Attendu, selon l'arrêt déféré (Besançon, 30 novembre 1988), que M. Jacques X..., Mme Pierrette X... et Mme Suzanne Y... (consorts X...) se sont portés cautions solidaires, au profit de la société Chrysler France (société Chrysler), des dettes de la société à responsabilité limitée
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, concessionnaire de la société Chrysler ; que cette dernière est devenue la société Automobiles Talbot (société Talbot) et, en outre, concédante de la société
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; que le 20 décembre 1980, était décidée la fusion de la société Automobiles Peugeot (société Peugeot) et de la société Talbot, résultant de l'absorption de la seconde par la première ; que la société
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a été mise en règlement judiciaire le 9 juillet 1985 ; que la société Peugeot a demandé paiement aux cautions des dettes de la société
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nées postérieurement au 20 décembre 1980 ;.
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Peugeot reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'opération de fusion absorption entraînant transmission universelle du patrimoine de la société absorbée sans opérer de novation, la transmission au créancier succédant d'une convention à exécution successive s'accompagne nécessairement du cautionnement qui en est l'accessoire, sauf à la caution le droit de retirer sa garantie, ou de démontrer que la qualité du créancier en considération de laquelle elle a contracté ne se retrouvait pas dans la personne poursuivant l'exécution du contrat ; qu'en l'espèce, il était constant que les consorts X..., qui n'établissaient pas s'être engagés à l'égard de la société Chrysler en considération d'une autre qualité que celle de concédant au contrat de concession exclusive conclu avec la société
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, n'avaient jamais révoqué leur engagement de caution après que la société Chrysler eût été absorbée par la société Peugeot, à qui elle avait transmis l'universalité de son patrimoine ; qu'en affirmant dès lors que l'obligation de la caution ne pouvait être maintenue pour les dettes nées postérieurement à cette absorption, sans préciser quelle qualité essentielle du créancier ne se fût pas retrouvée dans la personne du concédant lui ayant succédé dans l'exécution du contrat en cours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 2034 et suivants du Code civil et des articles 371 et suivants de la loi du 24 juillet 1966 ; alors, d'autre part, que si quant à son existence le cautionnement doit être exprès, la détermination des personnes à l'égard desquelles il a voulu s'engager résulte de la seule recherche de l'intention des parties ; qu'en l'espèce, la société Peugeot faisait valoir que la souscription du contrat de cautionnement était quasiment obligatoire pour les dirigeants des sociétés concessionnaires au profit des sociétés concédantes ; qu'en se bornant à affirmer, pour rejeter ce moyen, que la société Peugeot ne saurait tirer argument d'une convention de cautionnement passée entre les consorts X... et la société Chrysler, sans rechercher si les conditions dans lesquelles avait été souscrit cet engagement, dont elle affirmait elle-même ne pas contester le caractère quasisystématique, ne démontrait pas l'intention des consorts X... de se porter caution à l'égard de tout concédant succédant Ã
l'exécution du contrat de concession en cours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1156 et 2011 et suivants du Code civil ; et alors, enfin, que les modifications apportées par la loi du 12 juillet 1980 à la rédaction de l'article 109 du Code de commerce, concernant le champ d'application des preuves préconstituées, ne sauraient s'appliquer aux situations juridiques déjà constituées avant la date de son entrée en vigueur ; qu'en l'espèce, la société Peugeot faisait valoir dans ses conclusions que le cautionnement verbal dont elle alléguait l'existence avait été donné par les consorts X... avant l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 1980 et que la preuve de cet engagement pouvait donc être administrée par tous les moyens, dès lors qu'il s'agissait d'un cautionnement commercial ; qu'en affirmant que l'article 109 du Code du commerce ne posait le principe de la liberté de la preuve qu'à l'égard des commerçants, sans même rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cet article, dans sa rédaction postérieure au 12 juillet 1980, était applicable en la cause, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de ce texte ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient à bon droit que la fusion avait entraîné la disparition de la société Chrysler, devenue la société Talbot ; que de ces énonciations, et sans avoir à rechercher si les consorts X... s'étaient engagés au profit de la société Chrysler uniquement en considération de la qualité de cette dernière, concédante de la société
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, et si cette qualité ne se retrouvait pas dans la société Peugeot, la cour d'appel a justement déduit qu'à défaut de manifestation expresse de volonté de la part des consorts X... de s'engager envers la société Peugeot, les cautionnements consentis au profit de la société Chrysler ne pouvaient, pour les dettes nées postérieurement à la fusion, être étendues en faveur de la société Peugeot, ce dont il résulte que, pour ne pas garantir les dettes de la société
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au profit de la société Peugeot, les consorts X... n'avaient pas à révoquer leurs engagements pris au profit de la société Chrysler ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant retenu exactement que la société Peugeot ne pouvait se prévaloir, après le 20 décembre 1980, des cautionnements donnés au profit de la société Chrysler, la cour d'appel a décidé à bon droit que le cautionnement invoqué ne pouvait être prouvé par tous moyens, dès lors qu'était applicable l'article 109 du Code du commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 12 juillet 1980 ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi