CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- la Confédération nationale des syndicats dentaires,
- le syndicat confédéré des chirurgiens dentistes des Yvelines,
- l'Union des jeunes chirurgiens dentistes,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles (9e chambre) du 10 avril 1986 qui, dans une procédure suivie contre Jean-François X... du chef d'exercice illégal de l'art dentaire, a annulé la citation délivrée au prévenu.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par la Confédération nationale des syndicats dentaires et le syndicat confédéré des chirurgiens dentistes des Yvelines et pris de la violation des articles 551, alinéa 4, 565 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que la cour d'appel a annulé la citation délivrée à la requête du syndicat confédéré des chirurgiens dentistes des Yvelines, de la Confédération nationale des syndicats dentaires et du conseil de l'Ordre des chirurgiens dentistes des Yvelines ;
" aux motifs que cette citation, dont l'exploit ne mentionnait pas les nom, prénom, profession et qualité de la personne agissant au nom du conseil de l'Ordre, ne respectait pas les exigences posées par l'article 551, alinéa 4, du Code de procédure pénale ; que ce n'est que tardivement, au cours des débats, qu'il est apparu que M. Y..., président du conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens dentistes des Yvelines, avait été autorisé à déposer une plainte contre X..., et que c'est à sa requête qu'il avait été cité ; que le fait de ne pas avoir été immédiatement informé de l'identité de la personne physique qui agissait en justice contre lui au nom du conseil de l'Ordre des chirurgiens dentistes des Yvelines, ne permettait pas au prévenu de vérifier si la citation dont il avait fait l'objet avait été délivrée au nom de la personne qui avait qualité pour engager cette action ; que même, si l'exploit avait été délivré par les deux organisations syndicales dans des conditions régulières, cet exploit unique et indivisible était entaché de nullité ;
" alors, d'une part, que l'Ordre des chirurgiens dentistes des Yvelines était valablement représenté par le conseil de l'Ordre, en sorte que la citation délivrée en termes exprès à la requête du conseil de l'Ordre des chirurgiens dentistes des Yvelines, demeurant 16, boulevard de la Reine (78000) Versailles... " suffisait à identifier le requérant comme le prescrit l'article 551, alinéa 4, du Code de procédure pénale, et qu'en annulant ladite citation, la cour d'appel a violé le texte précité ;
" alors, d'autre part, et de toutes façons, que dès l'instant où il était précisé que la citation délivrée au prévenu l'était à la requête du " conseil de l'Ordre des chirurgiens dentistes des Yvelines, demeurant 16, boulevard de la Reine (78000) Versailles ", le prévenu pouvait prendre tous les renseignements nécessaires auprès dudit Conseil et s'enquérir de l'identité de la personne physique qui agissait en son nom ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué qui annule, selon l'article 565 du Code de procédure pénale, ladite citation comme portant atteinte aux intérêts du prévenu, ne donne pas de base à sa décision ; qu'il en est d'autant plus ainsi que la cour d'appel, qui observe que la citation avait été délivrée dans des conditions apparemment régulières par les organisations syndicales et souligne que l'exploit était unique et indivisible, n'a pris aucunement en considération le fait que le prévenu ne pouvait du fait même de cette indivisibilité et de la régularité de la citation délivrée par les organisations syndicales avoir aucun doute sur la recevabilité et la portée des poursuites dont il faisait l'objet, ce qui prive de ce chef sa décision de toute base légale au regard de l'article 565 du Code de procédure pénale " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par l'Union des jeunes chirurgiens dentistes et pris de la violation des articles 551, 593 et 802 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a annulé la citation du 4 décembre 1984 et déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'Union des jeunes chirurgiens dentistes ;
" aux motifs qu'il n'est nulle part indiqué dans la citation les nom, prénom, profession et qualité de la personne agissant au nom du conseil de l'Ordre des chirurgiens dentistes ; ce n'est que tardivement au cours des débats, qu'il est apparu que Y..., président du conseil départemental avait été autorisé à déposer plainte contre X... et que, par conséquent, c'était à sa requête que X... avait été cité ; que le prévenu n'a été, de quelque façon que ce fût, préservé de l'atteinte portée à ses intérêts, le fait de n'être pas immédiatement informé de l'identité de la personne physique qui agissait en justice contre lui au nom du conseil de l'Ordre des chirurgiens dentistes des Yvelines et de n'être dès lors pas mis, comme doit le permettre le respect des exigences ci-dessus mentionnées, en mesure de s'assurer si la citation avait précisément été délivrée au nom de la personne qui avait qualité pour engager cette action ; que même si l'exploit est délivré à la requête de deux organisations syndicales dans des conditions apparemment régulières, cet exploit unique et indivisible se trouve entaché de nullité et qu'en conséquence ni l'action publique, ni l'action civile n'ont été ici régulièrement mises en mouvement ; que l'Union des jeunes chirurgiens dentistes ne pouvait donc se constituer partie civile à l'audience ;
" alors que, d'une part, l'irrégularité éventuelle qui pouvait affecter la citation, afférente à la qualité de l'une des parties à la requête de laquelle elle était délivrée, était sans influence sur sa validité dès lors qu'elle avait été régulièrement délivrée à la requête d'autres parties ; que l'action civile a régulièrement été mise en mouvement par la citation litigieuse délivrée régulièrement à la requête du syndicat confédéré des chirurgiens dentistes des Yvelines et de la Confédération nationale des syndicats dentaires ; que, pour en avoir autrement décidé, l'arrêt attaqué s'expose à la censure ;
" alors que, d'autre part, l'irrégularité d'un acte ne peut entraîner son annulation que lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ; que le défaut de mention par la citation du 4 décembre 1984 du représentant du conseil de l'Ordre des chirurgiens dentistes n'a pu causer aucun préjudice au prévenu d'autant que la citation était également délivrée à la requête d'autres parties civiles ; que dès lors, l'arrêt attaqué s'expose à la censure ;
" alors que, de troisième part, l'action publique devait être regardée comme ayant été régulièrement mise en mouvement par la constitution de partie civile, à l'audience, de l'Union des jeunes chirurgiens dentistes " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en cas de pluralité de parties civiles la nullité d'une citation commune délivrée au prévenu ne peut avoir d'effet qu'à l'égard de celle desdites parties civiles qui est l'auteur de l'irrégularité constatée par les juges ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que sur la citation conjointe du syndicat confédéré des chirurgiens dentistes des Yvelines, de la Confédération nationale des syndicats dentaires et du conseil de l'Ordre des chirurgiens dentistes des Yvelines, l'Union des jeunes chirurgiens dentistes s'étant constituée partie civile devant le Tribunal, Jean-François X..., artisan-prothésiste, a été poursuivi pour exercice illégal de l'art dentaire ; qu'accueillant ces actions les premiers juges ont condamné le prévenu de ce chef ;
Attendu que pour annuler la citation délivrée par les trois premiers de ces organismes et déclarer irrecevable la constitution de partie civile du quatrième, la juridiction du second degré se prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Mais attendu que la cour d'appel ne pouvait étendre aux deux premières des parties civiles précitées qui, même par une citation unique délivrée en commun au prévenu, avaient mis régulièrement en mouvement l'action publique, rendant ainsi recevable la constitution de partie civile de l'Union des jeunes chirurgiens dentistes, les effets d'une nullité que, sur le fondement des prescriptions de l'article 551, alinéa 4, du Code de procédure pénale, elle n'était en droit de prononcer qu'à l'égard du conseil de l'Ordre des chirurgiens dentistes des Yvelines ; qu'en procédant comme elle l'a fait elle n'a pas donné de base légale à sa décision et qu'en conséquence la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions concernant les demandeurs, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles en date du 10 avril 1986 et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.