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05/12/1990 | FRANCE | N°89-13878

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 05 décembre 1990, 89-13878


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Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 30 janvier 1989), que, dans le livre intitulé Pétain et publié par la société X..., M. Y... a indiqué que M. Z... avait participé, en 1942, à la rédaction d'un manifeste destiné à un mouvement intitulé Le Service d'ordre légionnaire (le SOL) ; qu'à la suite d'une protestation émise par M. Z... après la reprise de cette information par un hebdomadaire, M. Y... a publié un rectificatif dans ce journal, puis a modifié la rédaction du passage litigieux dans les

éditions ultérieures de son ouvrage ; que M. Z... a demandé à M. Y... et à son ...

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Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 30 janvier 1989), que, dans le livre intitulé Pétain et publié par la société X..., M. Y... a indiqué que M. Z... avait participé, en 1942, à la rédaction d'un manifeste destiné à un mouvement intitulé Le Service d'ordre légionnaire (le SOL) ; qu'à la suite d'une protestation émise par M. Z... après la reprise de cette information par un hebdomadaire, M. Y... a publié un rectificatif dans ce journal, puis a modifié la rédaction du passage litigieux dans les éditions ultérieures de son ouvrage ; que M. Z... a demandé à M. Y... et à son éditeur réparation du préjudice qui lui aurait été causé ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors que, d'une part, en estimant que l'imputation critiquée constituait une diffamation, sans l'apprécier au moment où les faits ont été commis, compte tenu de l'attitude du corps social à l'époque, la cour d'appel aurait violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, alors que, d'autre part, en retenant que, de la collaboration apportée par M. Z... à la rédaction de journaux et de revues propageant l'idéologie du régime de Vichy il ne résultait pas qu'il eût individuellement ou collectivement rédigé des textes exprimant la doctrine ou les objectifs du SOL, bien que la doctrine et les objectifs de ces journaux fussent les mêmes que ceux du SOL, la cour d'appel se serait contredite, alors qu'enfin, en jugeant que constituait une diffamation l'imputation d'avoir pris part à la rédaction d'un texte pour lequel son accord était démontré par sa participation aux principales revues du régime de Vichy, la cour d'appel aurait derechef violé l'article 29 sus-indiqué ;

Mais attendu que l'arrêt retient que, selon l'ouvrage de M. Y... , le manifeste du SOL avait été rédigé par ses dirigeants, pour la plupart d'anciens maurassiens tel M. Z..., qui s'appelait alors A..., et qu'il comportait notamment une rubrique intitulée " Contre la lèpre juive, pour la pureté française ", et relève qu'il était acquis que M. Z... n'avait concouru à la rédaction d'un organe d'expression, de propagation et de soutien du régime de Vichy essentiellement qu'en y tenant les rubriques littéraire et cinématographique ;

Que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire, hors toute contradiction et sans encourir les griefs du moyen, qu'en citant M. Z... parmi les dirigeants d'un organisme présenté comme proche du fascisme et parmi les rédacteurs d'un texte antisémite, M. Y... l'avait diffamé, et qu'il ne résultait pas de l'activité de journaliste de M. Z... qu'il eût été dirigeant du SOL ou rédacteur des textes exprimant la doctrine et les objectifs de cet organisme ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de ne pas avoir admis que la diffamation reprochée à M. Y... avait été commise de bonne foi, alors qu'en s'abstenant de tenir compte du rectificatif qu'il avait spontanément envoyé à la presse et de la suppression des imputations litigieuses dans les éditions ultérieures de son ouvrage, la cour d'appel aurait violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, alors que, d'autre part, la cour d'appel aurait privé sa décision de motifs en ne précisant pas les précautions d'usage en matière historique que, selon elle, M. Y... n'aurait pas prises, alors qu'enfin, en ne retenant pas que l'erreur commise par celui-ci résultait de la confusion, exclusive de toute mauvaise foi, entre deux sources de renseignements, la cour d'appel aurait derechef violé l'article 29 de la loi précitée ;

Mais attendu que l'arrêt, ayant relevé que M. Y... avait publié un rectificatif se bornant à donner acte à M. Z... de ses protestations et à indiquer que les textes faisant foi de sa participation à la rédaction du manifeste du SOL pouvaient être erronés, retient qu'il n'avait pas été en mesure de soumettre ceux-ci à la critique contradictoire d'un débat judiciaire, qu'il s'était écarté de la rigueur méthodique qui doit caractériser la démarche d'un historien et qu'il avait énoncé un fait de nature, à l'évidence, à porter atteinte à la réputation d'une personne vivante ayant une importante activité publique, sans avoir eu la prudence de la consulter préalablement ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a jugé, sans encourir les griefs du moyen, que M. Y... ne pouvait exciper de sa bonne foi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 89-13878
Date de la décision : 05/12/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° DIFFAMATION ET INJURES - Diffamation - Définition - Allégation portant atteinte à l'honneur et à la considération de la personne visée - Livre citant un journaliste parmi les dirigeants d'un organisme présenté comme proche du fascisme et parmi les rédacteurs d'un texte antisémite - Journaliste tenant les rubriques littéraires et cinématographiques.

1° PRESSE - Diffamation - Définition - Allégation portant atteinte à l'honneur et à la considération de la personne citée - Livre citant un journaliste parmi les dirigeants d'un organisme présenté comme proche du fascisme et parmi les rédacteurs d'un texte antisémite - Journaliste tenant les rubriques littéraires et cinématographiques.

1° Une cour d'appel, relevant que le manifeste d'un organisme présenté comme proche du fascisme avait été rédigé par ses dirigeants et qu'un journaliste n'avait concouru à la rédaction d'un organe d'expression, de propagation et de soutien du régime de Vichy, qu'en y tenant les rubriques littéraires et cinématographiques, a pu en déduire qu'en citant ce journaliste parmi les dirigeants de l'organisme et parmi les rédacteurs d'un texte antisémite, l'auteur d'un livre l'avait diffamé.

2° DIFFAMATION ET INJURES - Diffamation - Bonne foi - Appréciation souveraine.

2° DIFFAMATION ET INJURES - Diffamation - Bonne foi - Rectificatif - Rectificatif de l'auteur d'un livre ayant présenté un journaliste comme proche du fascisme - Rectificatif précisant que les sources du passage litigieux pouvaient être erronées - Portée.

2° C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain qu'une cour d'appel a jugé que l'auteur d'un livre, présentant un journaliste comme ayant participé à la rédaction du manifeste d'un organisme présenté comme proche du fascisme, qui avait publié un rectificatif en se bornant à donner acte à ce journaliste de ses protestations et à indiquer que les textes faisant foi de la participation de celui-ci à l'organisme pouvaient être erronés, ne pouvait exciper de sa bonne foi, s'étant écarté de la rigueur méthodique devant caractériser la démarche d'un historien et ayant énoncé un fait de nature à porter atteinte à la réputation d'une personne vivante ayant une importante activité publique, sans avoir eu la prudence de la consulter préalablement.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 janvier 1989


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 05 déc. 1990, pourvoi n°89-13878, Bull. civ. 1990 II N° 256 p. 131
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1990 II N° 256 p. 131

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Dutheillet-Lamonthézie
Avocat général : Avocat général :M. Monnet
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Burgelin
Avocat(s) : Avocats :la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, M. Ryziger.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:89.13878
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