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19/03/1991 | FRANCE | N°90-86987

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 mars 1991, 90-86987


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- le procureur général près la cour d'appel de Reims,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de ladite cour d'appel, en date du 3 octobre 1990, qui, dans la procédure suivie contre Guy X..., Josette Y..., Marc Z... et René A... des chefs de corruption active et passive de fonctionnaires ainsi que de délivrance et obtention indue de faux certificats, a annulé des actes de l'information et a renvoyé le dossier de la procédure au juge d'instruction.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle en date du 28 janvie

r 1991 prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produi...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- le procureur général près la cour d'appel de Reims,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de ladite cour d'appel, en date du 3 octobre 1990, qui, dans la procédure suivie contre Guy X..., Josette Y..., Marc Z... et René A... des chefs de corruption active et passive de fonctionnaires ainsi que de délivrance et obtention indue de faux certificats, a annulé des actes de l'information et a renvoyé le dossier de la procédure au juge d'instruction.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle en date du 28 janvier 1991 prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit en demande et les mémoires en défense ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 81 et 151 du Code de procédure pénale :
" en ce que la chambre d'accusation a prononcé la nullité de la commission rogatoire du 8 juin 1989 prescrivant la mise sous écoutes de la ligne téléphonique attribuée à Guy X...;
" aux motifs que les écoutes téléphoniques ont été ordonnées dans le cadre d'une information ouverte du chef de faux et usage de faux et qu'un tel délit ne saurait constituer une infraction d'une gravité telle que l'atteinte qu'elle porte à l'ordre public justifie le recours à ce procédé ;
" alors que la notion de gravité ou d'atteinte à l'ordre public s'entend non seulement de la qualification juridique qui peut recouvrir des faits d'importance très inégale, mais aussi des éléments matériels et des circonstances concrètes propres à l'affaire considérée ; qu'en se référant uniquement à la qualification, sans s'attacher aux faits qu'elle recouvrait, et sans rechercher si ces faits ne présentaient pas, en la présente espèce, un risque certain pour le négoce européen et pour la salubrité d'animaux destinés à la consommation humaine, et donc un péril caractérisé pour l'ordre public, la cour d'appel a fait une application erronée des notions de " gravité " et " d'atteinte à l'ordre public " et n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'informé par le Parquet de Clermont-Ferrand qu'un négociant en bestiaux de la Loire aurait eu recours aux services de Guy X..., négociant en bestiaux dans les Ardennes, pour obtenir des certificats sanitaires irréguliers lui permettant d'exporter des bovins en Italie, le procureur de la République de Charleville a, le 22 mai 1989, ouvert une information des chefs de faux en écriture et usage de faux contre personne non dénommée ;
Que le 8 juin 1989 le juge d'instruction a donné commission rogatoire au service régional de police judiciaire de Reims en prescrivant la mise sous écoutes de la ligne téléphonique attribuée à Guy X... ; que ces écoutes ont révélé que ce dernier se procurait des certificats sanitaires auprès de vétérinaires, fonctionnaires de la direction de l'agriculture du département des Ardennes, qui les délivraient sans avoir procédé aux vérifications sanitaires, et que plusieurs milliers de bovins avaient été ainsi exportés en Italie et en Belgique, sans contrôle vétérinaire, par plusieurs négociants en relation avec Guy X... ;
Que le 13 septembre 1989 le procureur de la République de Charleville a délivré un réquisitoire supplétif tendant à l'inculpation, d'une part, de X...et de son épouse pour corruption active de fonctionnaires et obtention indue de documents administratifs et, d'autre part, des fonctionnaires en cause pour corruption passive et délivrance de faux certificats ;
Attendu que le juge d'instruction ayant saisi la chambre d'accusation, en application de l'article 171 du Code de procédure pénale, aux fins de statuer sur la validité de la commission rogatoire précitée, cette juridiction, pour prononcer l'annulation de cet acte et de ceux qui en découlaient, relève d'abord que le vaste trafic de vente de bétail à l'étranger sous le couvert de documents sanitaires certifiant l'existence de vérifications sur les animaux exportés qui n'auraient pas été effectuées était " à l'origine d'un trouble d'autant plus grave " qu'il s'est déroulé sur une grande échelle " et que la perturbation... ainsi causée à l'ordre public est d'autant plus importante que des fonctionnaires... se trouvent impliqués " ;
Qu'elle énonce ensuite que, néanmoins, les inculpations de corruption et de délivrance ou obtention de faux certificats n'ont été notifiées aux intéressés que le 13 septembre 1989 alors que le juge d'instruction, lorsqu'il avait donné commission rogatoire, n'était saisi que d'une information suivie contre personne non dénommée des chefs de faux et usage de faux et que ces délits ne constituent pas une infraction d'une gravité telle que l'atteinte qu'elle porte à l'ordre public justifie le recours aux écoutes téléphoniques ;
Mais attendu que, s'il est vrai que les écoutes et enregistrements téléphoniques qui trouvent leur fondement dans les articles 81 et 151 du Code de procédure pénale ne peuvent être effectués sur l'ordre d'un juge qu'en vue d'établir la preuve d'un crime ou de toute autre infraction portant gravement atteinte à l'ordre public, la gravité de cette atteinte doit s'apprécier en fonction des éléments de l'espèce ; qu'en se déterminant comme elle a fait, par une référence purement abstraite à l'infraction de faux en écritures poursuivie, au lieu d'analyser les faits ainsi qualifiés et de rechercher quelle était la gravité de l'atteinte portée par ces faits à l'ordre public, la chambre d'accusation a privé son arrêt de base légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen proposé :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Reims en date du 3 octobre 1990 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 90-86987
Date de la décision : 19/03/1991
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHAMBRE D'ACCUSATION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de la procédure - Ecoutes téléphoniques - Condition - Infraction portant gravement atteinte à l'ordre public - Décision motivée d'après les éléments de l'espèce - Nécessité

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance - Ecoutes téléphoniques - Condition - Infraction portant gravement atteinte à l'ordre public - Décision motivée d'après les éléments de l'espèce - Nécessité

Encourt la censure l'arrêt d'une chambre d'accusation qui, pour annuler les écoutes téléphoniques ordonnées par le juge d'instruction saisi d'une information du chef de faux en écritures et usage de faux, se borne à énoncer que ces délits ne sont pas d'une gravité telle que l'atteinte qu'ils portent à l'ordre public justifie le recours aux écoutes téléphoniques, au lieu de rechercher quelle était l'atteinte réellement portée à l'ordre public par les faits ainsi qualifiés et qu'il lui appartenait d'analyser (1).


Références :

Code de procédure pénale 81, 151, 593
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims (chambre d'accusation), 03 octobre 1990

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1990-11-26 , Bulletin criminel 1990, n° 401, p. 1008 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 mar. 1991, pourvoi n°90-86987, Bull. crim. criminel 1991 N° 133 p. 337
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 133 p. 337

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Lecocq
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Dumont
Avocat(s) : Avocats :MM. Blondel et Vuitton

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:90.86987
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