LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le trente octobre mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BREGEON, les observations de Me RYZIGER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LECOCQ ; Statuant sur le pourvoi formé par :
X... Gilles,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de LYON, en date du 27 juin 1989, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de proxénétisme, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de mise en liberté ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 334 du Code pénal, de l'article 693 du Code de procédure pénale, des articles 485, 593 du même Code ; " aux motifs qu'en vertu des dispositions de l'article 693 du Code de procédure pénale, est réputée commise sur le territoire de la République, toute infraction dont un acte caractérisant l'un des éléments constitutifs a été accompli en France ; qu'est considéré comme proxénète, au sens de l'article 334 du Code pénal, celui qui, notamment, sous une forme quelconque, partage les produits de la prostitution d'autrui, ou reçoit des subsides d'une personne se livrant à la prostitution, ou, étant en relations habituelles avec une prostituée, ne peut justifier des ressources correspondant à son train de vie ; qu'en l'espèce, l'information a établi que Gilles X... qui n'exerce aucune profession et ne peut justifier de revenus réguliers avait, au cours de ces dernières années, séjourné plusieurs fois en France, dans la région lyonnaise et dans les Alpes, notamment en compagnie de sa maîtresse, Christine Y..., qui admet se prostituer et tirer ses ressources de cette " activité " ; que, plus précisément, Gilles X... a été interpellé en mai 1989 pendant la période du Festival international du cinéma, circulant en voiture de luxe et fréquentant assidument des établissements de grand standing ; que, dès lors, il importe peu que Christine Y... se prostitue exclusivement en Allemagne, où, pas plus qu'en France, cette activité ne serait, en soi, réprimée ; que, de même, il importe peu que la cohabitation avec une prostituée ne soit pas répréhensible en Allemagne, puisque les faits reprochés à Gilles X..., savoir, notamment la communauté de vie avec Christine Y..., le partage de ses ressources et la remise, par celle-ci, de subsides, quelque forme que cette remise ait pu prendre se sont déroulés à Cannes et dans sa région ; que, dès lors, en application de l'article 693 du Code de procédure pénale, le délit reproché à Gilles X... est réputé avoir été commis sur le territoire français ; " alors que, sauf le cas exceptionnel, prévu par l'article 334-1-7° du Code pénal qui vise le cas où un prévenu a recruté des personnes sur le territoire métropolitain, en vue de les livrer ou de les inciter à se livrer à la prostitution hors du territoire métropolitain, délit qui vise la traite internationale des femmes, le législateur ne réprime pas les faits de proxénétisme qui ne créent pas de troubles sur le territoire français ; qu'ainsi, l'élément d caractéristique du proxénétisme par cohabitation avec une prostituée, ou par partage des produits de la prostitution ou réception des subsides, n'est constitué que pour autant que les faits de prostitution ont lieu en France " ;
Attendu que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que la chambre d'accusation a ordonné le maintien en détention du demandeur par une décision motivée d'après les éléments de l'espèce, dans les conditions et pour les cas que précisent les articles 144 et 145 du Code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen, qui tend à voir statuer sur des questions autres que la détention, n'est pas recevable ;
Qu'en effet, en permettant aux inculpés de relever appel des ordonnances prévues par les articles 186, alinéas 1 et 3 et 186-1 du Code de procédure pénale, ces textes dont les dispositions sont limitatives, leur ont attribué un droit exceptionnel dont ils ne sauraient s'autoriser pour faire juger, à l'occasion de ces procédures spéciales, des questions étrangères à leur unique objet ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents :
M. Tacchella conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Bregeon conseiller rapporteur, MM. Souppe, Gondre, Hébrard, Hecquard, Alphand conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac conseiller référendaire, M. Lecocq avocat général, Mme Patin greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.