La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/1989 | FRANCE | N°89-81524

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 novembre 1989, 89-81524


CASSATION sur les pourvois formés par :
- X...,
- Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Papeete, chambre des appels correctionnels, du 2 février 1989 qui les a condamnés pour diffamation et complicité à des réparations civiles.
LA COUR,
Joignant les pourvois, vu la connexité ;
Vu le mémoire personnel produit par les demandeurs ;
1°) Sur la recevabilité des pourvois :
Attendu qu'il appert des énonciations de l'arrêt attaqué que X... et Y... étaient représentés par leur conseil à l'audience de la cour d'appel du 19 janvier 1989 à laquelle ont eu

lieu des débats ; que la cause a été renvoyée à celle du 2 février 1989 pour l'arrêt être ...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- X...,
- Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Papeete, chambre des appels correctionnels, du 2 février 1989 qui les a condamnés pour diffamation et complicité à des réparations civiles.
LA COUR,
Joignant les pourvois, vu la connexité ;
Vu le mémoire personnel produit par les demandeurs ;
1°) Sur la recevabilité des pourvois :
Attendu qu'il appert des énonciations de l'arrêt attaqué que X... et Y... étaient représentés par leur conseil à l'audience de la cour d'appel du 19 janvier 1989 à laquelle ont eu lieu des débats ; que la cause a été renvoyée à celle du 2 février 1989 pour l'arrêt être rendu à cette date ; que la décision a été effectivement prononcée ledit jour ;
Attendu que de ces énonciations, il ne résulte pas qu'à l'audience du 19 janvier 1989, les prévenus ou leur conseil aient été informés par le président conformément aux prescriptions de l'article 462, alinéa 2, du Code de procédure pénale du jour auquel l'arrêt devait être rendu ni qu'ils aient été présents lors du prononcé de celui-ci ;
Que, d'autre part, aucune pièce du dossier ne fait état de la signification de l'arrêt aux demandeurs ; que dès lors, en vertu des dispositions de l'article 568, alinéa 2.1°, dudit Code, le délai non franc de 3 jours, prévu à l'article 59 de la loi du 29 juillet 1881 pour former pourvoi en matière d'infractions de presse, n'était pas expiré lorsque le 7 février 1989 les prévenus ont usé de cette voie de recours ;
D'où il suit que les pourvois sont recevables ;
2°) Au fond :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 54, 55 de la loi du 29 juillet 1881, 591 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'X... et Y... ont, par exploit du 12 juillet 1987, été cités à comparaître pour répondre du délit de diffamation et complicité à l'audience du tribunal correctionnel du 26 juillet 1987 ; que Y... a fait notifier le 22 juillet 1987 une offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires dans laquelle il signifiait, en outre, qu'à la dite-audience il invoquerait la nullité de la citation pour inobservation du délai prévu à l'article 54 de la loi du 29 juillet 1881 ; que, pour rejeter cette exception présentée à nouveau devant elle, la cour d'appel énonce que le délai de l'article 54 n'est pas prescrit à peine de nullité de la citation mais permet seulement au prévenu de demander le renvoi de l'affaire pour préparer sa défense, qu'en l'espèce la cause appelée le 26 juillet devant le Tribunal n'ayant été retenue que le 27 septembre, les droits de la défense ont été respectés ;
Attendu que les demandeurs ne sauraient se faire un grief d'une telle décision ; qu'en effet il résulte de la combinaison des articles 54 de la loi sur la liberté de la presse et 553.2° du Code de procédure pénale que, dans le cas où la partie citée se présente ou est représentée devant le Tribunal, la citation donnée à trop bref délai n'est pas nulle ; que ladite partie a seulement la faculté de demander le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure afin d'utiliser le délai légal lequel en l'espèce, a été rendu parfait par la remise de la cause ordonnée par les premiers juges ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris du défaut ou de l'insuffisance de motifs, de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale et de l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, si en matière de diffamation, lorsque la preuve des imputations diffamatoires est autorisée par la loi, les juges du fond déduisent souverainement des documents produits et des témoignages recueillis les circonstances justificatives dont prétendent exciper les prévenus, il appartient à la Cour de Cassation de contrôler si ces mêmes juges ont apprécié la corrélation des faits ainsi déterminés avec les imputations diffamatoires et se sont par suite prononcés à bon droit sur l'administration de la preuve ; qu'il en résulte que les juges du fond ne sauraient se borner à affirmer les résultats de leur appréciation et qu'ils doivent préciser les éléments sur lesquels ils l'ont fondée ;
Attendu qu'X..., directeur de publication du périodique La Dépêche, journal de Tahiti, et Y..., journaliste, ayant été cités du chef de diffamation et complicité envers Z... devant le tribunal correctionnel de Papeete, à la suite de la parution d'un article publié le 26 octobre 1987 et retenu à raison du passage suivant :
" Cet homme, cet ancien militaire tahitien ayant servi dans l'armée française cherche à comprendre, à analyser, à expliquer ce qui a pu amener une centaine de dockers renforcés par les troupes d'A... et Z... à incendier et à saccager la ville de la sorte " ; que, dans les 10 jours de la citation, Y... a fait signifier à la partie poursuivante une offre de preuve de la vérité des faits comprenant dénonciation de 2 copies de pièces et du nom d'un témoin ; que, lors des débats, les prévenus ont en outre demandé aux juges d'ordonner la communication du dossier de l'information ouverte à la suite des incidents évoqués dans l'article incriminé et dont le contenu était, selon la défense, susceptible de " combattre la prétendue diffamation " ; que pour refuser " la démonstration de la vérité des faits soi-disant diffamatoires " proposée, l'arrêt attaqué énonce, d'une part, que seuls les éléments de preuve rapportés dans les conditions prescrites par l'article 55 de la loi sur la liberté de la presse peuvent être produits aux débats sur l'exception de vérité ce qui n'est pas le cas du dossier d'instruction en cours de règlement dont il n'a été fait état qu'à l'audience, et, d'autre part, que la preuve de la vérité des faits ne résulte pas des pièces notifiées dans l'exploit du 27 juillet 1987 ;
Mais attendu que si les juges qui n'ont pas le pouvoir de compléter ou de parfaire l'établissement de la preuve de la vérité que la loi laisse à la seule initiative des personnes poursuivies en même temps qu'elle en règle les conditions d'admissibilité et d'administration, ont, à bon droit, refusé d'ordonner la communication d'un dossier d'instruction d'ailleurs non encore terminé, ils ne pouvaient, à propos des pièces régulièrement offertes, se borner à déclarer que la preuve n'était pas administrée ; qu'en s'abstenant de préciser dans quelle mesure les faits étaient ou non établis et d'apprécier, le cas échéant, leur corrélation avec les imputations diffamatoires, ils ont mis la Cour de Cassation dans l'impossibilité d'exercer son contrôle et n'ont pas donné de base légale à leur décision ;
Que la cassation est dès lors encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Papeete du 2 février 1989,
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nouméa.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 89-81524
Date de la décision : 21/11/1989
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PRESSE - Procédure - Cassation - Pourvoi - Délai - Point de départ - Signification de la décision - Cas.

1° CASSATION - Pourvoi - Délai - Point de départ - Affaire mise en délibéré - Parties informées du jour où l'arrêt serait rendu - Défaut - Effet 1° CASSATION - Pourvoi - Délai - Presse.

1° Le délai prévu à l'article 59 de la loi du 29 juillet 1881 commence à courir à dater de la signification de l'arrêt si l'avis prescrit par l'article 462, alinéa 2, du Code de procédure pénale n'a pas été donné à la partie intéressée (1).

2° PRESSE - Procédure - Citation - Délai - Inobservation - Renvoi à une audience ultérieure.

2° Il résulte de la combinaison des articles 54 de la loi du 29 juillet 1881 et 553.2° du Code de procédure pénale que dans le cas où la partie citée se présente ou est représentée devant le Tribunal, la citation donnée à trop bref délai n'est pas nulle. La partie a seulement la faculté de demander le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure afin de parfaire le délai (2).

3° PRESSE - Diffamation - Preuve de la vérité des faits diffamatoires - Recherche d'office par les juges - Demande de communication d'un dossier d'information (non).

3° Les juges n'ont pas le pouvoir de compléter ou de parfaire l'établissement de la preuve de la vérité des faits que la loi laisse à la seule initiative des personnes poursuivies en même temps qu'elle en règle les conditions d'admissibilité. C'est donc à bon droit qu'ils refusent d'ordonner la communication d'un dossier d'instruction (3).

4° PRESSE - Diffamation - Preuve de la vérité des faits diffamatoires - Administration - Preuve corrélative aux imputations - Obligation des juges du fond d'énoncer les faits - Contrôle de la Cour de Cassation.

4° En matière de diffamation, s'il appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement la valeur des témoignages et des documents régulièrement produits en vue d'apporter la preuve prévue par l'article 35 de la loi sur la presse, ils ne sauraient se borner à déclarer que la preuve n'est pas administrée. En s'abstenant de préciser dans quelle mesure les faits sont ou non établis et d'apprécier, le cas échéant, leur corrélation avec les imputations diffamatoires, les juges mettent la Cour de Cassation dans l'impossibilité d'exercer son contrôle (4).


Références :

Code de procédure pénale 462 al. 2, 568 al. 2
Code de procédure pénale 553 al. 2
Loi du 29 juillet 1881 art. 54 Loi du 29 juillet 1881 art. 35
Loi du 29 juillet 1881 art. 59

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete (chambre correctionnelle), 02 février 1989

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1984-12-11 , Bulletin criminel 1984, n° 399, p. 1072 (cassation), et les arrêts cités. CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1985-05-21 , Bulletin criminel 1985, n° 196, p. 500 (rejet), et les arrêts cités. CONFER : (3°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1950-12-07 , Bulletin criminel 1950, n° 280, p. 461 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1953-10-28 , Bulletin criminel 1953, n° 272, p. 476 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1963-11-05 , Bulletin criminel 1963, n° 306, p. 648 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1964-10-21 , Bulletin criminel 1964, n° 273, p. 585 (rejet). CONFER : (4°). (4) Cf. Chambre criminelle, 1948-03-16 , Bulletin criminel 1948, n° 94, p. 138 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1962-12-05 , Bulletin criminel 1962, n° 359, p. 742 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 nov. 1989, pourvoi n°89-81524, Bull. crim. criminel 1989 N° 431 p. 1046
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1989 N° 431 p. 1046

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Dardel

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:89.81524
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award