Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il résulte du jugement attaqué (tribunal de grande instance de Saverne, 25 mars 1988), que M. et Mme X... ont, par acte notarié du 21 février 1984, fait donation à leur fille, âgée de 17 mois, de la nue-propriété d'un immeuble que M. X... avait lui-même reçu de ses parents par acte de partage anticipé du 1er juin 1978 ; qu'il était précisé dans l'acte que la donation était consentie conjointement par les deux époux X... bien que M. X... ait été seul propriétaire de l'immeuble, en vertu de l'article 1438 du Code civil, pour procurer à la donataire un établissement personnel indépendant et que les donateurs entendaient bénéficier d'un double abattement, la donation, bien que portant sur un bien personnel, étant consentie conjointement par les époux ; que l'administration des Impôts a émis le 7 février 1985 un avis de redressement en admettant un seul abattement, la donation ne correspondant pas d'après elle aux conditions de l'article 1438 du Code civil ; que, saisi par les consorts X..., le tribunal a dit que le double abattement ne pouvait être applicable en l'espèce ;
Attendu que les consorts X... font grief au jugement déféré d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, que l'Administration ne peut écarter comme ne lui étant pas opposable un acte passé par un contribuable qu'en faisant application de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales, et qu'il lui revient donc alors d'établir que cet acte a un caractère fictif ou n'a été conclu par l'intéressé qu'en vue d'éluder les impositions qu'il aurait dû normalement supporter ; qu'ainsi, le tribunal qui, pour ne pas examiner les moyens suivant lesquels les conditions d'application de l'article L. 64 ne se trouvant pas réunies, l'Administration n'avait pu légalement écarter l'acte de donation conclu selon les prévisions de l'article 1438 du Code civil, a décidé que l'Administration ne s'était pas fondée sur cette disposition du Livre des procédures fiscales, a violé celle-ci par refus d'application ; alors, d'autre part, qu'en ne répondant pas au moyen tiré de ce que l'acte de donation conclu par application de l'article 1438 du Code civil ne permettait au contribuable, dans le meilleur des cas, que de différer l'imposition, et ne pouvait donc avoir pour objet exclusif d'éluder celle-ci, le tribunal a entaché sa décision d'un défaut de motifs, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que l'application de l'article 1438 du Code civil, qui a pour seul objet de régler le fonctionnement de la communauté légale lorsque les parents dotent conjointement leur enfant commun, est indifférente à l'âge de cet enfant et à la date à laquelle il s'établira ; qu'ainsi, en se fondant uniquement, pour déclarer fictif l'acte de donation conclu sur le fondement de l'article 1438, sur le jeune âge de l'enfant doté, le tribunal a méconnu le sens et la portée de ce texte ;
Mais attendu, en premier lieu, que, lorsqu'elle conteste la qualification d'un acte enregistré, l'administration des Impôts considère cet acte comme lui étant inopposable en ce qu'il dissimule sa portée véritable à l'aide de clauses donnant ouverture à des droits d'enregistrement moins élévés, et qu'en retenant une autre qualification, cette administration entend restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse ; que, dès lors, le redressement entre dans les prévisions de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales, même si la notification du redressement ne vise pas ce texte et que, selon sa rédaction antérieure à la loi du 8 juillet 1987 applicable en la cause, en l'absence de saisine du comité consultatif pour la répression des abus de droit, l'Administration était tenue d'établir que l'acte soit était fictif, soit avait pour seul but d'éluder les impositions dont était passible l'opération réelle ;
Attendu, en second lieu, qu'une donation ne peut être qualifiée de dot qu'à la condition de pourvoir à l'établissement autonome du donataire ; qu'il s'ensuit qu'une donation faite, comme en l'espèce, en nue-propriété au profit d'un enfant de 17 mois, ne peut s'analyser en une constitution de dot, et que, l'acte ainsi qualifié étant fictif au regard de l'article L. 64 précité, l'opération a le véritable caractère de simple donation ;
Attendu que, par ces motifs de pur droit substitués aux motifs justement critiqués par le pourvoi, le jugement se trouve justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi