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17/10/1990 | FRANCE | N°89-13476

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 octobre 1990, 89-13476


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Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 décembre 1988), que la société civile immobilière la Butte aux Bergers, assurée en qualité de maître d'ouvrage auprès de l'Union des Assurances de Paris (UAP), et la société de crédit immobilier l'Entente rurale, aux droits de laquelle se trouve la société crédit immobilier Aipal Crédit, ont, en 1977-1978, fait construire, sous la maîtrise d'oeuvre des architectes Deryck et Dufour et du bureau d'études Henno, plusieurs pavillons ; que l'entreprise Batra, actuellement en liqui

dation des biens et assurée auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtim...

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Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 décembre 1988), que la société civile immobilière la Butte aux Bergers, assurée en qualité de maître d'ouvrage auprès de l'Union des Assurances de Paris (UAP), et la société de crédit immobilier l'Entente rurale, aux droits de laquelle se trouve la société crédit immobilier Aipal Crédit, ont, en 1977-1978, fait construire, sous la maîtrise d'oeuvre des architectes Deryck et Dufour et du bureau d'études Henno, plusieurs pavillons ; que l'entreprise Batra, actuellement en liquidation des biens et assurée auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), a exécuté le gros oeuvre à l'aide de béton cellulaire fabriqué par la société Durox France (société Durox) ; que, sur ce béton, la société Telechea a posé un enduit appelé Durotex fabriqué par la société Rhône Aquitaine Chimie (société RAC) ; que, se plaignant de divers désordres et notamment de fissures des murs de façade et d'une mauvaise tenue de l'enduit, les acquéreurs des pavillons ont, après expertise, assigné en réparation la SCI, l'Entente rurale et l'UAP, lesquelles ont exercé des recours contre les architectes, les entrepreneurs et les sociétés Durox et RAC ;

Attendu que la société Durox fait grief à l'arrêt d'avoir retenu sa responsabilité à concurrence de 70 % du dommage pour les désordres affectant les façades, alors, selon le moyen, " 1° que l'arrêt est dépourvu de base légale en ce qu'il ne précise à aucun moment sur quel terrain, contractuel ou délictuel, et sur quelle clause précise d'un éventuel contrat, il condamne la société Durox pour " grave manquement à son devoir de conseil " bien qu'elle n'ait participé en rien à la conception et à la mise en oeuvre des opérations de construction (manque de base légale, articles 1134 et suivants, 1382 et suivants du Code civil) ; 2° que l'arrêt constatant lui-même que le béton cellulaire, seul vendu par la société Durox à l'entreprise de gros oeuvre Batra, est conforme à sa norme, qu'aucun vice intrinsèque de ce matériau n'est démontré, qu'une assistance technique a été assurée lors de la pose des blocs de béton cellulaire, que deux architectes ont conçu et surveillé la réalisation du projet, il ne pouvait légalement conclure à la responsabilité du vendeur de ce produit parfait à des professionnels en raison de sa mise en oeuvre défectueuse (violation des articles 1134, 1147 et 1641 et suivants du Code civil) ; 3° que l'arrêt ne pouvait rejeter sur le vendeur les éventuelles défaillances de conception des pavillons, de surveillance et d'exécution des travaux qui incombaient aux seuls architectes et entrepreneurs (violation des articles 1134 et suivants, 1147 et 1792, 2270 du Code civil) ; 4° que l'arrêt ne pouvait d'office relever inexactement un moyen tiré de ce que la société Durox, qui s'est bornée à répondre à une demande de livraison de béton cellulaire, a " proposé aux maîtres d'oeuvre et au maître de l'ouvrage, sans précaution ni réserve, l'utilisation de produits manifestement inadaptés au niveau moyen de qualification communément admis des entreprises du bâtiment " (violation des articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile) ; 5° que l'arrêt ne pouvait s'abstenir de

