'il suffit que le principe de la créance ait existé avant la conclusion dudit acte par le débiteur ; que la créance de taxe sur la valeur ajoutée de l'administration des Impôts prend naissance, par l'effet de la loi, à la date du fait générateur et non à celle de la constatation et de la liquidation de l'impôt ; qu'en retenant ces règles et en relevant que la créance de taxe sur la valeur ajoutée invoquée par le receveur des Impôts correspondait à un impôt non payé pendant la période comprise entre le 1er avril 1978 et le 31 décembre 1982, d'où il suivait qu'elle avait pris naissance avant l'acte de donation du 11 janvier 1983, la cour d'appel, répondant en les écartant aux conclusions invoquées, loin de violer l'article 1167 du Code civil, en a fait l'exacte application ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen : (sans intérêt) ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les époux X... font enfin grief à l'arrêt d'avoir déclaré l'acte de donation inopposable au Trésor public, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel ayant constaté que M. X... avait manifesté l'intention de gratifier sa fille le 21 septembre 1982 ; qu'après la visite domiciliaire du 2 novembre 1982, M. X... ne pouvait pas ignorer que l'attention de l'administration fiscale serait attirée sur sa situation, elle ne pouvait pas, sans contradiction dans les faits, décider que, dès le 21 septembre 1982, M. X... savait qu'il aurait un redressement et que l'acte de donation avait pour but d'empêcher l'administration fiscale de recouvrer sa créance, violant les articles 1167 du Code civil, 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors que, d'autre part, et précisément, la cour d'appel a commis cette contradiction dans les faits pour pouvoir rendre une décision inconciliable, voire incompatible avec le jugement passé en force de chose jugée, en date du 1er octobre 1985, lequel avait décidé qu'en raison du rapprochement de la date à laquelle M. X... avait eu l'intention de gratifier sa fille et la date de la première visite domiciliaire, il ne pouvait y avoir de fraude, d'où il suit que la

cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que la fraude paulienne résulte de la seule connaissance que le débiteur a du préjudice causé à son créancier par l'acte litigieux ; que c'est donc sans contradiction que la cour d'appel a estimé que la fraude était établie et a retenu qu'il importait peu que M. X... ait manifesté son intention libérale dès le 21 septembre 1982, les créances fiscales ayant une origine antérieure ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt relève, hors toute contradiction, que le jugement du 1er octobre 1985 concernait un impôt de nature différente, faisant ainsi apparaître un défaut d'identité de cause des deux actions intentées au nom de l'Etat, dès lors que la fraude paulienne invoquée par le receveur faisait échec à une créance différente de celle dont il avait été fait état dans la précédente instance ; qu'en l'état de ce seul motif, le Tribunal a pu décider que le jugement du 1er octobre 1985 n'avait pas autorité de chose jugée dans le litige qui lui était soumis ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 89-12267
Date de la décision : 25/03/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° PROCEDURE CIVILE - Fin de non-recevoir - Action en justice - Irrecevabilité - Cause ayant disparu au moment du jugement.

1° IMPOTS ET TAXES - Recouvrement (règles communes) - Action en justice - Action engagée par le Directeur général des Impôts - Intervention ultérieure du receveur territorialement compétent - Portée 1° ACTION EN JUSTICE - Qualité - Défaut de qualité - Fin de non-recevoir - Personne ayant qualité devenant partie à l'instance 1° ACTION EN JUSTICE - Qualité - Impôts et taxes - Recouvrement - Comptable du Trésor - Intervention du receveur des Impôts chargé du recouvrement dans une action engagée par le Directeur général des Impôts - Portée 1° ACTION PAULIENNE - Demandeur - Créancier - Taxe sur la valeur ajoutée - Comptable du Trésor chargé du recouvrement - Receveur - Percepteur.

1° La fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du Directeur général des Impôts ayant disparu au sens de l'article 126 du nouveau Code de procédure civile n'a pas à être soulevée d'office ; il en est ainsi lorsqu'il résulte des conclusions produites qu'au moment où les juges ont statué, le receveur des Impôts personnellement exerçait au nom de l'Etat l'action qui lui était confiée, l'indication qu'il était soumis à l'autorité hiérarchique du directeur régional et du directeur général des Impôts étant sans influence sur sa qualité à agir.

2° IMPOTS ET TAXES - Taxe sur la valeur ajoutée - Fait générateur - Antériorité à la donation arguée de fraude - Portée - Possibilité d'exercer l'action paulienne.

2° ACTION PAULIENNE - Conditions - Antériorité de la créance - Créance existant dans son principe - Condition suffisante 2° ACTION PAULIENNE - Conditions - Antériorité de la créance - Créance non liquide - Absence d'influence.

2° La créance de taxe sur la valeur ajoutée de l'administration des Impôts prenant naissance par l'effet de la loi à la date du fait générateur et non à celle de la constatation et de la liquidation de l'impôt, l'action paulienne pouvant être exercée dès lors que le principe de la créance existe avant la conclusion de l'acte argué de fraude par le débiteur, la cour d'appel fait une exacte application de l'article 1167 du Code civil en retenant ces règles et en relevant que la créance de TVA invoquée par le receveur correspondait à un impôt non payé entre 1978 et 1982, ayant donc pris naissance avant l'acte de donation du 11 janvier 1983.

3° ACTION PAULIENNE - Conditions - Fraude - Connaissance par le débiteur du préjudice causé au créancier.

3° FRAUDE - Action paulienne - Connaissance par le débiteur du préjudice causé au créancier.

3° La fraude paulienne résulte de la seule connaissance que le débiteur a du préjudice causé à son créancier par l'acte litigieux, peu important qu'il ait manifesté son intention libérale à une certaine date, les créances fiscales ayant une origine antérieure.

4° CHOSE JUGEE - Identité de cause - Impôts et taxes - Décision concernant une imposition - Action nouvelle en concernant une autre (non).

4° N'a pas autorité de chose jugée dans un litige le jugement concernant un impôt de nature différente, ceci entraînant un défaut d'identité de cause des deux actions intentées au nom de l'Etat, d'où il suit que la fraude paulienne invoquée par le receveur des Impôts faisait échec à une créance différente de celle dont il avait été fait état dans l'instance précédente.


Références :

CGI L252, L267
Code civil 1167
nouveau Code de procédure civile 126

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 25 novembre 1987

DANS LE MEME SENS : (1°). Chambre commerciale, 1988-06-28 , Bulletin 1988, IV, n° 224, p. 154 (rejet). A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1979-11-28 , Bulletin 1979, IV, n° 316, p. 249 (rejet) ; Chambre civile 1, 1988-04-13 , Bulletin 1988, I, n° 91 (1), p. 61 (rejet), et les arrêts cités. (3°). Chambre civile 1, 1988-04-13 , Bulletin 1988, I, n° 91 (2), p. 61 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 mar. 1991, pourvoi n°89-12267, Bull. civ. 1991 IV N° 119 p. 83
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1991 IV N° 119 p. 83

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Defontaine
Avocat général : Avocat général :M. Jéol
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Vigneron
Avocat(s) : Avocats :MM. Garaud, Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:89.12267
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