Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 2 octobre 1987), que la Société commerciale de produits agricoles (SCPA) a vendu en novembre 1984 à la Société des chargeurs agricoles Agroshipping (la société Agroshipping) une certaine qualité de graines, le contrat étant assorti d'une clause réservant au vendeur la propriété de la marchandise jusqu'au paiement intégral du prix ; que les graines ont été déposées par l'acheteur dans un silo géré par une tierce entreprise Sonastock ; que, le mois suivant, la société Agroshipping a consenti sur la marchandise un gage en faveur du Crédit lyonnais (la banque) ; qu'elle a déposé son bilan trois semaines plus tard ; qu'à la suite du jugement de liquidation des biens, le vendeur a vainement revendiqué la marchandise ;
Attendu que la société SCPA fait grief à la cour d'appel d'avoir fait prévaloir sur ses droits, non contestés, ceux du créancier gagiste aux motifs que la mauvaise foi de ce dernier n'était pas établie, que les graines étaient détenues pour le compte du Crédit lyonnais par l'intermédiaire de Sonastock, tiers détenteur habilité à faire connaître aux tiers l'existence du gage, et qu'enfin la dépossession du débiteur s'était manifestée d'une manière suffisamment apparente pour que les tiers en aient connaissance, alors selon le pourvoi, d'une part, que le doute du possesseur sur la qualité de propriétaire de celui avec lequel il a traité est exclusif de la bonne foi ; que la cour d'appel, qui constate que l'existence d'une clause de réserve de propriété était conforme aux usages en vigueur dans le commerce des grains et que le Crédit lyonnais n'ignorait pas, au jour où a été consenti le nantissement, les difficultés économiques traversées par la société Agroshipping, ne pouvait dès lors se borner à affirmer que le Crédit lyonnais était de bonne foi sans priver sa décision de base légale au regard de l'article 2279 du Code civil ; alors, d'autre part, que la mise en oeuvre de la règle " en fait de meubles possession vaut titre " suppose une possession réelle, publique et dépourvue d'équivoque ; que, selon les énonciations de l'arrêt, la société Sonastock, qui détenait les marchandises pour le compte d'Agroshipping, les a ensuite gardées en qualité de tiers détenteur pour le compte du Crédit lyonnais, gagiste ; qu'une telle modification de titre, convenue entre le détenteur, le débiteur et le gagiste, et qui ne s'est traduite par aucun nouveau transfert de possession ni aucune formalité équivalente, rendait équivoque et clandestine la possession, de sorte qu'ont été violés les articles 2231 et 2279 du Code civil ; et alors, enfin, que ces mêmes constatations établissaient que le gage ne s'était pas constitué par la dépossession du débiteur mais que seul le titre juridique de la société Sonastock, maintenue en détention des grains, était modifié ; qu'une telle constitution n'est pas valable, ni en toute hypothèse opposable aux tiers, de sorte que la cour d'appel a violé l'article 92, alinéa 2, du Code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a décidé que la possession de la banque était exempte de vice et que sa mise en possession, ainsi que la dépossession corrélative du débiteur, s'étaient manifestées de manière suffisamment apparente, par la remise à un tiers désigné, pour être connue de tous ;
Attendu, en second lieu, que les juges du fond ont retenu, souverainement, que la preuve de la mauvaise foi de la banque n'était pas rapportée et en ont justement déduit que, présumée de bonne foi, celle-ci était fondée à invoquer le bénéfice de l'article 2279 du Code civil ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi