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29/10/1990 | FRANCE | N°88-19366

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 octobre 1990, 88-19366


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Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu qu'un film intitulé La dernière tentation du Christ, réalisé par M. Y... et produit par la société MCA INC Universal, d'après le roman de Nikos X..., a été distribué en France par la société United International Pictures et projeté dans des salles publiques à partir de septembre 1988 ; qu'un certain nombre de personnes et d'associations, actuellement demanderesses au pourvoi, estimant que ce film portait atteinte au respect dû aux sentiments les plus profonds des chrétiens et, de façon générale, à tou

tes les convictions religieuses, en ont demandé l'interdiction et la saisie sur...

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Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu qu'un film intitulé La dernière tentation du Christ, réalisé par M. Y... et produit par la société MCA INC Universal, d'après le roman de Nikos X..., a été distribué en France par la société United International Pictures et projeté dans des salles publiques à partir de septembre 1988 ; qu'un certain nombre de personnes et d'associations, actuellement demanderesses au pourvoi, estimant que ce film portait atteinte au respect dû aux sentiments les plus profonds des chrétiens et, de façon générale, à toutes les convictions religieuses, en ont demandé l'interdiction et la saisie sur le fondement de l'article 809, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ; que la cour d'appel (Paris, 27 septembre 1988), statuant en référé, a ordonné que tous les instruments de publicité du film soient accompagnés d'un avertissement, dont elle a précisé le texte ;

Attendu que les demandeurs au pourvoi font grief à l'arrêt attaqué de n'avoir pas ordonné l'interdiction et la saisie du film, alors, en premier lieu, que le fait de tourner en dérision les croyances les plus fondamentales d'une religion et de présenter sous un jour méprisable le Dieu qu'elle révère aurait rompu l'égalité entre la liberté d'expression et la liberté de choisir et de manifester sa religion, réalisant par là-même un trouble manifestement illicite ; alors, en second lieu, qu'il n'aurait pas été répondu aux conclusions selon lesquelles l'atteinte au sentiment religieux ne procédait pas seulement de la projection du film dans les salles mais aussi de la reproduction de ses dialogues par voie de presse ou de ses scènes par la télévision où à l'occasion de la projection d'autres films ; et alors, en troisième lieu, que la mesure ordonnée par la cour d'appel, à la supposer propre à éviter un trouble subjectif personnel au spectateur, était sans effet au regard du trouble objectif, également évoqué par les conclusions d'appel et causé à l'ensemble de la communauté catholique ;

Mais attendu que le principe de la liberté d'expression, notamment en matière de création artistique, d'une part, comme, d'autre part, celui du respect dû aux croyances et le droit de pratiquer sa religion étant d'égale valeur, il appartenait aux juges du fait de décider des mesures appropriées à faire respecter ce nécessaire équilibre ; que sans nier la possibilité d'abus de droit en de pareils domaines, qui constitueraient alors des troubles manifestement illicites, la cour d'appel, - qui a relevé qu'il y avait lieu d'éviter " que quiconque se trouve, parce que non prévenu, en situation d'être atteint dans ses convictions profondes " au même titre que de ne pas porter atteinte à la liberté d'expression - a pu estimer qu'il n'y avait pas eu, en la circonstance, trouble manifestement illicite et décider souverainement des mesures les plus appropriées à préserver le juste équilibre des droits et libertés en cause ; que, ce faisant, elle n'a pas pris en considération la subjectivité personnelle de tel ou tel spectateur et qu'elle a répondu, par la généralité des mesures prises, aux préoccupations exprimées dans les conclusions invoquées ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 88-19366
Date de la décision : 29/10/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° CINEMA - Film - Liberté d'expression en matière de création artistique - Respect dû aux croyances - Equilibre nécessaire entre deux principes d'égale valeur - Mesures appropriées - Choix - Appréciation souveraine.

1° POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Liberté d'expression - Liberté d'expression en matière de création artistique - Respect dû aux croyances - Equilibre nécessaire entre deux principes d'égale valeur - Mesures appropriées - Choix 1° REFERE - Mesures conservatoires ou de remise en état - Trouble manifestement illicite - Applications diverses - Liberté d'expression - Respect dû aux croyances - Equilibre nécessaire entre deux principes d'égale valeur - Mesures appropriées.

1° Le principe de la liberté d'expression, notamment en matière de création artistique, d'une part, comme d'autre part, celui du respect dû aux croyances étant d'égale valeur, il appartient aux juges du fait de décider des mesures appropriées à faire respecter ce nécessaire équilibre.

2° REFERE - Mesures conservatoires ou de remise en état - Trouble manifestement illicite - Applications diverses - Liberté d'expression - Exercice - Atteinte au respect dû aux croyances.

2° RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Abus de droit - Liberté d'expression - Exercice - Atteinte au respect dû aux croyances - 2° POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Liberté d'expression - Exercice - Atteinte au respect dû aux croyances - Trouble manifestement illicite - Existence (non).

2° L'exercice de la liberté d'expression est susceptible, lorsqu'il porte atteinte au respect dû aux croyances, de donner lieu à des abus de droit, dont les juges du fait peuvent estimer qu'ils constituent des troubles manifestement illicites.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 septembre 1988


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 29 oct. 1990, pourvoi n°88-19366, Bull. civ. 1990 I N° 226 p. 161
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1990 I N° 226 p. 161

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Jouhaud
Avocat général : Premier avocat général : M. Sadon
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Grégoire
Avocat(s) : Avocats :M. Le Griel, la SCP Peignot et Garreau, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:88.19366
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