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21/11/1989 | FRANCE | N°88-80425

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 novembre 1989, 88-80425


REJET du pourvoi formé par :
- X... Claude,
- Y... Francis,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 12 novembre 1987, qui, pour infraction à l'article 22 de la loi du 31 juillet 1968, les a respectivement condamnés à 10 000 et 60 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;
Sur les faits :
Attendu que, dans le dessein de bénéficier d'un agrément d'investissement qui, prévu par l'article 19-1 du décret du 30 décembre 1959, ne peut être délivré qu'à des films français, la société FFCM, dont Francis Y.

.. est le président-directeur général, et la société Shangrila Productions, ayant pour ...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Claude,
- Y... Francis,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 12 novembre 1987, qui, pour infraction à l'article 22 de la loi du 31 juillet 1968, les a respectivement condamnés à 10 000 et 60 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;
Sur les faits :
Attendu que, dans le dessein de bénéficier d'un agrément d'investissement qui, prévu par l'article 19-1 du décret du 30 décembre 1959, ne peut être délivré qu'à des films français, la société FFCM, dont Francis Y... est le président-directeur général, et la société Shangrila Productions, ayant pour gérant Claude X..., dit Bernard Z..., ont soumis au Centre national de la cinématographie un dossier présenté comme étant relatif à une oeuvre française en voie de réalisation ; que l'enquête effectuée a révélé qu'il s'agissait en réalité d'une production directement et essentiellement inspirée d'un long métrage pornographique américain tourné aux Etats-Unis avec des acteurs et techniciens de la même nationalité, les quatre cinquièmes de la première étant composés d'images extraites du second, et que les noms des comédiens figurant dans ledit dossier étaient ceux des acteurs de doublage ; qu'abusée par ces indications fallacieuses, la commission d'agrément a donné un avis favorable au soutien financier de l'Etat mais que le ministre de la Culture et de la Communication a déposé plainte en estimant que ces agissements tombaient sous le coup de l'article 22 de la loi du 31 juillet 1968 qui vise et punit " quiconque aura fourni sciemment des renseignements inexacts ou incomplets en vue d'obtenir " d'une collectivité locale ou d'un " service ou organisme ", dont la liste est fixée par décret, " un paiement ou avantage quelconque indu " ; que Francis Y... et Claude X... ont été poursuivis de ce chef ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation proposé, pris de la violation des articles 22 de la loi du 31 juillet 1968, 402 du Code pénal, 1 et suivants de la loi du 30 décembre 1975, du décret du 30 décembre 1975, du décret du 30 décembre 1959, du Code du cinéma, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Y... et X... à 60 000 francs et 10 000 francs d'amende pour infraction à l'article 22 de la loi du 31 juillet 1968 ;
" au motif qu'ils avaient fourni, à l'occasion d'une demande d'agrément d'investissement intéressant un film qu'ils allaient produire, des renseignements inexacts afin d'obtenir cet agrément et de bénéficier d'avantage indus ;
" alors que l'article 22 de la loi du 31 juillet 1968 sanctionne les déclarations inexactes faites en vue d'obtenir d'une collectivité publique un paiement ou un avantage ; que, par suite, le délit n'est constitué que si l'auteur de la déclaration a agi avec l'intention de se procurer un paiement ou un avantage indus ; que les premiers juges avaient déclaré l'infraction non constituée au motif qu'il n'était pas établi que, eu égard aux circonstances de la cause, les prévenus aient eu l'intention, en formulant leur demande, d'obtenir frauduleusement un avantage financier ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, pour infirmer le jugement et déclarer le délit constitué, devait expressément constater que les auteurs de la demande avaient fourni les renseignements à eux reprochés pour obtenir un tel avantage, ainsi que l'exige la loi ; que, cependant, l'arrêt infirmatif ne relève pas que ce soit dans ce but que des indications inexactes aient été fournies à l'appui de la demande ; que, dès lors, la condamnation n'est pas légalement justifiée " ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 22 de la loi du 31 juillet 1968, 402 du Code pénal, 1 et suivants de la loi du 30 décembre 1975, du décret du 30 décembre 1959, du Code du cinéma, 388 et suivants, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" au motif que l'octroi de l'agrément d'investissement, s'il n'ouvre pas droit à une subvention au titre du soutien financier, permet au producteur, par anticipation sur l'agrément complémentaire, d'investir dans le film en préparation les allocations dont il avait pu bénéficier sur la base de l'exploitation de ses films antérieurs, ce qui constitue un avantage au sens de la loi du 30 juillet 1968 ;
" alors que les prévenus étaient poursuivis pour avoir fourni des renseignements inexacts en vue d'obtenir de l'Etat un paiement ou un avantage, en l'espèce, le versement d'une subvention pour un film intitulé Chassés Croisés Passionnels ; qu'en les condamnant pour avoir souscrit une déclaration en vue de pouvoir utiliser des sommes qui leur auraient été antérieurement acquises au titre d'autres films, la cour d'appel a excédé les limites de sa saisine ;
" alors que la possibilité d'affectation des sommes provenant du soutien financier antérieurement acquises constitue, d'après l'arrêt attaqué, une anticipation sur l'agrément complémentaire et ne s'applique donc qu'aux films susceptibles d'obtenir cet agrément ; que l'arrêt attaqué constate que le film en cause ne pouvait en bénéficier et qu'aucune demande d'agrément complémentaire n'avait été déposée ; qu'il en résultait que, eu égard à la nature du film, l'octroi de l'agrément d'investissement n'était générateur d'aucun avantage et que, dès lors, la loi du 30 juillet 1968 n'était pas applicable ;
" et alors, enfin, que la faculté d'investir dans la production du film, objet de la demande, les allocations acquises au titre de films antérieurs, faculté prévue par l'article 19 du décret du 30 décembre 1959, ne constitue un avantage que dans la mesure où le producteur dispose de telles allocations ; que, dès lors, l'arrêt attaqué ne pouvait se contenter d'affirmer, abstraitement, que l'agrément d'investissement procurait un avantage ; qu'il devait encore, pour caractériser celui-ci, relever que les auteurs de la demande bénéficiaient de subventions au titre de films antérieurs, sans quoi l'agrément ne procurait aucun avantage ; que faute de l'avoir fait, l'arrêt attaqué n'a pas légalement caractérisé l'avantage visé par l'article 22 et qui est un élément constitutif de l'infraction et ainsi est dépourvu de base légale " ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 22 de la loi du 31 juillet 1968, 402 du Code pénal, 1 et suivants de la loi du 30 décembre 1975, du décret du 30 décembre 1959, du Code du cinéma, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" au motif que la demande d'agrément d'investissement laissait croire que le film était français, ce qui devait avoir pour résultat d'éluder le paiement de la taxe forfaitaire de 300 000 francs ;
" alors que l'arrêt attaqué relève que, conformément aux dispositions de la loi du 30 décembre 1975, cette taxe est spontanément versée au plus tard lors de la première projection du film ; qu'ainsi son exigibilité ou sa non-exigibilité ne donnent pas lieu à une déclaration ou à une demande et qu'en tout cas la demande d'agrément d'investissement, qui a pour seul objet l'octroi de cet agrément, ne peut en aucun cas être considérée comme une déclaration exigée en vue d'obtenir l'exonération de la taxe ; que, dès lors, l'article 22 de la loi du 31 juillet 1968 était inapplicable ;
" alors qu'en outre, la décision prise au titre de l'agrément d'investissement est sans incidence légale sur l'exigibilité ou la non-exigibilité de la taxe ; qu'un film qui a obtenu cet agrément peut, ensuite, en être passible, de même que peut en être exonéré un film qui, faute de demande ou en raison du refus de celle-ci, n'a pas bénéficié de l'agrément ; qu'il suit de là que la déclaration contenue dans la demande d'agrément d'investissement ne pouvait être légalement considérée comme une déclaration exigée en vue d'obtenir l'exonération de la taxe spéciale et que, dès lors, le délit sanctionné par l'article 22 n'était pas constitué ;
" et alors, enfin, que l'exigibilité ou la non-exigibilité de la taxe ne sont acquises qu'après classement du film et délivrance du visa, lesquels n'interviennent qu'après l'achèvement du tournage, de sorte qu'une demande d'agrément d'investissement, obligatoirement formulée avant que celui-ci ne commence, ne peut avoir ni pour objet ni pour conséquence d'obtenir l'exonération de la taxe et que, dès lors, en décidant que les déclarations faites à l'occasion de la demande d'agrément d'investissement avaient pour résultat d'éluder le paiement de celle-ci, l'arrêt attaqué a violé les dispositions des lois des 31 juillet 1968 et 30 décembre 1975 " ;
Ces moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, pour retenir la culpabilité de Francis Y... et de Claude X..., la juridiction du second degré, répondant aux conclusions des prévenus reprises aux moyens, relève que l'agrément d'investissement qui leur a été octroyé le 24 novembre 1980 leur donnait, à lui seul, la possibilité d'investir des sommes en provenance du soutien financier, par anticipation sur l'agrément complémentaire qui ne pouvait être sollicité ni obtenu en l'espèce en raison du classement du film, après son achèvement, sur la liste des productions à caractère pornographique ; qu'en outre, selon les juges, la fausse déclaration faite à la Commission d'agrément et d'investissement sur l'origine réelle de ce film devait avoir pour résultat de le faire considérer comme étant français et d'éluder le paiement de la taxe forfaitaire de 300 000 francs prévue, pour les productions pornographiques étrangères, par l'article 11- II de la loi de finance pour 1976 ; qu'ainsi l'agrément d'investissement obtenu dans les conditions ci-dessus rappelées constitue l'avantage indu prévu par l'article 22 de la loi du 31 juillet 1968 et qu'à ce titre l'infraction était établie dès le dépôt de la demande, soit le 11 septembre 1980 ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, et abstraction faite de tous autres motifs surabondants, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit retenu à la charge des demandeurs ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 88-80425
Date de la décision : 21/11/1989
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CINEMA - Films - Agrément d'investissement - Obtention d'un avantage indu (loi n° 68-690 du 31 juillet 1968) - Avantage indu - Définition

Constitue un avantage indu, au sens de l'article 22-I de la loi n° 68-690 du 31 juillet 1968, l'agrément provisoire d'investissement accordé au producteur d'un film cinématographique dès lors que les juges du fond ont constaté que ce film ne remplissait pas les conditions requises pour bénéficier dudit agrément, obtenu grâce à des indications fallacieuses.


Références :

Loi 68-690 du 31 juillet 1968 art. 22 al. 1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 novembre 1987


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 nov. 1989, pourvoi n°88-80425, Bull. crim. criminel 1989 N° 428 p. 1037
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1989 N° 428 p. 1037

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Morelli
Avocat(s) : Avocat :la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:88.80425
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