.
Attendu selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 octobre 1988) que M. X... et la société Armement Claude X... (la société X...) ont assigné la société Chevannes Merceron Ballery (la société Chevannes) en réparation des désordres survenus au moteur de leur chalutier ; que la société Chevannes s'est opposée à la demande en invoquant l'apport, par voie de scission, de sa branche d'activité relative à la mécanique navale, à la société Diesel Marine Bretagne (la société DMB) ; qu'au cours de l'instance, celle-ci a été mise en liquidation des biens, tandis qu'intervenaient, successivement, la compagnie d'assurances générales de France (les AGF), assureur des sociétés Chevannes et DMB, les sociétés d'assurances mutuelles de l'armement à la pêche (la société SAMAP) et d'assurances mutuelles Bretagne-Océan (la société SAMBO), assureurs communs de la société X... ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Chevannes Merceron Ballery reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer des dommages-intérêts à M. X... et à la société X..., alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel qui a reconnu que, par un traité de scission régulièrement autorisé et publié, la société Chevannes s'était séparée de sa branche d'activité de mécanique navale au profit de la société Diesel Marine Bretagne, régulièrement immatriculée au registre du commerce et qui avait pris en charge tout le passif de la précédente exploitation, et qui n'a pas constaté l'absence d'autonomie de leurs administrations réciproques, a, en statuant comme elle a fait, violé par refus d'application les articles 1842 du Code civil et 5 de la loi du 24 juillet 1966 ; alors, d'autre part, qu'en se fondant exclusivement sur l'emplacement d'un siège social, sur quelques aspects matériels de l'exploitation et sur la personnalité des associés, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé la faute qui aurait pu caractériser l'existence d'une communauté d'intérêts entre les sociétés Chevannes et Diesel Marine Bretagne, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; et alors, enfin, qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société Chevannes, qui faisaient valoir que M. X... et la société X... ne pouvaient se prévaloir de la théorie de l'apparence, réservée aux tiers de bonne foi qui avaient pu être trompés, quant aux réalités juridiques existantes, ni invoquer une communauté d'intérêts ou une unité d'entreprise, alors qu'ils avaient été dûment informés du transfert et de ses conséquences, et l'avaient admis en traitant directement avec la société Diesel Marine Bretagne, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que si par traité de scission du 16 juin 1981 la société Chevannes s'était séparée de sa branche d'activité relative à la mécanique navale et en avait fait apport, tant pour l'actif que pour le passif, à la société DMB créée au même moment à cette fin et qu'il n'était pas douteux que les deux sociétés étaient juridiquement distinctes, l'arrêt relève par motifs propres que le lieu d'exploitation de l'activité de mécanique navale était resté inchangé, la société DMB ayant son siège dans une partie des locaux industriels et commerciaux, étroitement imbriqués et formant un ensemble immobilier unique, restant à appartenir à la société Chevannes et constituant pareillement son siège social ; que l'enseigne générale était demeurée au nom de Chevannes, Marceron, Ballery sur les bâtiments et que les deux sociétés avaient les mêmes numéros de télex et de téléphone, leur papier commercial portant également un emblème identique et le sigle, formé des trois initiales de leur nom, y étant disposé pareillement à la seule différence d'une lettre (D au lieu de C) ; et par motifs adoptés, que la circulaire adressée par la société Chevannes au moment de la création de la société DMB informait sa clientèle des " changements intervenus dans ses structures mais que les interlocuteurs restaient les mêmes que par le passé ", faisant ainsi ressortir que la société Chevannes avait laissé croire qu'elle participait étroitement aux activités de sa filiale dont l'absence d'autonomie était ainsi soulignée ; qu'ayant, par là même, caractérisé la faute de la société Chevannes dans la réalisation des prestations litigieuses, la cour d'appel, répondant en les écartant, aux conclusions invoquées, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Chevannes Merceron Ballery reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer certaines sommes aux sociétés SAMAP et SAMBO, alors, selon le pourvoi, que la cour d'appel ne pouvait affirmer que l'interruption de la prescription de l'action de la société X... et de M. X..., résultant de l'assignation du 16 juillet 1981, bénéficiait à leurs assureurs subrogés qui n'ont formé leurs demandes que par voie de conclusions signifiées en juillet 1988 sans rechercher la date à laquelle s'est opérée cette subrogation et sans vérifier si elle n'était pas antérieure à l'assignation délivrée en juillet 1981 par les assurés qui n'ont dès lors pu qu'agir en leur nom personnel ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 8 et 9 de la loi du 3 juillet 1967 ;
Mais attendu qu'aucune disposition n'oblige le subrogé à faire valoir les droits qu'il a acquis et qu'il peut laisser exercer par le subrogeant ; qu'ayant relevé que la société X... avait demandé la réparation intégrale de son préjudice dont une partie lui revenait directement et le surplus à ses assureurs, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche qu'il lui est reproché d'avoir omise, a considéré que l'effet interruptif de prescription de l'action du subrogeant s'étendait aux assureurs subrogés dans ses droits ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la société Chevannes Merceron Ballery reproche enfin à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer aux sociétés SAMAP et SAMBO des indemnités assorties d'intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 1981, date de l'assignation, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'indemnité destinée à réparer un préjudice de nature tant contractuelle que délictuelle ne peut produire des intérêts que du jour où elle est judiciairement constatée ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1153 du Code civil et par refus d'application l'article 1153-1 du Code civil ; et alors, d'autre part, que si les juges du fond peuvent allouer les intérêts d'une indemnité réparatrice d'un dommage, à compter d'une date antérieure à celle de leur décision, c'est à la condition de justifier cette attribution complémentaire ; que la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1153-1 du Code civil ;
Mais attendu qu'en fixant à la date de l'assignation le point de départ des intérêts litigieux, la cour d'appel n'a fait qu'user de la faculté remise à sa discrétion par la loi ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi