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20/03/1990 | FRANCE | N°89-83887

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 mars 1990, 89-83887


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Philippe, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 21 février 1989, qui a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile dans l'information suivie contre X des chefs de dégradation d'objet immobilier et vol ;
Vu l'article 575, alinéa 2. 2°, du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 1er août 1984, Paule Y..., veuve Z..., a fait parvenir au juge d'instruction de

Nanterre une plainte avec constitution de partie civile par laquelle elle déno...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Philippe, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 21 février 1989, qui a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile dans l'information suivie contre X des chefs de dégradation d'objet immobilier et vol ;
Vu l'article 575, alinéa 2. 2°, du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 1er août 1984, Paule Y..., veuve Z..., a fait parvenir au juge d'instruction de Nanterre une plainte avec constitution de partie civile par laquelle elle dénonçait des faits de dégradation de biens immobiliers et de vol qui auraient été commis en juin et juillet 1984 sur un immeuble, sis à Levallois-Perret, dont elle déclarait être copropriétaire ; qu'au cours de l'information ouverte contre personne non dénommée la dame Z... est décédée le 16 janvier 1985 ; que son petit-fils Philippe X... a, le 4 février 1986, fait connaître au juge d'instruction qu'il reprenait à son compte, comme partie civile, la plainte déposée ; qu'il a versé au dossier un acte de notoriété selon lequel il est légataire d'une partie de la quotité disponible dans la succession de sa grand-mère ; qu'en outre, il a révélé que l'immeuble en cause était l'objet d'une procédure d'expropriation et qu'il imputait les faits reprochés au maire de Levallois-Perret, Patrick A... ;
Qu'à la suite de ces révélations, le procureur de la République a, en vertu de l'article 681 du Code de procédure pénale, présenté requête à la Cour de Cassation qui, par arrêt du 7 janvier 1987, a désigné la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles pour être chargée de l'information ;
Que Philippe X... a, le 17 juin 1988, fait parvenir une nouvelle plainte, visant les mêmes faits, à la chambre d'accusation désignée laquelle, par l'arrêt attaqué, a déclaré la constitution de partie civile irrecevable ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 3 et 681 du Code de procédure pénale, 485, 693 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision attaquée a déclaré irrecevable la reprise d'instance faite par M. X... en tant que légataire de sa grand-mère ;
" aux motifs que la constitution de partie civile de la dame veuve Z... serait irrecevable, car l'information avait été ouverte le 4 octobre 1984, en application de l'article 86 du Code de procédure pénale, qu'aussi bien le doyen des juges d'instruction que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre auraient été tenus dans l'ignorance des faits concernant la procédure d'expropriation, cependant que la partie civile et ses représentants ne pouvaient agir qu'en respectant les dispositions de l'article 681, alinéa 1 ou alinéa 3, du Code de procédure pénale ; que la dame veuve Z... s'est donc constituée partie civile devant un juge incompétent ; que cette incompétence est d'ordre public et qu'en qualité d'héritier de la dame Z..., Philippe X... n'est pas recevable à reprendre cette action et à se constituer, à ce titre, partie civile devant la chambre d'accusation de Versailles ;
" alors que l'incompétence résultant des règles de compétence dérogatoire au droit commun instituées par l'article 681 du Code de procédure pénale n'existe légalement qu'à partir du moment où les magistrats saisis ont eu connaissance de la qualité de la ou des personnes susceptibles d'être mises en cause ; qu'à supposer que la dame Z..., représentée par le demandeur, n'ait pas révélé des faits qu'elle connaissait et qui auraient été susceptibles d'aboutir à la mise en cause du maire de Levallois-Perret, cet élément n'était pas de nature à rendre incompétent le juge saisi ; que ce n'est, en effet, que la connaissance par celui-ci de la qualité des personnes susceptibles d'être mises en cause qui est susceptible de fonder son incompétence ; que c'est donc à tort que la Cour, qui constate que les magistrats du tribunal de Nanterre ont saisi la chambre criminelle dans le cadre de l'article 681 dès qu'ils ont eu connaissance de faits susceptibles de mettre en cause le maire de Levallois-Perret, ont considéré que la dame veuve Z... avait porté plainte devant un magistrat incompétent ;
" alors, d'autre part, que s'il résulte des constatations de fait de l'arrêt que ce n'est que le 6 février 1986 que M. X... a mis explicitement en cause A... et diverses personnes, la décision attaquée qui ne constate pas que M. X... ait pu, dès l'origine, avoir des soupçons quant aux auteurs des infractions commises, n'a, en toute hypothèse, pas légalement justifié sa décision " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que ce n'est que lorsqu'il apparaît dans la procédure que l'une des personnes visées à l'article 681 du Code de procédure pénale est susceptible d'être inculpée que le procureur de la République doit présenter à la Cour de Cassation la requête prévue par ce texte, et que la juridiction saisie devient incompétente ;
Attendu que, pour décider que la plainte avec constitution de partie civile déposée par la dame Z... était irrecevable et que Philippe X... n'était pas davantage recevable à reprendre l'action, les juges relèvent que la partie civile et son représentant ont tenu le juge d'instruction et le procureur de la République dans l'ignorance des circonstances exactes de la cause et du rôle imputé au maire de Levallois-Perret ; qu'ils estiment que la partie civile devait agir en observant les dispositions de l'article 681 du Code de procédure pénale ; qu'ils en déduisent que la constitution de partie civile de la dame Z... a été faite devant un juge incompétent ;
Mais attendu, d'une part, que, tant que la Cour de Cassation n'a pas désigné la juridiction pouvant être chargée de l'instruction, le plaignant ne peut se constituer partie civile que devant le juge d'instruction territorialement compétent ; que, d'autre part, si les dispositions de l'article 681 précité sont d'ordre public et s'il est du devoir des juridictions d'en faire d'office assurer le respect, c'est seulement lorsque le procureur de la République doit présenter requête à la Cour de Cassation que la juridiction saisie devient incompétente ; qu'aucune obligation n'est imposée sur ce point à la partie civile, sans qualité pour provoquer la désignation de la juridiction devant être chargée de l'affaire ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 3 du Code de procédure pénale, 1020 et suivants du Code civil, 485, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision attaquée a déclaré irrecevable une plainte avec constitution de partie civile, déposée le 17 juin 1988, par Philippe X... ;
" aux motifs qu'il résulte de l'information que Philippe X... a porté plainte pour des dégradations à l'immeuble du 2 bis, rue Henri Barbusse et un vol qui aurait été perpétré dans cet immeuble ; que dans sa plainte, il affirme que la répétition des infractions qu'il a constatées paraît démontrer que l'immeuble est la cible d'une bande de malfaiteurs qui n'hésitent pas à utiliser tous les moyens pour arriver à leurs fins ; qu'il résulte cependant de l'information diligentée à Nanterre, qu'en réalité l'immeuble décrit n'existe plus depuis plusieurs années, ayant été démoli à la suite d'une procédure d'expropriation ; qu'il ressort de la même information qu'aux mois de juin et juillet 1984, Philippe X... n'était ni propriétaire, ni copropriétaire, ni occupant de l'immeuble litigieux ; que les droits éventuels de propriété ou de copropriété de Philippe X... sur l'immeuble ne sont susceptibles d'être consécutifs qu'au décès de Mme veuve Z..., sa grand-mère, décédée le 16 janvier 1985, c'est-à-dire postérieurement aux faits dénoncés par son petit-fils ; qu'à supposer établies les infractions énoncées par ce dernier, il est exclu que celles-ci aient pu lui occasionner personnellement un préjudice directement causé par lesdites infractions ;
" alors que lorsque l'infraction est commise avant le décès de la victime, les héritiers, et légataires universels ou à titre universel recueillent, dans le patrimoine de leur auteur, l'action civile qui résultait de l'infraction ; que, dans ces conditions, la chambre d'accusation devait rechercher si M. X..., en tant que légataire à titre universel de sa grand-mère, n'avait pas recueilli dans le patrimoine de celle-ci, l'action civile dont elle était titulaire ; qu'en déclarant irrecevable la constitution de partie civile du demandeur par le motif que Paule Malga Y..., veuve de René Z... est décédée le 16 janvier 1985, c'est-à-dire postérieurement aux faits dénoncés par son petit-fils, Philippe X..., de telle sorte qu'à supposer établies les infractions dénoncées par ce dernier, il est exclu que celles-ci aient pu lui occasionner, personnellement, un préjudice directement causé par lesdites infractions et que la constitution de partie civile de Philippe X... sur sa plainte du 17 juin 1988, doit être déclarée irrecevable, la cour d'appel a violé les principes gouvernant la transmission de l'action civile aux héritiers et légataires à titre universel " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 85 du Code de procédure pénale et l'article 1010 du Code civil ;
Attendu que, selon l'article 85 du Code de procédure pénale, il suffit, pour que la constitution de partie civile soit recevable lors de l'instruction préalable, que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et la relation de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ;
Attendu que l'action de la partie civile décédée en cours d'instance se transmet à ses ayants droit qui l'exercent dans son intégralité et sont fondés à obtenir la réparation du préjudice que l'infraction avait causée à leur auteur ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de Philippe X..., la chambre d'accusation énonce encore que les faits auraient été commis alors que celui-ci n'avait aucun droit sur l'immeuble en cause et que ses droits " ne sont susceptibles que d'être consécutifs au décès " de la veuve Z... et, qu'à supposer les infractions établies, il est exclu que celles-ci aient pu lui occasionner personnellement un préjudice direct ;
Mais attendu, d'une part, que la plainte du 17 juin 1988 n'est que la réitération par Philippe X... de celle du 1er août 1984 et de sa déclaration au juge d'instruction, du 4 février 1986, par laquelle il reprenait à son compte la constitution de partie civile de sa grand-mère ; que c'est l'information alors ouverte qui se poursuit devant la chambre d'accusation, la mise en cause du maire de Levallois-Perret étant apparue seulement en cours de procédure ;
Que, d'autre part, il n'importe que Philippe X..., à la date à laquelle les faits dénoncés auraient été commis, n'ait personnellement possédé aucun droit sur l'immeuble litigieux dès lors qu'en sa qualité de légataire d'une part de la quotité disponible il recueille dans la succession, sur laquelle il justifie, en l'état, de ses droits, l'action appartenant à la partie civile constituée, aujourd'hui décédée ;
Qu'ainsi la cassation est encore encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, du 21 février 1989, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 89-83887
Date de la décision : 20/03/1990
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CRIMES ET DELITS COMMIS PAR DES MAGISTRATS ET CERTAINS FONCTIONNAIRES - Magistrats - préfets ou maires - Plainte avec constitution de partie civile - Plainte avant désignation de la juridiction d'instruction - Prescription - Action publique - Effet suspensif.

