Sur les deux moyens réunis pris en leurs diverses branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 1988) qu'un individu, qui ultérieurement s'est révélé être un escroc, a fait ouvrir un compte à la société Lamothe Langevin dans les livres de la banque Hervet (la banque) qui lui a délivré des formules de chèques ; qu'au nom de la société Lamothe Langevin ce personnage a commandé à la société Audio Cassette Industrie (société ACI) et à la société Electronique Service (société ES) des cassettes vidéo vierges dont le prix a été réglé au moyen de chèques tirés sur la banque ; que ces effets n'ont pas été payés faute de provision ; que les sociétés ACI et ES ont assigné la banque en réparation du préjudice subi ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société ACI une somme représentant les trois quarts du montant du chèque tiré au bénéfice de cette société et à la société ES une somme représentant les deux tiers du montant du chèque tiré au bénéfice de celle-ci, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel ne pouvait sans se contredire affirmer tour à tour que les dispositions législatives et réglementaires applicables ont été respectées et que les documents et justificatifs présentés n'étaient pas de nature en soi à éveiller les soupçons d'un préposé de banque normalement diligent, puis que les circonstances dans lesquelles les comptes ont été ouverts auraient dû conduire les préposés à une plus grande diligence ; qu'en effet dès lors qu'elle a respecté les obligations légales et réglementaires mises à sa charge avant la délivrance de chéquiers, la banque n'est tenue qu'à une simple obligation générale de prudence et de diligence qui ne la contraint à aucune enquête complémentaire en l'absence d'indices graves et concordants pouvant laisser présumer une irrégularité décelable par un employé de banque normalement diligent ; qu'en statuant comme elle a fait la cour d'appel a entaché sa décision d'une contrariété de motifs ; alors, d'autre part, que la cour d'appel a, pour les mêmes raisons, affecté son arrêt d'un défaut de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; alors en outre qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas suffisamment caractérisé la faute susceptible de justifier la mise en oeuvre de la responsabilité de la banque, qui doit être appréciée en tenant compte de l'interdiction faite à la banque de s'ingérer dans les affaires de son client et de l'obligation qui lui est faite, par directives des pouvoirs publics, d'encourager les paiements par chèques ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ; alors encore, qu'en statuant de la sorte sans rechercher si la banque en décidant de clôturer le compte litigieux dès que lui sont apparus les premiers indices d'une éventuelle irrégularité, soit moins d'une semaine après la délivrance du chéquier, n'a pas ainsi fait preuve d'une prudence et d'une diligence suffisantes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; alors au surplus, qu'en se bornant à affirmer que la " légèreté " commise par la banque est à l'origine du préjudice subi par les sociétés ACI et ES, la cour d'appel n'a pas suffisamment caractérisé le lien de causalité direct entre la faute et le dommage, et ce en violation des articles 1382 et 1383 du Code civil ainsi que de l'article 455 du nouveau Code de
procédure civile ; et alors enfin, que la banque n'est pas tenue de garantir l'exactitude des renseignements fournis ; qu'il résulte de l'ensemble des éléments de fait relevés par l'arrêt, que l'inexactitude des renseignements n'est apparue qu'a posteriori ; que la cour d'appel qui ne démontre pas en quoi la banque aurait commis une faute d'imprudence ou de négligence en communiquant les seuls renseignements qui étaient à sa disposition au moment où ils ont été fournis, n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui, ayant constaté que les dispositions législatives et réglementaires applicables en l'espèce avaient été respectées, n'a pas mis à la charge de la banque une faute commise lors de l'ouverture du compte, a retenu que les préposés de la banque auraient dû apporter une attention plus grande à l'extrait K bis fourni par la société Lamothe Langevin et qui faisait apparaître comme objet social l'achat et la vente de textiles en gros, tandis que le prétendu gérant affirmait se livrer dorénavant au commerce des vidéo cassettes, et qu'ils n'auraient pas dû " prendre pour argent comptant " les dires de ce personnage concernant les commandes importantes qu'il affirmait avoir reçues et, dès lors, s'abstenir de délivrer des formules de chèques sans procéder à des vérifications complémentaires ; qu'elle a relevé en outre qu'une employée de la banque avait fourni aux sociétés ACI et ES des renseignements sur la société Lamothe Langevin qui avaient créé dans l'esprit de leurs dirigeants une impression favorable les ayant conduits à honorer les commandes reçues ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, hors toute contradiction, sans méconnaître ni le principe de non ingérence ni la portée des directives données par les pouvoirs publics à une banque nationalisée, et dès lors qu'elle n'avait pas à procéder à la recherche inopérante invoquée, la cour d'appel a pu retenir que la banque avait agi avec légèreté et qu'il existait un lien de causalité entre les fautes commises et le dommage subi par les bénéficiaires des chèques sans provision ; d'où il suit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi