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20/12/1990 | FRANCE | N°88-11846

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 décembre 1990, 88-11846


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Sur les premier et deuxième moyens réunis :

Attendu que la caisse primaire d'assurance maladie ayant décidé en 1978 d'affilier au régime général de la sécurité sociale à compter du 1er juillet 1976 Mme Jacqueline X... qui, sous la qualification de mandataire, vendait les produits de la société Avon, celle-ci fait grief à l'arrêt attaqué (Douai, 21 janvier 1988) de s'être prononcé sur cette affiliation sans surseoir à statuer pour permettre la saisine de la juridiction administrative au sujet de la légalité de la décision d'annulation du directeur régional

des affaires sanitaires et sociales alors, premièrement, que, d'une part, s'il n'...

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Sur les premier et deuxième moyens réunis :

Attendu que la caisse primaire d'assurance maladie ayant décidé en 1978 d'affilier au régime général de la sécurité sociale à compter du 1er juillet 1976 Mme Jacqueline X... qui, sous la qualification de mandataire, vendait les produits de la société Avon, celle-ci fait grief à l'arrêt attaqué (Douai, 21 janvier 1988) de s'être prononcé sur cette affiliation sans surseoir à statuer pour permettre la saisine de la juridiction administrative au sujet de la légalité de la décision d'annulation du directeur régional des affaires sanitaires et sociales alors, premièrement, que, d'une part, s'il n'appartenait qu'à la juridiction administrative de se prononcer sur la validité et la légalité de la décision prise le 16 mai 1979 par le directeur régional, l'exception de nullité invoquée par la société Avon constituait une difficulté sérieuse imposant de surseoir sur la question préjudicielle ainsi soulevée de sorte qu'en passant outre, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III et que, d'autre part, à tout le moins, en ayant refusé de surseoir à statuer sans vérifier si la contestation n'était pas sérieuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des mêmes textes, alors, deuxièmement, que, d'une part, il résulte de la combinaison des articles 9 et 14 du décret n° 60-452 du 12 mai 1960, devenus les articles L.121-1, R.121-1 et R.122-3 du Code de la sécurité sociale, et de l'ancien article L.171 devenu L.151-1 et R.151-1 du même code, que la sécrétaire de la commission de recours gracieux était incompétente pour décider de sa propre initiative des suites de la décision d'annulation prise par l'autorité de tutelle, que selon les articles L.190 du Code de la sécurité sociale (ancien) et 1 à 6 et 15 du décret n° 58-1291 du 22 décembre 1958, les réclamations relatives à une affiliation sont impérativement dirigées contre une décision de la Caisse et soumises à une commission de recours amiable préalablement au recours contentieux, de sorte qu'en l'espèce, aucune délibération n'ayant été prise par le conseil d'administration de la Caisse, il n'existait plus aucune décision susceptible de permettre l'ouverture et la poursuite d'une instance devant les juridictions de sécurité sociale et qu'en admettant dans ces circonstances la compétence de la commission de première instance et de la cour d'appel pour statuer sur le différend, l'arrêt attaqué a violé les textes précités, que, d'autre part, dans ses écritures d'appel, la société Avon contestait la compétence de la secrétaire de la commission de recours gracieux à se substituer au conseil d'administration et non le manque d'opportunité de son initiative en sorte que la cour d'appel, qui a considéré qu'il n'y avait pas lieu de rechercher si cette initiative était ou non opportune, a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ; qu'en outre, en s'abstenant de s'expliquer sur le moyen ainsi soulevé, la cour d'appel a violé l'article 455 du même code ;

Mais attendu qu'à la suite de l'annulation par l'autorité de tutelle de la décision gracieuse de non-assujettissement prise sur le recours de la société Avon contre la décision d'affiliation de Mme X... au régime général, la caisse primaire demeurait saisie de ce recours sur lequel elle était tenue de se prononcer ; qu'ayant relevé que le conseil d'administration de la Caisse n'avait pas pris de nouvelle décision, ce qui valait rejet implicite de la réclamation présentée par la société Avon, la cour d'appel en a exactement déduit, sans dénaturer les termes du litige, que quelle qu'ait été l'opportunité de l'initiative prise par le secrétariat de la commission de recours gracieux, le différend dont la société Avon avait elle-même saisi la juridiction de sécurité sociale subsistait en son entier et qu'elle avait compétence pour le trancher ; qu'en outre, il ressort des énonciations des juges du fond que la décision gracieuse présentait un caractère individuel en sorte que la légalité de la décision d'annulation prise par le directeur régional ne faisait pas l'objet d'une contestation sérieuse imposant de surseoir à statuer ; que, de ce chef, la décision attaquée se trouve justifiée ;

Sur les troisième, quatrième et cinquième moyens réunis :

Attendu qu'il est également fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme X... devait être assujettie au régime général pour son activité au service de la société Avon du 1er juillet 1976 au 31 décembre 1981, alors, premièrement, que, d'une part, le rapport d'enquête de l'agent assermenté de la Caisse sur lequel se fonde l'arrêt attaqué n'était visé ni dans les bordereaux de communication de pièces ni dans les conclusions des parties devant la juridiction de renvoi, en sorte qu'en invoquant d'office ce document sans appeler au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; que, d'autre part, le rapport d'enquête n'ayant fait que transcrire, comme il l'indique, les déclarations de Mme X... et le questionnaire rempli par celle-ci ne comportant lui-même que la thèse de Mme X..., la cour d'appel n'a pu légalement déduire de ces deux seuls documents, au regard des articles 1315 et 1353 du Code civil, que dans la pratique, l'intéressée aurait respecté les diverses clauses de son contrat de mandat et qu'en outre, en procédant de cette manière à partir des seules déclarations de Mme X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié la décision d'affilier celle-ci au régime général de la sécurité sociale sur le fondement de l'article L.241 du Code de la sécurité sociale (ancien) pour ses activités dans le cadre de ses relations contractuelles avec la société Avon ; alors, deuxièmement, que d'une part, en constatant que Mme X..., liée par un contrat de mandat à la société Avon, se serait trouvée contrainte de respecter toute une série de directives fixées par cette société et dans son intérêt, la cour d'appel n'a relevé que des contraintes inhérentes à tout mandat et qu'ayant en outre relevé que l'intéressée disposait d'une totale liberté dans l'organisation de son travail, elle n'a caractérisé ni l'existence d'un lien de subordination ni l'intégration de Mme X... dans un service organisé de la société Avon et n'a pas légalement justifié, au regard de l'article L.241 précité, l'obligation d'affilier l'intéressée au régime général de la

sécurité sociale, que, d'autre part, en énonçant que la clientèle visitée par la mandataire demeurait celle de la société Avon sans tenir compte de ce que cette dernière n'avait pas connaissance du nom des clients et de ce que des produits concurrents ou différents pouvaient être vendus par la mandataire et en ne s'expliquant pas sur les moyens destinés à établir que Mme X... avait le statut de travailleur indépendant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du même texte ; alors, troisièmement, que, d'une part, une caisse primaire ne saurait décider rétroactivement une affiliation au régime général de la sécurité sociale après avoir pris une décision de principe de non-assujettissement, qu'en l'espèce, la Caisse avait pris en 1973 une décision de non-affiliation qui avait été confirmée au sujet de Mme X... le 26 avril 1979 par son conseil d'administration dont la décision s'était substituée à celle du 21 décembre 1978 de sorte que même si la décision du 26 avril 1979 avait été ensuite annulée par l'autorité de tutelle, l'arrêt attaqué manque de base légale au regard de l'article L.241 du Code de la sécurité sociale (ancien) pour avoir admis avant cette dernière date l'affiliation de Mme X... au régime général de la sécurité sociale, que, d'autre part, et en outre, ayant constaté qu'aucun accord n'était intervenu en 1978 entre la Caisse et la société Avon et que celle-ci avait seulement admis par lettre du 8 mars 1978 l'affiliation au régime général à compter du 1er juillet 1976, des mandataires ayant réalisé un chiffre d'affaires (en réalité un gain) annuel de 12 000 francs, la cour d'appel, qui considère que ce courrier établissait la connaissance par la société Avon depuis le 1er juillet 1976 du changement de position de la caisse primaire sans avoir vérifié si ce courrier concernait effectivement Mme X..., ce qui n'était pas le cas, a encore privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;

Mais attendu que, s'agissant d'une procédure orale, les documents sur lesquels se sont appuyés les juges du fond, et notamment le rapport d'enquête de l'agent assermenté de la sécurité sociale, dont les parties discutaient d'ailleurs le contenu dans leurs écritures, sont présumés avoir donné lieu à un débat contradictoire ; que c'est par une appréciation de l'ensemble des éléments qui lui étaient soumis que la cour d'appel, après avoir relevé que Mme X... avait commencé à vendre des produits Avon en 1972 et avait signé à l'époque un contrat de mandat l'autorisant " à visiter les clients consommateurs des produits Avon " et lui imposant de noter les commandes, soumises à l'acceptation de la société Avon, selon les tarifs les plus récents, de livrer les produits commandés et d'en encaisser le prix sur le montant duquel était prélevée sa commission, d'exercer son activité dans un territoire choisi avec l'agrément de la société et ne pas faire de stock ni de ventes dans un local fixe, que ce soit à son domicile ou ailleurs, a retenu que Mme X... avait travaillé dans les conditions de son contrat, ce qui impliquait notamment de sa part le respect des tarifs, et que si elle transmettait directement ses commandes à la société Avon, elle se trouvait cependant sous la surveillance de la déléguée régionale qui détenait le double des décomptes des " mandataires " et pouvait intervenir en cas de défaillance pour les stimuler ; que, sans être tenue à suivre les parties dans le détail de leur argumentation et

peu important que l'identité de la clientèle acheteuse ait pu être ignorée de la société Avon ou les prétendus risques financiers subis par le mandataire, la cour d'appel, ayant en outre observé que Mme X..., immatriculée seulement à l'URSSAF, organisme du régime général, à l'exclusion de toute caisse d'assurance maladie ou vieillesse des travailleurs indépendants, avait retiré une rémunération non négligeable de son activité de démarchage dans l'exercice de laquelle elle jouissait de la liberté inhérente à ce genre d'activité, en a exactement déduit que l'intéressée se trouvait intégrée à un service de vente organisé par la société Avon pour laquelle elle travaillait au sens de l'article L.241 devenu L.311-2 du Code de la sécurité sociale ; qu'étant constant que la caisse primaire d'assurance maladie avait pris en 1976 à l'égard de l'ensemble des déléguées mandataires de la société Avon une décision de principe les assujettissant au régime général sur la validité de laquelle la commission de première instance, saisie par ladite société, avait décidé par jugement du 16 juin 1977 qu'il n'y avait pas lieu de se prononcer, la cour d'appel a apprécié le contenu de la correspondance échangée entre les parties et estimé que depuis 1976, la société Avon n'ignorait pas le changement de position de la Caisse ; qu'elle a dès lors admis à bon droit, pour la période du 1er juillet 1976 au 31 décembre 1981, l'assujettissement de Mme X... au régime général de la sécurité sociale ;

D'où il suit qu'aucun des moyens n'est fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 88-11846
Date de la décision : 20/12/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° SECURITE SOCIALE - Assujettissement - Généralités - Décision de la Caisse - Annulation par l'autorité de tutelle - Portée.

1° SECURITE SOCIALE - Caisse - Décisions - Recours administratif du directeur régional - Annulation de la décision - Portée 1° SECURITE SOCIALE - CONTENTIEUX - Contentieux général - Procédure - Procédure gracieuse préalable - Commission de recours gracieux - Décisions - Annulation - Portée 1° SECURITE SOCIALE - CONTENTIEUX - Contentieux général - Procédure - Procédure gracieuse préalable - Commission de recours gracieux - Absence de décision dans le délai légal - Portée.

1° Lorsque la décision gracieuse de non-assujettissement prise à l'égard d'un collaborateur d'une société sur le recours de celle-ci a été annulée par l'autorité de tutelle, la caisse primaire demeure saisie de ce recours et, en l'absence d'une nouvelle décision du conseil d'administration, ce qui vaut rejet implicite, la juridiction contentieuse saisie par la société elle-même est compétente pour statuer sur le différend qui subsiste en son entier.

2° SECURITE SOCIALE - Assujettissement - Personnes assujetties - Démonstratrice-vendeuse.

2° Est assujettie au régime général de la sécurité sociale la personne qui visite les clients consommateurs de produits diffusés par une société, est tenue de noter les commandes, lesquelles sont soumises à l'acceptation de celle-ci, de livrer les produits commandés et d'en encaisser le prix sur le montant duquel est prélevée sa commission et qui exerce son activité dans un territoire choisi avec l'agrément de la société et sous la surveillance d'une déléguée régionale, l'intéressée se trouvant ainsi intégrée à un service de vente organisé par la société.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 21 janvier 1988

A RAPPROCHER : (1°). Chambre sociale, 1965-12-01 , Bulletin 1965, IV, n° 858, p. 730 (rejet), et les arrêts cités ; Chambre sociale, 1978-02-15 , Bulletin 1978, V, n° 112, p. 82 (rejet). (2°). Chambre sociale, 1979-02-22 , Bulletin 1979, V, n° 177, p. 126 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 déc. 1990, pourvoi n°88-11846, Bull. civ. 1990 V N° 702 p. 425
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1990 V N° 702 p. 425

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Chazelet, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Dorwling-Carter
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Lesire
Avocat(s) : Avocats :la SCP Célice et Blancpain, la SCP Rouvière, Lepître et Boutet, M. Choucroy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:88.11846
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