Attendu que selon l'arrêt attaqué la société X..., titulaire de la marque X... déposée en renouvellement le 28 décembre 1982 sous le n° 649 906, enregistrée sous le n° 1 223 099 pour les produits des classes 1 à 42, a demandé la condamnation pour contrefaçon de la société Les Grands Chais de France et de M. Jean-Paul X... qui ont déposé le 10 mai 1985 les marques JP X... sous le n° 2827 et Jean-Paul X... sous le n° 2828 pour tous les produits de la classe 33, à savoir les boissons alcoolisées ;.
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Les Grands Chais de France et M. Jean-Paul X... font grief à l'arrêt d'avoir refusé de prononcer la déchéance de la marque X... pour défaut d'exploitation en ce qui concerne les vins et spiritueux, alors que, selon le pourvoi, le principe de spécialité des marques s'applique même aux marques notoires ; que la similitude ou l'analogie susceptible de faire écarter la déchéance pour défaut d'exploitation s'applique aux produits concernés, mais ne peut être déduite d'aspects contingents, tels le caractère luxueux dès lors qu'il n'est pas inhérent auxdits produits ; que l'exploitation d'une marque dans le secteur des vêtements et parfums, qui n'implique pas nécessairement un caractère luxueux ne peut donc exclure la déchéance à l'égard des vins et spiritueux, produits qui ne sont pas non plus nécessairement luxueux ; qu'en retenant comme source du risque de confusion ce seul caractère luxueux purement éventuel, qui ne découle pas de la nature des produits concernés et qui, pouvant être étendu à tout produit, conférerait à la marque une protection générale et absolue en dépit de son exploitation limitée à un secteur précis de l'activité économique, la cour d'appel a violé les articles 1er, 5 et 11 de la loi du 31 décembre 1964 ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la notoriété de la marque de la société X..., qui avait été déposée également pour les boissons alcoolisées de la classe 33, était avérée ; qu'elle n'avait pas été exploitée dans cette classe mais l'avait été dans plusieurs autres, la cour d'appel, recherchant si le prononcé de la déchéance pour ces boissons pouvait entraîner un risque de confusion au détriment de la marque de cette société, a retenu l'extension progressive de l'activité de la société X... à des produits de plus en plus divers et qui avaient en commun un certain caractère de raffinement, et de luxe, a relevé les mêmes caractères pour certains vins et alcools, et a considéré, par une appréciation souveraine, qu'il existait un risque de confusion ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1964 ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la recevabilité du second moyen contestée par la défense :
Attendu que la société X... soutient que le moyen est irrecevable comme étant nouveau ;
Mais attendu que cette fin de non-recevoir, invoquée après l'expiration du délai prévu à l'article 982 du nouveau Code de procédure civile dans sa rédaction applicable en la cause, est irrecevable ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 2 de la loi du 31 décembre 1964 sur les marques ;
Attendu qu'après avoir constaté l'exploitation de la marque de la société X... pour un certain nombre de produits relevant de plusieurs classes et retenu la contrefaçon, par M. Jean-Paul X..., de cette marque pour les boissons alcoolisées de la classe 33 désignée lors du dépôt, la cour d'appel a interdit à l'intéressé de faire usage de la dénomination X... à quelque titre que ce soit ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors qu'en tout état de cause le juge est tenu de délimiter le champ d'application de l'interdiction prononcée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a omis de limiter l'interdiction prononcée à l'encontre de M. Jean-Paul X... aux produits exploités par la marque de la société X... et à ceux relevant de la classe 33, l'arrêt rendu le 29 janvier 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz