Attendu que, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, la société Ateliers et Chantiers de la Manche (le constructeur) s'est engagée à construire un navire de pêche pour la société Océanique de Pêche et d'Armement (l'armateur) ; que le groupe de propulsion a été fourni par la société Alsthom Atlantique Semt Dielstied (société ALSTHOM), qui l'avait elle-même commandé à la société Engrenages Citroën et Etablissements Messian Réunis (Messian) ; qu'au cours des essais, des avaries sont apparues sur le réducteur ; qu'après réparation par les techniciens de la société Messian les mêmes défauts se sont manifestés lors de nouveaux essais ; qu'en signant le procès-verbal de réception définitive, l'armateur a émis des réserves, acceptées par le constructeur, notamment pour ce qui concernait le " réducteur " ; qu'ultérieurement, une nouvelle avarie est survenue au même organe mécanique, entraînant une réparation qui a retardé l'appareillage du navire pour ses lieux de pêche ; qu'après le dépôt du rapport de l'expert qui avait été désigné judiciairement, l'armateur a assigné le constructeur en dommages et intérêts pour la perte d'exploitation subie ; que le constructeur a appelé en garantie les sociétés Alsthom et Messian ; que M. X..., mandataire liquidateur du constructeur, mis en liquidation judiciaire au cours de la procédure, et la société Ciam, assureur du constructeur, sont intervenus en la cause ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche et sur le premier moyen du pourvoi incident :
Vu l'article 8 de la loi du 3 janvier 1967 ;
Attendu que l'action en garantie contre le constructeur d'un navire se prescrit par un an ;
Attendu que, pour écarter le moyen tiré de la prescription annale prévue à l'article 8 de la loi du 3 janvier 1967, la cour d'appel a retenu que l'action intentée par l'armateur était fondée sur la méconnaissance par le constructeur de son obligation de délivrance et sur le défaut de conformité du navire aux prévisions contractuelles ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses énonciations que l'action tendait à l'indemnisation des dommages consécutifs aux défauts affectant l'organe mécanique litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que, pour écarter la clause contractuelle de limitation d'indemnité, l'arrêt relève qu'après la recette du navire avec des réserves concernant le graissage du réducteur, de nouveaux désordres s'étaient manifestés imposant du fait de l'endommagement de coussinets du même organe, des réparations à deux reprises et en déduit que les anomalies en cause caractérisaient des fautes lourdes ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la faute lourde est caractérisée par un comportement d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs tant du pourvoi principal que du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen