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Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la willaya d'Alger a confié à la société Chantiers modernes les travaux d'aménagement des infrastructures de l'aérodrome international de cette ville ; que, pour garantir la bonne exécution du marché, les Chantiers modernes ont souscrit auprès de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE) une " police individuelle d'assurance crédit " couvrant, outre le " risque de crédit ", le " risque de fabrication " défini, dans l'article 1 des conditions générales, comme étant " l'empêchement pour l'assuré de poursuivre l'exécution de ses obligations contractuelles et notamment, la fabrication des fournitures qui lui ont été commandées, pour autant que cet empêchement provienne directement et exclusivement de l'un des faits énumérés à l'article 2 " ; que, parmi ces faits générateurs des " sinistres de fabrication et de crédit ", figurait notamment " la carence pure et simple du débiteur " ; qu'à la suite de difficultés survenues au cours de l'exécution des travaux et dont elle imputait la responsabilité exclusive à la willaya d'Alger, les Chantiers modernes ont assigné la COFACE en indemnisation du préjudice qu'ils avaient subi du fait, en particulier, de l'immobilisation de leur personnel et de leur matériel sur le chantier pendant la période où ils avaient suspendu leur activité ; que la COFACE a répliqué que les difficultés rencontrées par cette société ne constituaient pas un fait générateur de sinistre ; qu'elle a invoqué l'article 10 des conditions générales qui stipulent que " les pertes subies pas l'assuré ne peuvent donner lieu à indemnisation que dans la mesure où elles résultent de la réalisation, régulièrement constatée, de l'un des risques couverts et pour autant que le débiteur n'a pas légitimement élevé une contestation quant au montant ou à la validité des droits ou créances de l'assuré. S'il y a contestation, la compagnie peut différer l'indemnisation jusqu'à ce que la contestation ait été tranchée soit par une décision de l'instance prévue au contrat garanti lorsque celle-ci est une de celles agréées par la compagnie ou qu'elle a été acceptée par elle, soit, à défaut, par une décision de justice ayant reçu force exécutoire dans le pays du débiteur " ; que l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 1988) a estimé que la willaya d'Alger ayant élevé une contestation sur les responsabilités encourues par les parties dans l'exécution du marché et sur le montant et l'exigibilité de la créance alléguée, c'était au juge compétent aux termes de la convention conclue entre l'assuré et le débiteur, donc, en l'espèce, aux tribunaux algériens, qu'incombait l'appréciation du caractère légitime de la contestation, la COFACE étant fondée à différer, en l'état, l'indemnisation des Chantiers modernes ; que la cour d'appel a, par suite, sursis à statuer jusqu'à ce qu'un accord amiable ou une décision judiciaire revêtue de l'autorité de la chose jugée soit intervenue dans le litige opposant la willaya d'Alger à son cocontractant ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Chantiers modernes reproche à la cour d'appel d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 432-24 du Code des assurances, le risque politique est réalisé, pour les opérations d'exportation traitées avec une administration publique, lorsque l'acheteur ne s'est pas acquitté de sa dette et que le non-paiement n'est pas dû à l'inexécution des clauses et conditions du contrat ; qu'en subordonnant la garantie de la COFACE non seulement à la réalisation de l'un des risques définis par la police et provenant de faits générateurs non prévus par le texte réglementaire, mais aussi à l'absence de contestation légitimement élevée par le débiteur algérien quant au montant et à la validité des droits ou créances de l'assuré, la cour d'appel a violé le texte précité ; alors, d'autre part, qu'en cas de réalisation du risque politique, l'indemnité d'assurance doit être versée, selon l'article A 432-4 du même code, six mois après la réception de la déclaration de sinistre ; qu'en faisant application de la faculté prévue par la police en faveur de la COFACE de différer le paiement de l'indemnité, en cas de contestation, jusqu'à la décision de l'instance désignée par le contrat ou, à défaut, jusqu'à une décision de justice ayant reçu force exécutoire dans le pays du débiteur, la cour d'appel a violé les articles R. 432-24 et A. 432-4 précités ; alors, enfin, qu'il appartient au juge du contrat d'assurance de se prononcer sur le bien-fondé de la demande en paiement de l'indemnité d'assurance au regard des textes réglementaires définissant les risques que la COFACE doit garantir dans le cadre de sa mission de gestion du service public de l'assurance-crédit ; qu'en énonçant qu'il appartenait au juge algérien d'apprécier l'une des conditions de mise en oeuvre de la garantie prévues par la police, à savoir le caractère légitime de la contestation élevée par le débiteur, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé à nouveau l'article R. 432-24 précité ;
Mais attendu, sur les deux premiers griefs qui sont de pur droit et donc recevables, qu'en énonçant que la mise en jeu de la garantie de la COFACE supposait, non seulement, la réalisation régulièrement constaté de l'un des risques couverts par l'assurance, mais aussi, l'absence de contestation légitimement élevée par le débiteur sur le montant ou la validité des droits ou créances de l'assuré, la compagnie pouvant, en cas de contestations, différer l'indemnisation jusqu'à la décision de l'instance désignée par le contrat garanti ou, à défaut, jusqu'à une décision judiciaire ayant reçu force exécutoire dans le pays du débiteur, la cour d'appel n'a fait qu'appliquer, ainsi qu'elle était tenue de le faire, les clauses des conditions générales de la police d'assurance qui, loin d'être contraires aux dispositions d'ordre public des articles R. 432-24 et A. 432-4 du Code des assurances, en précisaient les modalités d'application conformément à la possibilité qui leur en était offerte par les articles R. 432-13, R. 432-47 et A. 432-1 du même Code ; que, sur le troisième grief, en considérant qu'il résultait de ces mêmes clauses que c'était aux juridictions algériennes désignées d'un commun accord par les parties au contrat pour trancher les litiges pouvant survenir entre elles qu'il appartenait d'apprécier le caractère légitime de la
contestation survenue entre la willaya d'Alger et les Chantiers modernes, la cour d'appel, qui n'a fait que surseoir à statuer sur la demande jusqu'à ce que cette question préjudicielle soit tranchée, selon la procédure prévue par les stipulations combinées de la police d'assurance et de la convention conclue par l'assuré lui-même et son client algérien, n'a pas méconnu l'étendue de ses pouvoirs ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;
Mais sur le moyen de pur droit relevé dans les conditions prévues à l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile, après avoir recueilli les observations des avocats des parties ;
Vu l'article 1153, alinéa 3 du Code civil ;
Attendu que l'arrêt attaqué condamne la société Chantiers modernes à rembourser à la COFACE, avec intérêts au taux légal à compter du 3 juin 1988, la provision de 100 000 000 francs qui lui a été versée en exécution de l'ordonnance de référé du 20 avril 1988 infirmée par un arrêt distinct du 9 novembre 1988 ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la société Chantiers modernes, qui détenait en vertu d'un titre exécutoire le montant de la condamnation prononcée à son profit, ne pouvait être tenue, après la disparition de son titre, qu'à la restitution selon les principes énoncés à l'article 1153, alinéa 3, du Code civil et qu'en faisant courir les intérêts moratoires à compter d'une date antérieure à celle de la sommation de payer, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé au 3 juin 1988 le point de départ des intérêts au taux légal de la somme de 100 000 000 francs à rembourser à la COFACE, l'arrêt rendu le 9 novembre 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles