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14/11/1989 | FRANCE | N°85-91271

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 novembre 1989, 85-91271


REJET et CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Jean,
- Y... Marie-Thérèse, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 11 février 1985, qui a statué sur le montant des remboursements dus au Trésor public ensuite d'un délit de blessures involontaires commis sur la personne de Marie-Thérèse Y..., agent de l'Etat, et dont X... a été déclaré entièrement responsable.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
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REJET et CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Jean,
- Y... Marie-Thérèse, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 11 février 1985, qui a statué sur le montant des remboursements dus au Trésor public ensuite d'un délit de blessures involontaires commis sur la personne de Marie-Thérèse Y..., agent de l'Etat, et dont X... a été déclaré entièrement responsable.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur les faits :
Attendu que l'arrêt attaqué constate que Marie-Thérèse Y..., agent de l'administration des Postes et Télécommunications, a été victime le 31 octobre 1977 de blessures involontaires dont X... a été déclaré coupable et entièrement responsable ; que devant le Tribunal appelé à statuer sur la réparation des conséquences dommageables de ce délit, le Trésor public a demandé qu'il soit sursis à statuer sur son recours dont il n'était pas encore en mesure de chiffrer le montant ; que les premiers juges, au lieu de faire droit à cette demande ainsi que le leur prescrivaient les dispositions de l'article 4 de l'ordonnance du 7 janvier 1959, ont déclaré irrecevable l'intervention de l'Etat et, statuant sur certains chefs du préjudice corporel de la victime, ont condamné X... notamment à payer à Marie-Thérèse Y... la somme de 111 000 francs pour incapacité permanente partielle au taux de 30 % et la somme de 3 264, 41 francs pour perte de primes ;
Attendu que sur le seul appel du Trésor public, dont les droits étaient restés suspendus, l'arrêt attaqué a évalué à 187 726, 39 francs le montant de l'indemnité due à la victime et soumise au recours de l'Etat, somme comprenant 111 000 francs au titre de l'incapacité permanente partielle et 76 726, 39 francs pour l'incapacité temporaire totale subie du 31 octobre 1977, date de l'accident, au 7 juillet 1979, date de consolidation retenue conformément aux conclusions de l'expert, a fixé à 172 808, 90 francs le montant de la créance de l'Etat constituée par les traitements et indemnités accessoires versés à son agent jusqu'au 13 avril 1981, date à laquelle la victime avait effectivement repris son service, a condamné X... à payer cette somme au Trésor public en deniers ou quittances et enfin a constaté que la partie de cette somme qui pourrait le cas échéant faire l'objet d'un reversement de Marie-Thérèse Y... au Trésor public, ne pouvait excéder 85 698, 30 francs ;
En cet état :
I.- Sur le pourvoi de X... :
Sur le premier moyen de cassation proposé et pris de la violation de l'article 464 du Code de procédure pénale :
" en ce que la cour d'appel, après avoir fixé à 187 726, 39 francs la somme sur laquelle l'Etat pouvait exercer son recours (ITT IPP), a condamné X..., prévenu, à payer au Trésor public la somme de 172 809, 90 francs sans déduire les sommes versées par le prévenu, en exécution des deux jugements de première instance qui l'avaient condamné à payer à Mme Y... une provision de 10 000 francs puis la somme de 135 764, 41 francs, cette dernière condamnation étant assortie de l'exécution provisoire à concurrence des trois quarts de la somme allouée ;
" alors que le responsable ne peut être condamné à réparer deux fois le même préjudice et que le paiement fait dans les mains de la victime en vertu d'un jugement assorti de l'exécution provisoire est libératoire pour le débiteur et opposable au Trésor public admis en appel à prélever les prestations qu'il a fournies sur l'indemnité revenant à la victime ; d'où il suit qu'en refusant de déduire les sommes ainsi versées du montant de la condamnation prononcée au profit du Trésor public, qui devait de ce chef exercer son recours contre Mme Y..., la cour d'appel a violé le texte susvisé " ;
Et sur le second moyen de cassation proposé et pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 514 et suivants du nouveau Code de procédure civile, 464 du Code de procédure pénale :
" en ce que la cour d'appel, après avoir condamné X... à payer au Trésor public la somme de 172 808, 90 francs qui absorbait entièrement l'indemnité à laquelle Mme Y... pouvait prétendre au titre de réparation de son préjudice corporel, a refusé tout droit à remboursement des sommes versées en exécution du jugement et a décidé que le Trésor public pouvait obtenir remboursement des sommes versées par X... dans la limite de 85 698, 30 francs ;
" alors, d'une part, que nul ne peut être indemnisé deux fois pour le même préjudice, ni se voir allouer des sommes supérieures au montant de sa créance ; que dès lors, en excluant le droit à remboursement du prévenu condamné à payer une seconde fois l'indemnité au Trésor public et en permettant à ce dernier de bénéficier, outre la condamnation contre X..., des restitutions dues par Mme Y..., la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
" alors, d'autre part, que l'exécution provisoire d'un jugement se fait aux risques et périls de l'exécutant ; que dès lors en refusant à X... le droit à remboursement intégral des deux provisions (10 000 francs et 101 823, 30 francs) payées en vertu des jugements de première instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors enfin que celui qui a reçu un paiement indû s'oblige à le restituer ; qu'en refusant dès lors à X... le droit d'obtenir un remboursement intégral, sans rechercher s'il avait payé à Mme Y... la totalité des condamnations prononcées par le Tribunal, même pour la partie non assortie de l'exécution provisoire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'en précisant que les paiements mis à la charge de X... au profit du Trésor public pourraient être effectués soit en quittances soit en deniers, la cour d'appel n'a nullement encouru les griefs allégués ;
Qu'en effet une telle modalité de paiement permet au demandeur de se prévaloir à l'égard de son créancier, à due concurrence, des versements qu'il a effectués entre les mains de la victime au titre des indemnités sur lesquelles s'exerce l'action subrogatoire de l'Etat ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
II.- Sur le pourvoi de Marie-Thérèse Y... :
Sur le moyen unique de cassation proposé et pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 1 et 5 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, 36 de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a imputé sur l'indemnité due par le tiers responsable d'un accident étranger au service, causé à une fonctionnaire le 31 octobre 1977 et dont les conséquences corporelles étaient " consolidées " à la date du 7 juillet 1979, l'intégralité des traitements dont le service avait été poursuivi jusqu'au 13 avril 1981 ;
" au motif que " le recours de l'Etat peut comprendre l'ensemble des traitements et indemnités servis pendant la période effective d'interruption de service " ;
" alors, d'une part, que pour s'être abstenue de rechercher, comme elle en était sollicitée, si la prorogation du congé de maladie de la victime bien au delà de la durée prévue par les dispositions, d'ordre public, de l'article 36 de l'ordonnance du 4 février 1959 trouvait ou non son explication dans la perpétuation d'une affection qui aurait, à la fois, été en relation certaine de causalité avec l'accident et figuré dans l'énumération limitative des affections susceptibles de justifier une telle prorogation, donnée par le même texte et le règlement d'administration publique pris pour son application, la cour d'appel a privé de base légale sa décision ;
" alors, d'autre part, qu'en l'absence d'invocation du versement par l'Etat à sa fonctionnaire de prestations destinées à réparer, au moins pour partie, l'atteinte définitive portée à sa capacité de travail, le recours du Trésor public était limité à la part des dommages-intérêts afférente à l'incapacité temporaire, indemnisée par la poursuite du paiement du traitement jusqu'à la date de consolidation " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les juges sont tenus de statuer sur tous les chefs péremptoires des conclusions dont ils sont régulièrement saisis ;
Attendu que le prévenu Jean X... et la partie civile Marie-Thérèse Y... ont, par conclusions régulièrement déposées, soutenu que le recours de l'Etat ne pouvait s'exercer qu'à concurrence du montant des traitements versés pendant la période d'incapacité temporaire totale judiciairement constatée, soit la somme de 73 461, 98 francs ; que la partie civile Marie-Thérèse Y... a sollicité une expertise aux fins de déterminer si l'interruption de travail postérieure au 7 juillet 1979, date de la consolidation judiciairement constatée, était consécutive à l'accident ;
Attendu que, pour écarter la contestation ainsi soulevée concernant tant l'assiette du recours de l'Etat que son étendue et pour condamner X... à rembourser au Trésor public en deniers ou quittances l'intégralité de la somme réclamée, l'arrêt attaqué énonce que le recours de l'Etat peut s'exercer, par subrogation aux droits de la victime, sur l'indemnité allouée au titre de l'incapacité permanente partielle même si une pension n'est pas servie à cette dernière ; qu'il peut donc comprendre l'ensemble des traitements et indemnité servis pendant la période effective d'interruption de service alors même que l'incapacité temporaire totale constatée judiciairement est moindre ;
Attendu que, s'il est exact que l'incapacité temporaire et l'incapacité permanente partielle ne sont que les divers aspects d'un même préjudice consistant en l'atteinte à l'intégrité physique, et que l'Etat, dont les prestations ont contribué à la réparation de ce préjudice, est fondé à réclamer, par subrogation aux droits de la victime, le remboursement de ces dépenses dans la seule limite de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable selon le droit commun, à l'exclusion de la part de cette indemnité réparant les chefs de préjudice à caractère personnel, il n'en demeure pas moins que ce recours implique que les dépenses qui en sont l'objet sont consécutives à l'accident ;
Qu'en s'abstenant de vérifier, au besoin en recourant à une expertise, comme ils étaient invités à le faire, l'existence de ce lien de causalité qui était sérieusement contesté, les juges d'appel ont méconnu le principe susrappelé ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
1°) Sur le pourvoi de X... :
REJETTE le pourvoi ;
2°) Sur le pourvoi de Marie-Thérèse Y... :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Orléans, en date du 11 février 1985,
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans autrement composée.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-91271
Date de la décision : 14/11/1989
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° SECURITE SOCIALE - Régimes spéciaux - Fonctionnaires - Accident du travail - Tiers responsable - Recours du Trésor public - Indemnité provisionnelle versée à la victime - Paiement en deniers ou quittances.

1° La condamnation du tiers responsable d'un accident dont un agent de l'Etat a été victime, à payer en deniers ou quittances, permet à ce débiteur de se prévaloir sur le recours du Trésor public, des versements effectués par lui à titre provisionnel entre les mains de la victime, au titre des indemnités sur lesquelles s'exerce l'action subrogatoire de l'Etat (1).

2° ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Victime agent de l'Etat - Recours - Recours du Trésor public - Assiette - Indemnité mise à la charge du tiers responsable du chef de l'atteinte à l'intégrité physique.

2° En vertu des dispositions de l'ordonnance du 7 janvier 1959, lorsque l'infirmité ou la maladie d'un agent de l'Etat est imputable à un tiers, l'Etat dispose de plein droit contre ce dernier, par subrogation aux droits de la victime, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à celle-ci à la suite de l'infirmité ou de la maladie. Ce recours s'exerce, dans la limite de l'indemnité mise à la charge de ce tiers, sur les sommes allouées aussi bien au titre de l'incapacité permanente partielle qu'à celui de l'incapacité temporaire, qui ne sont que les divers aspects d'un même préjudice consistant en l'atteinte à l'intégrité physique, et à la seule exclusion de la part de l'indemnité représentant les chefs de préjudice à caractère personnel (2).

3° SECURITE SOCIALE - Régimes spéciaux - Fonctionnaires - Accident du travail - Tiers responsable - Recours du Trésor public - Contestation du lien de causalité entre les versements effectués par l'Etat et l'accident.

3° Dans le cas où l'agent a été reconnu apte à reprendre son service à une date fixée par l'autorité administrative, postérieure à la date de consolidation admise par les juges, il appartient à ces derniers, s'ils sont saisis d'une contestation sérieuse sur ce point de vérifier si l'inaptitude de l'agent au service, persistante pendant la période écoulée entre ces deux dates, est consécutive à l'accident dont le tiers a été déclaré responsable (3).


Références :

Ordonnance 59-244 du 04 février 1959
Ordonnance 59-76 du 07 janvier 1959

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans (chambre correctionnelle), 11 février 1985

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1983-11-13 , Bulletin criminel 1983, n° 300, p. 764 (cassation). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1980-10-08 , Bulletin criminel 1980, n° 252, p. 653 (rejet). CONFER : (3°). (3) Cf. Contra : Chambre criminelle, 1974-09-21 , Bulletin criminel 1974, n° 269, p. 687 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1986-11-18 n° 85-96.032 (inédit ;

rejet) ;

A rapprocher : Chambre criminelle, 1987-01-20 , Bulletin criminel 1987, n° 32, p. 78 (rejet et cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 nov. 1989, pourvoi n°85-91271, Bull. crim. criminel 1989 N° 419 p. 1016
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1989 N° 419 p. 1016

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Perfetti
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Souppe
Avocat(s) : Avocats :la SCP Delaporte et Briard, MM. Blanc, Ancel

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:85.91271
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