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01/10/1990 | FRANCE | N°89-85326

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 octobre 1990, 89-85326


REJET du pourvoi formé par :
- l'administration des Douanes,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre correctionnelle, en date du 11 juillet 1989, qui, sur renvoi après cassation, a relaxé X... Roland et Y... Marie-Jeanne, épouse X..., des fins de la poursuite du chef d'infraction à la législation sur les relations financières avec l'étranger, et l'a déboutée de ses demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1, 3, 6 du décret du 24 novembre 1968, 1. 3° de

l'arrêté du 9 août 1973, 23- I et 24- II de la loi du 8 juillet 1987, 459 du...

REJET du pourvoi formé par :
- l'administration des Douanes,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre correctionnelle, en date du 11 juillet 1989, qui, sur renvoi après cassation, a relaxé X... Roland et Y... Marie-Jeanne, épouse X..., des fins de la poursuite du chef d'infraction à la législation sur les relations financières avec l'étranger, et l'a déboutée de ses demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1, 3, 6 du décret du 24 novembre 1968, 1. 3° de l'arrêté du 9 août 1973, 23- I et 24- II de la loi du 8 juillet 1987, 459 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus du chef de constitution d'avoirs à l'étranger ;
" aux motifs que si la matérialité de l'infraction est établie, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus en ce qui concerne le financement de l'opération de l'acquisition de l'appartement par le recours à un prêt bancaire de 90 000 francs, X... a toujours soutenu que dans la mesure où il avait la seule nationalité helvétique lors de cette acquisition et où il réservait cet appartement pour son usage personnel ainsi que celui de ses parents, lesquels résident en Suisse, durant la belle saison, en le donnant, actuellement, en location-à Pâques et en fin d'année principalement-pour couvrir les charges de location et de remboursement d'emprunt, mais en ayant l'intention de s'y retirer à la fin de sa carrière, il n'avait, à aucun moment, envisagé que la notion d'avoir à l'étranger pouvait s'appliquer à une telle opération ; que les époux X... ont souligné que cette opération avait été " totalement extraterritoriale " puisqu'elle ne résultait ni d'opérations de change en France ni d'un quelconque mode de règlement entre la France et la Suisse ; qu'au soutien de leur position, les époux X... ont insisté sur le fait que, dès lors que l'achat en question avait été financé par les seuls fonds provenant de l'épargne réalisée en Suisse par X... et de l'emprunt contracté par lui auprès de la Banque cantonale du Valais, sans, par conséquent que fût intervenu aucun transfert de fonds entre la France et la Suisse, ils n'avaient pu avoir conscience d'enfreindre de la sorte, la réglementation des changes ni de ne pas se conformer, en ce qui concerne X..., à l'obligation, avant de recourir à cet emprunt, de solliciter l'autorisation de l'administration française prévue par cette réglementation ; qu'en l'état des arguments ainsi avancés par les époux X... et en l'absence de tout élément de nature à démontrer l'inanité de ceux-ci, il y a lieu d'admettre, pour cette première infraction, la bonne foi dont ils se prévalent ;
" alors que X..., résident français et de nationalité française depuis 1981, devait demander une autorisation avant d'emprunter une somme de 90 000 francs ; que pour retenir la bonne foi des prévenus, la cour d'appel a relevé qu'ils étaient de nationalité suisse à l'époque des faits, qu'il s'agissait d'une opération " totalement extraterritoriale " puisqu'elle ne résultait ni d'opérations de change en France, ni d'un quelconque mode de règlement entre la France et la Suisse et qu'ils avaient l'intention de se retirer dans cet appartement au moment de leur retraite ; qu'en relaxant les prévenus à la faveur de ces motifs inopérants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen " ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 1, 3, 6 du décret du 24 novembre 1968, 1. 3° de l'arrêté du 9 août 1973, 23- I et 24- II de la loi du 8 juillet 1987, 459 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus du chef d'ouverture de compte à l'étranger et de souscription d'emprunt à l'étranger sans autorisation ;