répondre aux conclusions de la société Durox se prévalant d'une part de ce qu'il existait en toute hypothèse, selon l'expert, quatre causes de désordres aux dommages, notamment un défaut des joints, une obturation des ventilations par les occupants, une conception excessive des bâtiments, " volumes passablement décrochés " qui excluaient une responsabilité intégrale pour défaut d'homogénéité de l'ensemble béton enduit, d'autre part de ce que le procédé de contruction en cause n'était nullement " sophistiqué " puisqu'il impliquait simplement la superposition des blocs, tous conservés dans le cadre de la réfection ordonnée, des joints corrects, un chaînage en partie haute et un enduit correct, ce mécanisme étant appliqué depuis 1951 soit depuis trente ans, ce qui ruinait les affirmations ayant trait à un devoir spécifique d'assistance (défaut de réponse à conclusions, article 455 du nouveau Code de procédure civile) ; 6° que l'arrêt dénature le rapport d'expertise lorsqu'il affirme qu'il ressort des conclusions de l'expert X... que le produit fabriqué par la société Rhône Aquitaine Chimie n'est pas compatible avec le béton cellulaire notamment en raison des variations dimensionnelles de celui-ci, l'expert se bornant à parler d'un probable défaut de compatibilité entre le Durox et le matériau utilisé pour l'enduit dont les modules d'élasticité sont vraisemblablement insuffisamment voisins (dénaturation du rapport d'expertise, articles 4 du nouveau Code de procédure civile, 1134 du Code civil) ; 7° que l'arrêt ne pouvait retenir l'imprudence et la négligence de la société Rhône Aquitaine Chimie faute par elle de s'être préoccupée des conditions d'utilisation de l'enduit qu'elle a fabriqué et vendu et compte tenu de son incompatibilité prétendue avec le béton cellulaire et libérer cette même société de toute responsabilité dans la prise en charge du dommage (manque de base légale, articles 1134, 1147, 1646 et suivants du Code civil) " ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la société Durox, qui n'avait pas formé de demande contre la société RAC, ne pouvait, en raison de sa présence sur le chantier, ignorer l'emploi, conformément à ses recommandations, de l'enduit Durotex sur le béton cellulaire fabriqué et préconisé par elle pour la construction de murs extérieurs, matériau présentant une relative instabilité dimensionnelle et une faible résistance au cisaillement, ce qui imposait une protection rigoureuse pendant sa pose contre toute atteinte aqueuse et rendait nécessaire une extrême précision dans la réalisation de certaines parties d'ouvrage, la cour d'appel qui, sans violer le principe de la contradiction, ni dénaturer le rapport d'expertise, a retenu que la société Durox avait commis un manquement à son obligation de conseil en proposant sans précaution ni réserves ces produits, a, par ces seuls motifs qui répondent aux conclusions, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué :

Attendu que la SMABTP fait grief à l'arrêt d'avoir retenu sa garantie pour les désordres survenus fin 1980 malgré la résiliation du contrat, pour non-paiement des primes, intervenue le 30 septembre 1978, alors, selon le moyen, d'une part, que l'assureur peut opposer au tiers lésé qui invoque le bénéfice de la police toutes les exceptions opposables à l'assuré qui sont antérieures à la survenance du dommage ; qu'en affirmant que l'assureur en l'espèce ne pouvait pas opposer aux victimes les effets de la suspension ou de la résiliation du contrat pour non-paiement des primes, la cour d'appel a violé les articles L. 112-6, L. 113-3 et R 124-1 du Code des assurances, et, d'autre part, que la suspension de la garantie pour non-paiement des primes ne met pas fin au contrat d'assurance ; que, par ailleurs, l'assureur n'a pas l'obligation d'informer les tiers sur la durée du contrat, lequel peut toujours être reconduit tacitement ; qu'en reprochant à la SMABTP d'avoir délivré une attestation d'assurance pendant la période de suspension de la garantie et de n'avoir pas mentionné la durée du contrat, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article L. 113-3 du Code des assurances ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu qu'en délivrant, le 23 juin 1978, sans attendre le paiement des primes, une attestation sans préciser que la validité de celle-ci était limitée au 30 septembre 1978, la SMABTP avait commis une imprudence qui engageait sa responsabilité sur le plan quasidélictuel, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Et attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge du GAN et de la société Telechea les frais exposés, non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

REJETTE les demandes formées en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 89-13476
Date de la décision : 17/10/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° VENTE - Vendeur - Obligations - Obligation de conseil - Matériaux de construction - Conditions d'utilisation spécifiques.

1° RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Obligation de conseil - Fournisseur de matériaux - Conditions d'utilisation spécifiques.

1° Manque à son obligation de conseil le fabricant qui propose sans précaution ni réserves l'emploi de béton cellulaire, sur lequel est appliqué un enduit extérieur conformément à ses recommandations, dès lors que les caractéristiques de ces matériaux imposaient des conditions rigoureuses d'utilisation.

2° ASSURANCE (règles générales) - Responsabilité de l'assureur - Faute - Remise à l'assuré d'une attestation d'assurance - Limitation de validité non précisée.

2° RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Assurance - Remise à l'assuré d'une attestation - Limitation de validité non précisée - Effet à l'égard des tiers.

2° Commet une imprudence qui engage sa responsabilité quasidélictuelle la société d'assurances qui, sans attendre le paiement des primes, délivre pendant la période de suspension de garantie une attestation d'assurance sans préciser que la validité de celle-ci était limitée dans le temps.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 décembre 1988

A RAPPROCHER : (1°). Chambre commerciale, 1988-07-11 , Bulletin 1988, IV, n° 250, p. 172 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 17 oct. 1990, pourvoi n°89-13476, Bull. civ. 1990 III N° 194 p. 111
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1990 III N° 194 p. 111

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Senselme
Avocat général : Avocat général :M. Vernette
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Chapron
Avocat(s) : Avocats :la SCP Rouvière, Lepître et Boutet, MM. Roger, Choucroy, la SCP Lesourd et Baudin, la SCP Desaché et Gatineau, M. Boulloche, la SCP Lemaitre et Monod, la SCP Nicolay et de Lanouvelle, la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:89.13476
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