CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 2 décembre 1987, qui a déclaré irrecevable l'appel par elle interjeté du jugement du tribunal de police l'ayant condamnée pour injure non publique à 1 000 francs d'amende et à des réparations civiles.
LA COUR, Vu le mémoire produit ;
1) Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'à l'audience de la cour d'appel du 14 octobre 1987 à laquelle les débats ont eu lieu, la prévenue X... était présente ; que l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 2 décembre 1987 ; que la décision a été effectivement prononcée à cette date ;
Attendu que de ces énonciations, il ne résulte pas qu'à l'audience du 14 octobre 1987, le président ait informé la prévenue ou son conseil conformément aux prescriptions de l'article 462, alinéa 2, du Code de procédure pénale du jour auquel l'arrêt devait être rendu ni que X... ait été présente lors du prononcé de celui-ci ;
Que, par ailleurs, aucune pièce du dossier ne fait état d'une signification de l'arrêt à la demanderesse ;
Que dès lors, en vertu des dispositions de l'article 568, alinéa 2.1°, du Code de procédure pénale, le délai de pourvoi prévu par l'article 59 de la loi du 29 juillet 1881, applicable en matière de contravention d'injure non publique n'était pas expiré lorsque le 8 décembre 1987, la prévenue a usé de cette voie de recours ;
D'où il suit que le pourvoi est recevable ;
2) Au fond :
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article R. 26.11° du Code pénal, des articles 509, 546 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'appel formé par la prévenue contre le jugement du tribunal de police la condamnant à une peine d'amende de 1 000 francs du chef d'injure non publique, et au paiement d'une somme de 2 000 francs à titre de dommages-intérêts envers la partie civile ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article 546 du Code de procédure pénale cette décision n'est pas susceptible d'appel, si ce n'est lorsque, comme en l'espèce, des dommages-intérêts ont été alloués à la partie civile, mais à la condition que le prévenu attaque par la voie de l'appel tant les dispositions pénales que civiles du jugement ; qu'en l'espèce il résulte de l'examen de l'acte d'appel que la prévenue l'a limité aux seules condamnations pénales et qu'ainsi son appel doit être déclaré irrecevable ;
" alors que, sauf indications contraires expressément formulées dans la déclaration d'appel, l'appel du prévenu est dirigé à la fois contre les condamnations pénales et civiles du jugement ; qu'en l'espèce la prévenue a déclaré, sans réserve aucune, relever appel du jugement du 1er décembre 1986 qui l'avait condamnée à une amende de 1 000 francs pour injures non publiques ; d'où il suit qu'en affirmant que l'appel interjeté par la prévenue portait exclusivement sur l'action publique sans relever aucune limitation ou restriction expresse à la généralité de cet appel, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que selon l'article 546 du Code de procédure pénale le jugement du tribunal de police contenant des dispositions pénales et civiles entre dans la catégorie des décisions rendues en premier ressort susceptibles d'appel de la part du prévenu quelle que soit la peine prononcée ou encourue ;
Attendu qu'aux termes de la déclaration reçue le 3 décembre 1986, X... a interjeté appel du jugement du tribunal de police de Libourne du 1er décembre précédent l'ayant " condamnée à une amende de 1 000 francs pour injure non publique, fait prévu et réprimé par l'article R. 26.11° du Code pénal " ;
Que pour déclarer ce recours irrecevable, l'arrêt attaqué énonce que la décision entreprise n'est pas susceptible d'appel si ce n'est lorsque, comme c'est le cas, des dommages-intérêts ont été alloués à la partie civile mais à la condition que la prévenue, ce qu'elle n'a pas fait, ait attaqué les dispositions tant pénales que civiles du jugement ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, les juges du second degré, qui ont constaté que le jugement entrepris contenait des dispositions civiles, ont méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que l'arrêt encourt la cassation ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 2 décembre 1987, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers.