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12/06/1990 | FRANCE | N°88-20052

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 12 juin 1990, 88-20052


Attendu que, par acte du 19 octobre 1965 publié à la Conservation des hypothèques, la société Centrale Jemmapes, propriétaire de l'immeuble sis ..., et la Compagnie générale des voitures, propriétaire de l'immeuble voisin au n° 126, se sont engagées à maintenir communes les héberges tant des deux bâtiments que de celui à édifier par la société Centrale Jemmapes et à ne jamais modifier cet état sauf autorisation préfectorale ; que la société Centrale Jemmapes a surélevé son bâtiment en n'édifiant qu'un mur léger en briques protégé par le mur pignon voisin ; qu'à l

a demande de la Société immobilière de France, nouveau propriétaire de l'immeu...

Attendu que, par acte du 19 octobre 1965 publié à la Conservation des hypothèques, la société Centrale Jemmapes, propriétaire de l'immeuble sis ..., et la Compagnie générale des voitures, propriétaire de l'immeuble voisin au n° 126, se sont engagées à maintenir communes les héberges tant des deux bâtiments que de celui à édifier par la société Centrale Jemmapes et à ne jamais modifier cet état sauf autorisation préfectorale ; que la société Centrale Jemmapes a surélevé son bâtiment en n'édifiant qu'un mur léger en briques protégé par le mur pignon voisin ; qu'à la demande de la Société immobilière de France, nouveau propriétaire de l'immeuble sis au n° 126, la propriété de ce dernier a été transférée, conformément à l'article L. 123-9 du Code de l'urbanisme et par ordonnance du 26 octobre 1978 du juge de l'expropriation, à la ville de Paris, qui a procédé, en 1983, en vue de la construction d'une école, à la démolition du bâtiment sur son fonds, mettant ainsi à découvert le mur surélevé du n° 128 ; que l'arrêt attaqué, après avoir constaté l'extinction de la servitude d'héberge commune par l'effet de l'ordonnance de 1978 et jugé que la ville de Paris n'avait commis ni voie de fait, ni emprise irrégulière, a condamné la société Centrale Jemmapes, à la demande de la ville de Paris, à exécuter, sous astreinte, les travaux confortatifs préconisés par expert ;.

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi jugé alors, selon le moyen, d'une part, qu'il résulte de l'article L. 123-9 du Code de l'urbanisme que l'extinction des droits réels à la date du transfert de propriété a pour contrepartie le report sur le prix des droits des créanciers inscrits dans les conditions prévues aux articles L. 12-3 et L. 13-2 du Code de l'expropriation, de sorte qu'en se bornant, pour nier l'existence d'une voie de fait, à relever que la ville de Paris avait bénéficié d'un transfert de propriété par application de l'article L. 123-9 précité et sans rechercher si la société Centrale Jemmapes avait été indemnisée en application du même texte, et, à tout le moins, si la ville de Paris l'avait mise en mesure de prétendre à cette indemnisation, en procédant aux publicités nécessaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard tant des principes posés par la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, que des articles L. 123-9, L. 12-3, L. 13-2 des Codes précités et 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, que la voie de fait étant caractérisée dès qu'une atteinte particulièrement grave est portée à la propriété d'autrui, même s'il n'y a pas empiétement sur son fonds, la cour d'appel a violé les textes précités en déniant la qualification de voie de fait à la démolition du bâtiment au seul motif que la ville de Paris n'avait pas empiété sur le fonds voisin ;

Mais attendu, d'abord, que selon les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 123-9 du Code de l'urbanisme, dans sa rédaction de la loi du 31 décembre 1976 applicable en la cause, la décision portant transfert de propriété éteint par elle-même et à sa date tous droits réels existant sur l'immeuble cédé et que seuls les droits des créanciers inscrits sont reportés sur le prix dans les conditions prévues par l'article 8 de l'ordonnance du 23 octobre 1958, devenu l'article L. 12-3 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; qu'en l'état de cette législation, et à défaut de référence expresse, les dispositions de l'article 13-2 du Code de l'expropriation relatives à l'appel de ceux qui peuvent réclamer des servitudes ou à la mise en demeure des autres intéressés de faire valoir leurs droits par publicité n'étaient pas applicables au cas de délaissement défini par l'article L. 123-9 du Code de l'urbanisme ; qu'en tout état de cause, l'absence d'indemnisation pour extinction d'une servitude qui n'entraîne pas dépossession ou abandon d'un bien par le propriétaire n'est pas constitutive d'une voie de fait ; que par ces motifs de pur droit complétant ceux de l'arrêt attaqué, qui a retenu l'extinction de la servitude, cette décision se trouve légalement justifiée ;

Attendu, ensuite, que les travaux de démolition entrepris par la ville de Paris sur un terrain dont elle est propriétaire ne sauraient être regardés, alors même qu'ils auraient méconnu une servitude établie pour partie dans l'intérêt d'un fonds voisin ni comme une voie de fait, ni comme une emprise irrégulière ; que la cour d'appel a ainsi justement retenu qu'en démolissant des bâtiments sur son fonds, sans jamais empiéter sur celui du n° 128 et sans égard à la circonstance qu'elle connaissait ou devait connaître la servitude conventionnelle, la ville de Paris n'a pas commis les agissements reprochés ;

Qu'il s'ensuit qu'en aucune de ses branches, le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le second moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 septembre 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 88-20052
Date de la décision : 12/06/1990
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° URBANISME - Plan d'occupation des sols - Terrain réservé pour une voie - un ouvrage public - une installation d'intérêt général ou un espace vert - Délaissement défini par l'article L - du Code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1976 - Procédure prévue par l'article L - 13-2 du Code de l'expropriation - Application (non).

1° PROPRIETE - Atteinte au droit de propriété - Emprise irrégulière - Travaux de démolition - Servitude établie dans l'intérêt du fonds voisin - Absence d'empiétement sur celui-ci (non).

1° Les dispositions de l'article L. 13-2 du Code de l'expropriation n'étaient pas applicables au cas de délaissement défini par l'article L. 123-9 du Code de l'urbanisme en l'état de sa rédaction de la loi du 31 décembre 1976, applicable en la cause, et de l'article 8 de l'ordonnance du 23 octobre 1958, devenu l'article L. 12-3 du Code de l'expropriation.

2° SEPARATION DES POUVOIRS - Voie de fait - Définition - Atteinte à une liberté fondamentale ou au droit de propriété - Absence d'indemnisation pour extinction d'une servitude - Extinction n'ayant pas entraîné dépossession (non).

2° SEPARATION DES POUVOIRS - Voie de fait - Définition - Atteinte à une liberté fondamentale ou au droit de propriété - Travaux de démolition - Servitude établie dans l'intérêt du fonds voisin - Absence d'empiétement sur celui-ci (non).

2° N'est pas constitutive d'une voie de fait l'absence d'indemnisation pour extinction d'une servitude qui n'entraîne pas dépossession ou abandon d'un bien par le propriétaire, pas plus que des travaux de démolition qui n'empiètent pas sur le fonds voisin, alors même qu'ils auraient méconnu une servitude établie pour partie dans l'intérêt de celui-ci. Ces travaux ne constituent pas davantage une emprise irrégulière.


Références :

Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique L12-3
Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique L13-2, L12-3
Code de l'urbanisme L123-9

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 septembre 1988

A RAPPROCHER : (2°). Chambre civile 3, 1981-11-03 , Bulletin 1981, III, n° 172 (2), p. 124 (cassation) ; Tribunal des conflits, 1981-10-26 Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Armenonville contre Ville de Cannes Recueil Lebon p. 507.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 12 jui. 1990, pourvoi n°88-20052, Bull. civ. 1990 I N° 168 p. 118
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1990 I N° 168 p. 118

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Camille Bernard, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Premier avocat général : M. Sadon
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Lemontey
Avocat(s) : Avocats :MM. Cossa, Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:88.20052
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