.
Attendu, selon le jugement déféré, que M. et Mme X... ont, par acte du 20 janvier 1981, acquis des terres appartenant à M. Y..., moyennant un prix de 80 000 francs payable hors la vue du notaire ; que, par un autre acte du 19 avril 1983, ils ont acquis la maison d'habitation de M. Y..., qui s'en réservait la jouissance, pour un prix payable par une obligation de soins des époux X... envers le vendeur qui gardait cependant à sa charge ses dépenses de santé ; que M. Y... a fait deux dons manuels par chèques à M. X... les 20 avril et 9 mai 1983 ; que M. Y... est décédé le 10 mai 1983 ; que l'administration des Impôts a considéré que les deux actes de vente dissimulaient des donations et a émis un avis de mise en recouvrement pour obtenir paiement des droits de mutation à titre gratuit estimés dus assortis d'une pénalité de 200 % pour dissimulation ; que le Tribunal de grande instance a rejeté l'opposition de M. X... à cet avis ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales, ensemble l'article 1315 du Code civil ;
Attendu que, pour décider que l'acte du 20 janvier 1981 dissimulait une donation, le jugement retient que la preuve du paiement de la somme de 80 000 francs par la comptabilité du notaire ou par celle de l'acquéreur ou du vendeur n'a pas été rapportée ; que la quittance contenue dans l'acte authentique ne fait foi qu'entre les parties à l'acte mais demeure inopposable à l'Administration en vertu de l'effet relatif des contrats ; que la version du paiement de 80 000 francs par abandon de huit années de fermage d'un montant annuel de 3 516 francs dont le produit ne permet pas d'atteindre le montant du prix de vente, est insuffisant pour entraîner la conviction du Tribunal ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il appartenait à l'administration des Impôts d'établir par tous moyens compatibles avec le caractère écrit de la procédure fiscale la fictivité, alléguée par elle, d'une quittance de paiement du prix contenue dans un acte de cession qui, engendrant une situation de droit nouvelle, était, à ce titre, opposable à tout tiers, notamment comme élément de preuve, le Tribunal a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales, ensemble l'article 894 du Code civil ;
Attendu qu'en décidant que l'acte de vente du 20 janvier 1981 avait été exactement qualifié d'acte de donation par l'Administration, sans relever une intention libérale du cédant au profit des cessionnaires, le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Vu l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales, ensemble l'article 894 du Code civil ;
Attendu, en ce qui concerne l'acte du 19 avril 1983, que le jugement retient le défaut d'aléa dans le contrat par lequel le vendeur conserve la charge de l'intégralité des dépenses de santé, et la remise concomitante de deux chèques d'un montant global de 45 000 francs, établis pour l'un le lendemain de l'acte de vente et pour l'autre la veille du décès du vendeur, et en déduit que ce dernier a eu la volonté de se dépouiller sans faire naître une contrepartie à la charge des acquéreurs ;
Attendu qu'en déduisant du seul déséquilibre constaté entre les engagements respectifs des parties l'existence d'une intention libérale de la part du cédant, pour avoir consenti un contrat comportant un défaut d'aléa quant à la fourniture des prestations incombant aux cessionnaires, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs,
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 21 juillet 1988, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Marmande ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Bordeaux