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16/01/1990 | FRANCE | N°88-83193

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 janvier 1990, 88-83193


REJET du pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre des appels correctionnels, en date du 29 avril 1988 qui, pour infractions au Code du travail, l'a condamné à 4 amendes de 5 000 francs chacune et qui l'a dispensé des mesures d'affichage et de publication de la décision.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 232-12 ancien, L. 263-2, L. 263-6, R. 232-1-7 du Code du travail, du décret n° 84-1093 du 7 décembre 1984, des articles 4 du Code pénal, 6 et 593 d

u Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de con...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre des appels correctionnels, en date du 29 avril 1988 qui, pour infractions au Code du travail, l'a condamné à 4 amendes de 5 000 francs chacune et qui l'a dispensé des mesures d'affichage et de publication de la décision.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 232-12 ancien, L. 263-2, L. 263-6, R. 232-1-7 du Code du travail, du décret n° 84-1093 du 7 décembre 1984, des articles 4 du Code pénal, 6 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de constater l'extinction de l'action publique par abrogation de la loi pénale ;
" aux motifs que l'article L. 263-2 du Code du travail demeure ; qu'il sanctionne les infractions aux règles d'hygiène et de sécurité des travailleurs ; que, parmi celles-ci dans la sous-section assainissement, l'article R. 232-12 du Code du travail prévoyait " l'évacuation hors des locaux de travail des gaz insalubres ou toxiques, au fur et à mesure de leur production... par tout appareil d'élimination efficace et le renouvellement de l'air des ateliers pour qu'il reste dans l'état de pureté nécessaire à la santé des travailleurs " ; que les exigences se retrouvent pratiquement mot pour mot dans le texte de l'article R. 232-1-7 résultant de la nouvelle rédaction de la sous-section 1 de la section I du chapitre II du Titre III du Livre II du Code du travail, chapitre consacré à l'hygiène, rédaction résultant du décret n° 84-1093 du 7 décembre 1984 dont les dispositions ont été déclarées applicables à compter du 1er janvier 1987, parmi lesquelles l'abrogation de l'article R. 232-12 susvisé mais dont l'intitulé expose : " modifiant les sections I et VII du chapitre II du Titre III du Code du travail " ; que cette modification assure la continuité de l'incrimination des contrevenants aux règles d'hygiène et de sécurité sanctionnée par l'article L. 263-2 du Code du travail ;
" alors que l'article R. 232-12 ancien du Code du travail servant de base à la poursuite des faits visés dans la citation a été abrogé par le décret n° 84-1093 du 7 décembre 1984, sans que puissent leur être appliquées rétroactivement les dispositions de l'article R. 232-1-7 résultant du même décret ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué devait constater l'extinction de l'action publique par l'abrogation de la loi pénale " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 551, 565, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen du prévenu tiré de la nullité de la citation ;
" aux motifs qu'en l'espèce a bien été énoncé le fait poursuivi et l'article de la partie législative du Code du travail qui le réprime ; qu'il n'y a pas dans la rédaction de la citation de cause de nullité alors que le prévenu ne peut se prévaloir d'une atteinte à ses intérêts, les faits reprochés étant parfaitement décrits, alors qu'il en était déjà informé ;
" alors qu'en visant l'ancien article R. 232-12 abrogé du Code du travail, la citation ne permettait pas au prévenu de savoir quel était le texte dont l'application serait demandée à son encontre ; que ce doute, portant atteinte aux intérêts de la personne citée, devait entraîner la nullité de la citation " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme sur la culpabilité que le 8 juillet 1986, il a été constaté par l'inspecteur du Travail dans les locaux de la brasserie SA X...-Y... et compagnie qu'aucune installation de détection du gaz carbonique et de ventilation n'avait été réalisée, malgré la mise en demeure notifiée le 22 novembre 1985 par les services de l'inspection du Travail, en application des articles L. 231-2, L. 231-4 et R. 232-12 ancien du Code du travail, à la suite d'un accident mortel par asphyxie subi par un salarié de l'entreprise le 1er octobre 1985 ; que Michel X..., " président-directeur général " de la société, a été poursuivi devant la juridiction répressive, à raison de ces faits, sur le fondement des articles R. 232-12 précité, L. 263-2 et L. 263-6 du Code du travail ;
Attendu que devant les juges du fond, Michel X... a sollicité sa relaxe en faisant valoir que l'article R. 232-12 visé par la citation à comparaître avait été abrogé par le décret n° 84-1093 du 7 décembre 1984, et que les dispositions de l'article R. 232-1-7 du même Code en matière d'aération et d'assainissement n'étaient pas encore applicables le 8 juillet 1986 et qu'en conséquence l'action publique était éteinte à son égard par suite de l'abrogation de la loi pénale ;
Attendu que pour écarter cette argumentation, la cour d'appel énonce tout d'abord que le prévenu a été poursuivi en application de l'article L. 263-2 du Code du travail ; qu'elle ajoute que ce texte législatif, qui demeure, sanctionne les règles d'hygiène bénéficiant aux travailleurs, et que, parmi ces règles, dans une sous-section intitulée " assainissement ", l'article R. 232-12 du Code du travail prévoyait l'évacuation, hors des locaux de travail, des gaz incommodes ou toxiques, au fur et à mesure de leur production, par tout appareil d'élimination efficace, et le renouvellement de l'air des ateliers pour qu'il reste dans l'état de pureté nécessaire à la santé des travailleurs ; que les juges observent encore que ces exigences sont reprises dans l'article R. 232-1-7 du Code du travail, tel qu'issu du décret du 7 décembre 1984, et devenu depuis l'article R. 232-5-7, et qu'ainsi la continuité de l'incrimination a été assurée ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués par le demandeur, dès lors que si le décret du 7 décembre 1984 prévoit que sont abrogées les dispositions concernant l'aération et l'assainissement des locaux de travail antérieurement en vigueur, cette abrogation n'est devenue effective qu'au moment de la mise en application dudit décret, à la date fixée par l'article 8 de ce texte ;
Qu'il s'ensuit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 232-12 ancien, L. 263-2, L. 263-6, R. 232-1-7 du Code du travail, du décret n° 84-1093 du 7 décembre 1984, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable du délit d'inobservation de la législation sur la sécurité du travail ;
" aux motifs que Jean (lire : Michel) X... vient tardivement prétendre qu'il incombait à d'autres de satisfaire aux exigences de l'inspecteur du Travail ; que la Cour ne peut en trouver la preuve dans les attestations comportant le même texte dactylographié (...) qui relate que les questions relatives à la sécurité et aux relations avec l'inspecteur du Travail étaient traitées selon un organigramme joint ; que celui-ci n'attribue pas de compétence spéciale au président-directeur général et, s'il existe des directeurs de divers services techniques, il n'y apparaît pas que la sécurité ait été déléguée à l'un d'eux ou à un subordonné ; que le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 28 juin 1985 énonçant les pouvoirs du président-directeur général et de Jean-Louis X...- directeur général-n'attribue pas la charge de la sécurité à l'un plutôt qu'à l'autre ; qu'en conséquence, c'est par une juste application des dispositions de l'article L. 263-2 du Code du travail que la responsabilité de Jean X... a été recherchée, observation étant faite au surplus que la dépense importante du matériel de sécurité nécessitait son intervention et que la caisse régionale d'assurance maladie informée du risque avait procédé à une inspection qui l'amenait à majorer les cotisations de l'entreprise ;
" alors que l'arrêt attaqué a laissé sans réponse les chefs péremptoires des conclusions du prévenu faisant valoir, nonobstant la délégation litigieuse, qu'il n'avait commis aucune faute personnelle au regard des obligations assumées par l'employeur et qu'il avait tout mis en oeuvre pour que soient réalisées les mesures préconisées par l'inspecteur du Travail " ;
Attendu que pour retenir à la charge de Michel X... le délit poursuivi et écarter les conclusions du prévenu qui soutenait qu'aucune faute personnelle ne pouvait lui être reprochée, dès lors qu'il avait été tardivement informé de l'existence d'une mise en demeure de l'inspection du Travail, la cour d'appel énonce qu'il ne résulte pas des pièces versées aux débats que la charge des problèmes de sécurité ait été spécialement attribuée au " président-directeur général " ou au " directeur général " de la société, ni même qu'une délégation de pouvoirs ait été consentie à un préposé ; que la cour d'appel ajoute qu'en conséquence, c'est à juste titre que la responsabilité pénale de Michel X... a été recherchée, d'autant plus que les frais devant être entraînés par la mise en place de l'installation requise étaient importants, et que la caisse régionale d'assurance maladie, informée elle-aussi du risque existant, avait procédé à une inspection l'ayant amenée à majorer les cotisations de l'entreprise ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs exempts d'insuffisance et fondés sur l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions déposées devant elle, a donné une base légale à sa décision ; qu'en effet, le chef d'établissement, au sens de l'article L. 263-2 du Code du travail, commet une faute personnelle engageant sa responsabilité pénale en ne s'assurant pas lui-même de la stricte et constante exécution des dispositions édictées pour l'hygiène et la sécurité des travailleurs, à moins que ne soit apportée la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à un préposé investi par lui et pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour veiller efficacement au respect des règles en vigueur ;
Que tel n'étant pas le cas en l'espèce, le moyen proposé ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 88-83193
Date de la décision : 16/01/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Aération et assainissement des locaux de travail - Infraction à l'article R. 232-12 ancien du Code du travail - Abrogation par le décret du 7 décembre 1984 - Effet - Poursuites en cours

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Travail - Hygiène et sécurité des travailleurs - Article R. 232-12 ancien du Code du travail - Abrogation par le décret du 7 décembre 1984 - Effet

Le chef d'entreprise poursuivi sur le fondement de l'article R. 232-12 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 84-1093 du 7 décembre 1984, pour avoir omis de satisfaire, en 1986, aux prescriptions dudit article prévoyant l'évacuation, hors des locaux de travail, des gaz incommodes ou toxiques et le renouvellement de l'air des ateliers pour qu'il reste dans l'état de pureté nécessaire à la santé des travailleurs, ne saurait s'exonérer de sa responsabilité pénale en faisant valoir que le texte visé à la prévention était abrogé lorsque la juridiction répressive a été appelée à statuer, et que les nouvelles dispositions de l'article R. 232-1-7 du Code du travail n'étaient pas encore applicables au jour de la constatation de l'infraction. En effet, le décret du 7 décembre 1984, qui prévoit l'abrogation des dispositions antérieures concernant l'assainissement des locaux de travail ainsi que leur remplacement par des prescriptions désormais regroupées sous la rubrique " aération, assainissement " et qui assure, sous une autre forme, la continuité de l'incrimination, précise que cette abrogation ne deviendra effective qu'au moment de la mise en application des nouvelles dispositions réglementaires, à la date indiquée par l'article 8 de ce texte


Références :

Code du travail R232-1-7
Code du travail R232-12 ancien
Décret 84-1093 du 07 décembre 1984 art. 8

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre correctionnelle), 29 avril 1988


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 jan. 1990, pourvoi n°88-83193, Bull. crim. criminel 1990 N° 28 p. 68
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1990 N° 28 p. 68

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Guirimand
Avocat(s) : Avocat :M. Cossa

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:88.83193
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