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04/01/1991 | FRANCE | N°90-80218

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 janvier 1991, 90-80218


CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Christine, veuve Y...,
- Z... Colette, veuve A...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, du 19 décembre 1989, qui, dans la procédure suivie contre Alain B... pour homicides involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Colette Z..., veuve A... et pris de la violation de l'article 29 de la loi du 5 jui

llet 1985 :
" en ce que l'arrêt attaqué a admis la Caisse nationale de retraite d...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Christine, veuve Y...,
- Z... Colette, veuve A...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, du 19 décembre 1989, qui, dans la procédure suivie contre Alain B... pour homicides involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Colette Z..., veuve A... et pris de la violation de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 :
" en ce que l'arrêt attaqué a admis la Caisse nationale de retraite des ouvriers du bâtiment et des travaux publics (CNRO), institution de prévoyance visée par l'article L. 731-1 (anciennement article L. 4) du Code de la sécurité sociale, à exercer, à raison des prestations versées par elle à la veuve de la victime, un recours sur l'indemnité mise à la charge du tiers responsable d'un accident de la circulation ;
" au motif que cette caisse est un " organisme social " auquel les salariés concernés " sont affiliés obligatoirement, en vertu des conventions collectives " ;
" alors que sont seuls admis à exercer un tel recours les " organismes, établissements et services gérant un régime de sécurité sociale " auquel la loi attache un caractère obligatoire " ;
Et sur le moyen unique de cassation proposé pour Christine X..., veuve Y..., et pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 29 de la loi du 5 juillet 1985 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a fixé le préjudice économique de Mme Y... à la somme de 272 009 francs et a dit qu'en raison des créances de la CNRO et de la CPAM aucune indemnité complémentaire ne pouvait être accordée à Mme Y... ;
" aux motifs que, d'une part, la Caisse nationale de retraite des ouvriers du bâtiment et des travaux publics, à laquelle sont affiliés obligatoirement, en vertu des conventions collectives, les salariés du bâtiment et des travaux publics, en vue de la constitution de leurs pensions de retraite, est un organisme social, au sens de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 ; que les pensions de retraite des salariés et les pensions de réversion servies aux conjoints survivants, par cet organisme, doivent être prises en considération pour l'évaluation des préjudices et déduits de l'indemnisation ; qu'en effet, tant les capitaux-décès que les capitaux constitutifs des rentes versées aux conjoints survivants contribuent à la réparation du préjudice causé par le décès des victimes ;
" alors que, d'une part, n'est pas indemnitaire la prestation servie à une veuve à l'âge normal de la retraite par la caisse de retraite à laquelle cotisait son mari mortellement blessé dans un accident de la circulation et qu'en conséquence la pension ainsi servie ne saurait être prise en compte pour le calcul du préjudice économique subi par la veuve ; que la Cour, en tenant compte pour le calcul du préjudice économique subi par la demanderesse des prestations versées à celle-ci par la caisse de retraite de son mari et en déduisant celles-ci de l'indemnisation du préjudice économique, a violé les textes visés au moyen ;
" aux motifs que, d'autre part, la perte de revenus annuelle de 92 625 francs alléguée et la capitalisation subséquente de 1 139 287 francs n'est fondée que sur une hypothétique progression de revenus, qui ne peut être retenue dans la mesure où l'indemnisation doit réparer un préjudice direct et certain ;
" alors que, d'autre part, le dommage éventuel doit être indemnisé lorsque l'événement duquel il dépend est d'ores et déjà certain au jour où le juge statue ; qu'en l'espèce, la progression des revenus de M. Y... résultant d'une attestation de son employeur était un fait d'ores et déjà acquis, dont les juges devaient tenir compte pour évaluer le préjudice économique de Mme Y... ; que la Cour, en écartant l'augmentation de revenus de M. Y... comme hypothétique, n'a pas suffisamment motivé sa décision ;
" aux motifs enfin que les ressources propres provenant de l'activité professionnelle de Mme Y... doivent être prises en considération pour déterminer le préjudice économique qu'elle subit et qui doit être fixé à la somme de 272 009 francs déduction faite de la capitalisation de ses revenus jusqu'à la date où elle bénéficiera elle-même d'une pension de retraite, à l'âge de 60 ans ;
" alors qu'enfin le préjudice économique subi par la veuve est indépendant des revenus de l'activité personnelle de celle-ci exercée postérieurement au décès de son mari ; qu'en l'espèce, la Cour, en retenant pour évaluer le préjudice économique de Mme Y... les salaires perçus par celle-ci postérieurement au décès de M. Y..., a violé l'article 1382 du Code civil " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 33 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que, pour la détermination de l'indemnité complémentaire éventuellement due à la victime d'un accident ou à ses ayants droit, seules doivent être imputées sur l'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime ou le préjudice patrimonial des ayants droit les prestations versées par des tiers payeurs et qui ouvrent droit, au profit de ceux-ci, à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ;
Attendu qu'appelée à se prononcer sur le préjudice économique des veuves de Jacques Y... et de Vincent A..., décédés à la suite d'un accident de la circulation survenu le 11 décembre 1987, dont Alain B..., reconnu coupable d'homicides involontaires, a été déclaré entièrement responsable, la juridiction du second degré impute sur le préjudice patrimonial des deux veuves, pour le calcul des indemnités complémentaires leur revenant, le montant des sommes qu'elles ont reçues de la Caisse nationale de retraite des ouvriers du bâtiment et des travaux publics (CNRO) ;
Attendu que, pour se déterminer ainsi, les juges retiennent que la CNRO, " à laquelle sont affiliés obligatoirement, en vertu des conventions collectives, les salariés du bâtiment et des travaux publics, en vue de la constitution de leurs pensions de retraite, est un organisme social au sens de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 " et que " tant les capitaux-décès, que les capitaux constitutifs des rentes versées aux conjoints survivants, contribuent à la réparation du préjudice causé par le décès des victimes " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi alors que les prestations servies aux veuves des victimes par la CNRO, institution de prévoyance visée par l'article L. 731-1 du Code de la sécurité sociale, ont un caractère complémentaire et n'entrent pas dans les prévisions de l'article 29. 1° de la loi du 5 juillet 1985, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du moyen proposé pour Christine X..., veuve Y... :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, en date du 19 décembre 1989, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 90-80218
Date de la décision : 04/01/1991
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Tiers payeur - Recours - Prestations donnant lieu à une action récursoire - Prestations complémentaires d'une institution de prévoyance visée à l'article L. 731-1 du Code de la sécurité sociale (non)

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Loi du 5 juillet 1985 - Article 29 - Prestations donnant lieu à une action récursoire - Prestations complémentaires d'une institution de prévoyance visée à l'article L. 731-1 du Code de la sécurité sociale (non)

Les prestations, à caractère complémentaire, servies par la Caisse nationale de retraite des ouvriers du bâtiment et des travaux publics (CNRO), institution de prévoyance visée par l'article L. 731-1 du Code de la sécurité sociale, n'entrent pas dans les prévisions de l'article 29.1° de la loi du 5 juillet 1985 et, dès lors, ne doivent pas être imputées sur le préjudice soumis au recours des tiers payeurs, pour la détermination de l'indemnité complémentaire éventuellement due à la victime d'un accident ou à ses ayants droit (1).


Références :

Loi 85-677 du 05 juillet 1985 art. 29, art. 33

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen (chambre correctionnelle), 19 décembre 1989

CONFER : (1°). (1) Cf. Contra : Assemblée Plénière, 1980-05-09 , Bulletin criminel 1980, n° 141, p. 339 (rejet) ;

A rapprocher : Chambre criminelle, 1990-03-22 , Bulletin criminel 1990, n° 126, p. 333 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 jan. 1991, pourvoi n°90-80218, Bull. crim. criminel 1991 N° 4 p. 11
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 4 p. 11

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Libouban
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Blin
Avocat(s) : Avocats :MM. Boullez, Blanc, la SCP Boré et Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:90.80218
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