1° ACTION PUBLIQUE - Extinction - Prescription - Suspension - Crimes et délits commis par des magistrats et certains fonctionnaires - Magistrats - préfets ou maires - Plainte avec constitution de partie civile - Plainte avant désignation de la juridiction d'instruction 1° PRESCRIPTION - Action publique - Suspension - Crimes et délits commis par des magistrats et certains fonctionnaires - Magistrats - préfets ou maires - Plainte avec constitution de partie civile - Plainte avant désignation de la juridiction d'instruction.

1° Lorsqu'une plainte avec constitution de partie civile mettant en cause l'une des personnes visées à l'article 681 du Code de procédure pénale est déposée auprès du juge d'instruction, elle suspend la prescription tant que la procédure prévue par l'article précité est en cours et que l'arrêt portant désignation de juridiction n'a pas été signifié au plaignant (arrêt n° 1) (1).

2° CRIMES ET DELITS COMMIS PAR DES MAGISTRATS ET CERTAINS FONCTIONNAIRES - Magistrats - préfets ou maires - Plainte avec constitution de partie civile - Plainte devant la chambre d'accusation désignée - Renouvellement - Défaut - Portée.

2° Quand il y a lieu à application de l'article 681 du Code de procédure pénale, le plaignant doit renouveler auprès de la chambre d'accusation chargée de l'instruction la plainte avec constitution de partie civile précédemment portée devant le juge d'instruction ; faute de l'avoir fait, il ne peut se prévaloir des droits attachés à la qualité de partie civile (arrêt n° 1) (2).

3° CRIMES ET DELITS COMMIS PAR DES MAGISTRATS ET CERTAINS FONCTIONNAIRES - Magistrats - préfets ou maires - Plainte avec constitution de partie civile - Plainte avant désignation de la juridiction d'instruction - Obligations de la partie civile - Obligation de révéler la qualité de la personne mise en cause (non).

3° CRIMES ET DELITS COMMIS PAR DES MAGISTRATS ET CERTAINS FONCTIONNAIRES - Magistrats - préfets ou maires - Plainte avec constitution de partie civile - Plainte avant désignation de la juridiction d'instruction - Obligations du procureur de la République - Moment.

3° Tant qu'il ne résulte pas des pièces de l'information que l'une des personnes énumérées à l'article 681 du Code de procédure pénale est susceptible d'être inculpée, le juge d'instruction territorialement compétent conserve sa compétence ; aucune irrégularité de la procédure ne saurait résulter du défaut de précision donné sur ce point par la partie civile (arrêt n° 2)

4° ACTION CIVILE - Partie civile - Décès en cours d'instance - Transmission de l'action aux héritiers.

4° L'action civile exercée par la victime d'une infraction décédée au cours de la procédure se transmet à ses ayants droit, qui sont fondés à obtenir la réparation du préjudice que cette infraction aurait causé à leur auteur (arrêt n° 2) (3).


Références :

Code de procédure pénale 681

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (chambre d'accusation), 21 février 1989

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1986-12-16 , Bulletin criminel 1986, n° 372, p. 971 (cassation sans renvoi) ;

Chambre criminelle, 1988-04-12 , Bulletin criminel 1988, n° 150, p. 389 (cassation sans renvoi). CONFER : (2°). (2) Cf. A rapprocher : Chambre criminelle, 1986-12-16 , Bulletin criminel 1986, n° 372, p. 971 (cassation sans renvoi). CONFER : (4°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1982-05-18 , Bulletin criminel 1982, n° 123, p. 351 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 mar. 1990, pourvoi n°89-83887, Bull. crim. criminel 1990 N° 121 p. 313
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1990 N° 121 p. 313

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Milleville (arrêt n° 1), M. Zambeaux (arrêt n° 2)
Avocat(s) : Avocats :la SCP Waquet, Farge et Hazan, M. Consolo (arrêt n° 1), M. Ryziger (arrêt n° 2)

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:89.83887
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