" aux motifs qu'il résulte tant des énonciations de l'acte d'achat de l'appartement en cause que de celles du procès-verbal de constat du 22 février 1984 ainsi que de l'attestation de la Banque cantonale du Valais du 6 avril 1982 versée aux débats que l'emprunt contracté par X... auprès de cette banque s'élevait, au total, à la somme de 110 000 francs ainsi qu'il a été indiqué ci-avant ; que si l'administration des Douanes n'a retenu que le prêt de la somme de 90 000 francs suisses à la charge de X..., il a, cependant, été précisé, au procès-verbal de constat susvisé, que le montant des prêts consentis à X... était de " 90 000 plus 20 000 soit 110 000 francs suisses " ; que selon l'attestation précitée de la Banque cantonale du Valais du 6 avril 1982, l'emprunt contracté par X... " pour le paiement de son appartement " a été " converti partiellement en prêt hypothécaire, à concurrence de 90 000 francs, la somme de 20 000 francs ayant été inscrite au compte courant de X... ; qu'enfin, l'acte d'achat de l'appartement stipulait que le crédit de 110 000 francs devait être affecté, ainsi que rappelé ci-dessus, au règlement, d'une part, du solde du prix de l'appartement, d'autre part, de la facture des meubles ; qu'il n'est pas établi, en l'état de l'argumentation développée par X... et-les raisons déjà exposées ci-avant en ce qui a trait à la constitution d'avoir irrégulier à l'étranger par les époux X... -que X..., en ayant omis de solliciter auprès de l'administration française l'autorisation d'ouvrir un compte en Suisse où il disposait, en octobre 1977, de la somme de 20 000 francs suisses, représentant le solde de l'emprunt contracté auprès de la Banque cantonale du Valais pour l'acquisition de son appartement, de même qu'en n'ayant pas demandé à cette même Administration de l'autoriser à contracter un emprunt pour réaliser cette opération, ait, en connaissance de cause, enfreint la réglementation des changes ; qu'en l'absence de tout élément de nature à permettre de contester la véracité de ses dires et le bien-fondé de ses explications sur ce point, il convient de faire bénéficier X..., pour cette deuxième infraction, de la bonne foi dont il arguë ;
" alors que si l'article 23 de la loi du 8 juillet 1987 permet désormais aux contrevenants de rapporter la preuve de leur bonne foi, la démonstration de ce fait justificatif demeure à leur charge ; que l'arrêt attaqué a déclaré qu'il n'était pas établi qu'en n'ayant pas demandé à l'Administration l'autorisation de contracter l'emprunt, les prévenus aient, en connaissance de cause, enfreint la réglementation des changes ; qu'en relaxant dès lors les prévenus en faisant peser sur la demanderesse une preuve qui ne lui incombait pas, la cour d'appel a violé l'article 23 de la loi du 8 juillet 1987 " ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1, 3, 6 du décret du 24 novembre 1968, 1. 3° de l'arrêté du 9 août 1973, 23- I et 24- II de la loi du 8 juillet 1987, 459 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus du chef de défaut de rapatriement de revenus acquis à l'étranger ;
" aux motifs que X... a indiqué, dès sa première audition par les agents des Douanes, le 11 mars 1982, qu'il avait utilisé le produit de la location de l'appartement pour rembourser l'emprunt qu'il avait contracté ; que l'examen du " décompte location " dressé par l'agence immobilière d'Ovronnaz, chargée de la gestion de l'appartement, fait, en effet, apparaître ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, que la quasi-totalité des loyers de l'appartement était affectée par X... au paiement des intérêts de la partie de l'emprunt de 110 000 francs suisses qu'il avait contracté auprès de la Banque cantonale du Valais pour l'acquisition de l'appartement et que celle-ci avait été versée à son compte courant, soit la somme de 20 000 francs suisses ; que le produit locatif effectif encaissé, déduction faite des intérêts dudit prêt, s'est élevé, pour la période comprise entre mars 1979 et mars 1982, à la somme de 68, 05 francs suisses ; qu'il n'est pas établi, en cet état, que les époux X... tenus à l'obligation de rembourser, aux échéances convenues, le prêt consenti à X..., aient manifesté en ne se conformant pas au strict respect de la réglementation des changes leur imposant de rapatrier en France le montant, au demeurant relativement modique, des loyers encaissés puis de demander au ministère de l'Economie et des Finances de leur accorder l'autorisation de rembourser l'emprunt en Suisse au moyen d'un nouveau transfert vers cet Etat du montant desdits loyers, un comportement exclusif de la bonne foi dont ils excipent pour cette dernière infraction alors que leurs explications à cet égard ne sont démenties par aucun élément de la procédure ;
" alors que les résidents sont tenus de rapatrier en France les revenus encaissés à l'étranger ; que l'arrêt attaqué a constaté que les prévenus n'avaient pas rapatrié en France le produit de locations encaissés en Suisse ; qu'en les relaxant cependant de la poursuite, au motif qu'il n'est pas établi que leur comportement ait été exclusif de la bonne foi, la cour d'appel, qui a fait peser sur la demanderesse la charge d'une preuve qui ne lui incombait pas, a violé l'article 23 de la loi du 8 juillet 1987 " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que pour relaxer les époux X..., résidents français, des fins de la poursuite du chef d'infraction à la législation sur les relations financières avec l'étranger, la cour d'appel, après avoir analysé les faits reprochés et observé que l'article 23- I de la loi du 8 juillet 1987 ayant abrogé l'article 369. 2 du Code des douanes qui interdisait aux juridictions de relaxer les contrevenants pour défaut d'intention ceux-ci sont admis à rapporter la preuve de leur bonne foi, constate que Roland X... est en droit de faire valoir, d'une part, qu'il avait la nationalité helvétique lors de l'acquisition d'un appartement en Suisse pour y loger ses parents une partie de l'année, et lors de la souscription de l'emprunt nécessaire à cette acquisition, d'autre part, que le solde des loyers encaissés, déduction faite des intérêts dudit prêt, ne s'est élevé pour la période visée par la prévention qu'à la somme de 68, 05 francs suisses ; qu'ils concluent qu'il n'est pas démontré que les époux X... aient manifesté, en ne se conformant pas au strict respect de la réglementation des changes, un comportement exclusif de leur bonne foi ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Que les moyens, qui, sous le couvert d'un prétendu renversement de la charge de la preuve, remettent en question l'appréciation souveraine par les juges du fond de la bonne foi que les contrevenants sont désormais admis à établir en matière douanière et cambiaire, ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 89-85326
Date de la décision : 01/10/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHANGES - Relations financières avec l'étranger - Infraction à la législation - Fait justificatif - Bonne foi - Appréciation souveraine

DOUANES - Responsabilité pénale - Présomption - Preuve contraire - Appréciation souveraine

Si, depuis l'abrogation de l'article 369.2 du Code des douanes par l'article 23 de la loi du 8 juillet 1987, les contrevenants en matière douanière et cambiaire sont admis à rapporter la preuve de leur bonne foi, l'appréciation de celle-ci relève du pouvoir souverain des juges du fond (1).


Références :

Arrêté du 09 août 1973 art. 1
Décret 68-1021 du 24 novembre 1968 art. 1 art. 3, art. 6
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 23

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre correctionnelle), 11 juillet 1989

CONFER : (1°). (1) Cf. A rapprocher de : Chambre criminelle, 1989-03-16 , Bulletin criminel 1989, n° 131, p. 338 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 oct. 1990, pourvoi n°89-85326, Bull. crim. criminel 1990 N° 324 p. 812
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1990 N° 324 p. 812

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Tacchella, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général :Mme Pradain
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Gondre
Avocat(s) : Avocats :la SCP Boré et Xavier, M. Delvolvé

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:89.85326
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